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[Terrorisme] Bernard Cazeneuve, la radicalisation sur Internet et les géants du web

En voyage de trois jours aux États-Unis, Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, participe à un sommet mondial contre le terrorisme à la Maison Blanche et…

En voyage de trois jours aux États-Unis, Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, participe à un sommet mondial contre le terrorisme à la Maison Blanche et est en campagne contre « l’embrigadement terroriste » sur Internet, dernier cheval de bataille du gouvernement depuis les attentats de Paris, mais également celui d’Obama dans sa lutte contre l’EI. Ce vendredi, il rencontre les géants du web qu’il souhaite rallier à sa cause.

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Sommet mondial de lutte contre le terrorisme

Dans le cadre de sa participation à un sommet mondial contre le terrorisme à la Maison Blanche, le ministre de l’Intérieur s’est rendu à Washington jeudi et sa déclaration à l’approche de la capitale semblait donner le ton de son séjour, mais surtout un visage à sa bête immonde, cause de toutes les perversions : Internet. Oui, à en croire le ministre, « 90 % de ceux qui basculent dans le terrorisme basculent par le biais d’Internet ».

Sur les terres de l’Oncle Sam, devant la presse, mais aussi auprès des 60 pays participants au sommet, Bernard Cazeneuve a plaidé pour « une meilleure coordination dans la lutte contre la propagande et le recrutement terroristes sur Internet », qui doit passer par une meilleure harmonisation des “législations en matière de retrait des contenus illégaux” au niveau international.

Il devait notamment rencontrer Éric Holder, ministre de la Justice US, et le directeur du FBI, très critique envers les méthodes de chiffrement d’Apple et Google qui permettent « à des criminels sophistiqués d’échapper à toute détection. »

C’est pourquoi, lors de sa rencontre prévue ce vendredi avec les « grands majors de l’Internet » – Apple, Facebook, Microsoft, Google et Twitter – il compte leur proposer « un vrai deal », à savoir une collaboration avec les autorités « contre l’embrigadement sectaire » afin de s’assurer de leur réactivité et vigilance face au contenu faisant l’apologie du terrorisme.

France Europe Terror

Il souhaite ainsi s’assurer « que ce grand espace de liberté et de croissance ne soit pas un espace d’endoctrinement sectaire qui joue sur la vulnérabilité de nos ressortissants » et en appelle donc à une « responsabilité partagée » face à une « menace protéiforme ».

Je vais leur proposer un “vrai deal”. Je vais leur dire : “Nous croyons à l’économie numérique, nous croyons qu’Internet doit être un espace de confiance et par conséquent, nous avons besoin d’être dans une responsabilité partagée”

Un terrorisme en “accès libre” sur la toile

Pour illustrer son propos, il pointe du doigt ce terrorisme « diffus » et « en accès libre », les vidéos de propagande, remake djihadiste de blockbusters hollywoodiens, ou d’exécutions d’otages et de prisonniers pullulent sur la toile. Si la plateforme Pharos tourne à plein régime et prouve son efficacité, le phénomène est loin d’être endigué, d’autant qu’il n’est pas l’affaire d’un pays.

Si on ne peut nier qu’Internet et les réseaux sociaux sont un véritable outil de communication et de propagande pour les groupes terroristes, au premier rang desquels l’État islamique figure, affirmer avec autant d’aplomb qu’ils concourent à 90% de la radicalisation des futurs terroristes est peut-être un peu précipité si ce n’est opportuniste. En effet, quel meilleur moyen de légitimer des lois liberticides et/ou sécuritaires que d’agiter l’épouvantail de la peur, chiffre fort à l’appui.

Si cette phrase prononcée jeudi a bénéficié d’un formidable écho, elle n’est pourtant pas nouvelle. Le ministre de l’Intérieur martelant son message depuis plusieurs semaines. Le gouvernement a ainsi lancé une campagne contre le djihadisme en ligne.
Selon Libération, le ministre de l’Intérieur se fonde sur un rapport du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam, « basé sur un échantillon de 160 familles ‘pas forcément représentatives de l’ensemble des familles dont les enfants sont touchés’, selon l’étude elle-même ». Mais qu’importe ! L’effet produit dans les esprits doit valoir ces petites approximations.

cybersecurité

Vers une inéluctable collaboration des géants du Net ?

Ce vendredi, Bernard Cazeneuve va donc se présenter avec sa liste de doléances et espère que les acteurs du web marcheront de concert pour retirer « sans délai », sur demandes des autorités qui les leurs signaleront, les contenus appelant au terrorisme. De même, il les exhorte à aider les gouvernements pour développer un « contre discours » à destination des jeunes vulnérables tentés par le djihadisme et “utiliser cet extraordinaire vecteur pour diffuser de l’information sur les risques encourus“, à l’image de la campagne gouvernementale française. Enfin, il requiert leur collaboration dans les enquêtes antiterroristes en apportant leur savoir technique pour démanteler les technologies sophistiquées utilisées pour passer entre les mailles du filet.
Sollicité par le FBI, sur demandes des autorités françaises, lors des attentats contre Charlie Hebdo, Microsoft avait mis 45 minutes à transmettre les informations demandées.

Devançant toute question sur la liberté d’expression dans un pays très attaché au Premier Amendement de la Constitution, Bernard Cazeneuve souhaite trouver des « solutions qui n’obèrent en rien la liberté d’expression sur Internet ni la dynamique économique qui peut résulter de cet extraordinaire outil.

“L’appel au meurtre ne relève pas de la liberté d’expression, ce sont des délits criminels”, a-t-il affirmé. Rappelant que “ce sont des journalistes français, des caricaturistes français qui symbolisent la liberté d’expression, parfois jusqu’à l’impertinence, qui ont été assassinés par des terroristes” lors de l’attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier.

La France est bien placée pour connaître le prix que peuvent payer ceux qui sont attachés à la liberté d’expression lorsque les terroristes aveuglés par la haine frappent, si nous voulons lutter contre le terrorisme, c’est au nom de la liberté d’expression, et non pas pour l’obérer” a-t-il assuré.

Déjà sollicités par Obama il y a peu sur la question de la cybercriminalité (invités Marissa Mayer, Mark Zuckerberg, Larry Page et Eric Schmidt n’avaient pas hésité à snober le président, il n’est pas certain qu’ils soient plus disposés à satisfaire le ministre français, effet Charlie ou pas.

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Rappelons que lors de l’adoption de la loi de lutte contre le terrorisme, en novembre dernier, et dont l’article 9 prévoit le blocage administratif de sites sans autorisation préalable d’un juge et offre également aux forces de police la possibilité de déréférencer du contenu faisant l’apologie du terrorisme, les défenseurs des libertés et les géants du web (via l’Association des sites internet communautaires qui regroupe notamment Google, Skype, Facebook, Microsoft, Yahoo!, Dailymotion, eBay, Deezer, Spotify, Airbnb, PriceMinister ou encore AOL) s’étaient indignés et demandaient que le Conseil Constitutionnel soit saisi et examine cette loi qui constitue « une atteinte sans précédent aux libertés » (voir le communiqué de l’Asic).

Internet, l’éternel bouc émissaire ?

Par ailleurs, plusieurs mécanismes sont déjà en place du côté de Facebook, Twitter ou Google notamment, qui répondent positif à la plupart des requêtes gouvernementales envoyées par les autorités étatiques (États-Unis en tête), que ce soit sur la suppression de contenu illicite ou la demande de données de comptes utilisateurs, alors même qu’ils ne sont pas des plus enclins à y répondre.

Depuis l’affaire Snowden/NSA, les géants de la Silicon Valley sont plus soucieux de restaurer la confiance de leurs clients que s’attirer les faveurs des autorités américaines. Entre sécurité nationale et libertés civiles, l’équilibre semble difficile à trouver et les géants du Net sont régulièrement mis sous pression, que ce soit par l’administration Obama, le premier ministre britannique David Cameron (« La question reste: allons-nous autoriser des moyens de communication qui ne nous permettent pas [de surveiller ce qui s’écrit ou se dit]? Ma réponse à cette question est: non, nous ne devons pas ») mais aussi par le FBI (ici et ) et les services de renseignement britanniques, le GCHQ, dont les diverses déclarations font d’eux des complices par leur volonté de ne pas laisser les gouvernements avoir un accès libre à leurs serveurs.

Si cet argument fait le lit de toujours plus de surveillance de masse pour des résultats encore attendus, celui d’Internet comme outil de radicalisation de djihadistes en sommeil est tout autant sujet à caution.
L’exemple des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly, auteurs des attentats perpétrés à Paris entre le 7 et le 9 janvier, a montré que leur radicalisation avait eu lieu en prison, le facteur Internet étant quasiment absent, si ce n’est accessoire, ce qu’avait très bien souligné Le Monde en janvier dernier.
Que ce soit pour les frères Kouachi et Amedy Coulibaly donc, mais aussi Mohammed Merah, auteur des attentats de Toulouse et Mehdi Nemmouche, auteur de la tuerie du Musée Juif de Belgique.

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11 commentaires
  1. Quand j’étais petit, c’était l’Eurasia, euh non, l’URSS les méchants.
    Maintenant, c’est l’Estasia, euh non, les terroristes les méchants pas gentils.

    L’inconvénient, c’est que maintenant les méchants ne sont plus à l’étranger mais carrément parmi nous, les fourbes ! Alors il faut bien que BigBrother nous surveille encore plus parce que, sinon, on sera plus en sécurité, que dis-je, on n’est déjà plus sécurité…

    A revoir d’urgence :
    http://www.dailymotion.com/video/xkupjs_guignols-world-company-terrorisme-et-ben-laden_news

  2. encore qui ne fait pas le poids face aux obscurantistes…
    avec le obama qui vient d’inviter tout un paquet d’islamiques à la maison blanche, on est mal barré tant qu’il y aura ces socialos-caviar hypocrites et angéliques…

  3. Tous les auteurs des attentats commis depuis 2 mois en France comme ailleurs étaient tous des délinquants, jeunes, ayant fréquenté les prisons. Alors, oui, la prison est bien le lit des islamistes intégristes.
    Internet n’est qu’ un vecteur de communication et de propagande.

  4. il y en a vraiment qui se doutent de rien et vivent encore sur leurs nuages de petits bisounours… et on remarque d’ailleurs que ce sont ceux là même qui gobent les thèses propagandistes…

  5. Tous les rapports montrent que les terroristes occidentaux se sont radicalisés :

    1 – En prison ++++++
    2 – En sortie de prison via des prédicateurs islamistes

    Evidemment ils ont aussi utilisé internet, mais ce n’était pas le facteur dominant, loin de là, de la radicalisation.

    Et est-ce que les Barack Ogogolma et Bernard Cacaneuf réalisent que si les “géants” collaborent, les terroristes vont simplement utiliser d’autres services ?
    C’est pas dur d’utiliser des moyens de communication sécurisés. C’est pas dur de créer un site dans un Etat qui s’en fout. C’est pas dur de créer des moteurs de recherche alternatifs qui ne seraient pas concernés par cette collaboration.
    Ah, la collaboration, une vieille tradition occidentale (francaise ?) ?

    C’est d’un ridicule, mais d’un prévisible, c’est déprimant. C’est la première chose à laquelle j’ai pensé après les attentats de Charlie Hebdo et antisémites, une fois le choc passé. Quelles lois liberticides, en particulier contre internet vont-ils maintenant nous pondre ?
    Et profiter de leur petit nuage de regain de popularité ?

    C’est bien amusant d’être choqué de tout ce qui sort des documents de Snowden (PRISM et compagnie, dernièrement le vol des clefs de chiffrements du réseau GSM par la NSA et le GCHQ)… Tout en poussant par ailleurs pour faire la même chose mais légalement.

  6. donc sous le prétexte qu’ils peuvent le faire d’une autre manière, on préfère les laisser faire tout court…

    dans d’autres pays/cultures ça s’appelle du laxisme… enfin je dis ça, je dis rien…

    attendons de voir la suite, puisque apparemment il n’y pas eu assez de morts (des centaines de milliers de Syriens, de Yazhidis et de Kurdes et d’Irakiens et d’Israéliens et de Nigérians et de Maliens, ça compte pas vraiment en tant qu’être humains n’est ce pas)…

  7. Les gens peuvent acheter des armes par d’autres moyens, donc laissons les faire aussi, les gens peuvent rouler au dessus de 220 km/h laissons les faire aussi, n’intervenons surtout pas…

    et puis évidemment ça c’est de la propagande Américano-sioniste n’est ce pas :

    http://www.nytimes.com/2015/02/21/world/middleeast/activists-trying-to-draw-attention-to-killings-in-syria-turn-to-isis-tactic-shock-value.html

    des meurtres de masse, c’est un mythe d’après certains tiens…

    Je ne m’étonne même plus le raisonnement de certains et le côté sombre de l’humain.

  8. Notre cher ministre parle de l’internet… Mais les islamistes sont déjà en France, déjà parmi nous. L’ennemi n’est plus sur l’internet; il est là, de l’autre coté de la rue.
    La France si rien n’est fait, comme actuellement, va devenir une véritable poudrière.

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