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[Critique] Outsider

Métaphore visuelle du dépassement de soi, la boxe a toujours entretenu une relation particulière avec le cinéma. Mais le noble art peut-il encore être original ?…

Métaphore visuelle du dépassement de soi, la boxe a toujours entretenu une relation particulière avec le cinéma. Mais le noble art peut-il encore être original ?

Depuis des décennies, le cinéma américain s’est emparé de la figure du boxeur, souvent coincée entre courage et démon intérieur. Et si les années 70/80 on fait la part belle aux héros victorieux, nombreux sont les réalisateurs à s’être penché sur le quotidien peu reluisant de certains de ces gladiateurs des temps modernes. C’est ainsi que des films comme The Fighter (David O. Russell) ou De l’ombre à la Lumière (Ron Howard) ont su donner de l’épaisseur à leurs protagonistes, comme Raging Bull (M. Scorsese) en son temps.

Mais les studios hollywoodiens ont surtout toujours eu l’ambition de réitérer l’exploit de Rocky. Oeuvre dont personne n’avait voulu croire, le long métrage aura donné lieu à une des sagas les plus prolifiques du cinéma. Son ombre plane d’ailleurs encore sur la production actuelle comme en témoigne la vitalité du genre (Creed, La Rage au Ventre…).

S’il prend au départ toutes les allures d’un « rise & fall » classique, Outsider n’est pas un film de boxe. En contant l’histoire du véritable Chuck Wepner, combattant moyen travaillant comme négociant en alcool ayant réussi à tenir 15 rounds contre Mohamed Ali, Philippe Falardeau livre une intéressante réflexion sur la création du statut d’icône. Bien qu’il ait gagné une bonne partie de ses combats officiels, le « Saigneur de Bayonne » s’est surtout démarqué pour sa capacité à prendre de véritables punitions sans tomber par terre. Son courage face au plus grand champion de l’époque a en effet très largement inspiré Sylvester Stallone pour son personnage de Rocky.

Le réalisateur ne s’attarde jamais sur le noble art, et emballe cette fameuse confrontation en une dizaine de minutes avant de véritablement débuter son récit. Pas de montage hyper énergique sur fond de musique symphonique, ni de relation paternelle avec son entraîneur. Falardeau s’intéresse à l’homme. On peut bien sûr lui reprocher d’éluder ces moments qui ont dû certes avoir lieu, mais ce choix scénaristique a le mérite de prendre à contre-pied la majorité des récents films de genre.

Outsider se sert d’une habile mise en abîme pour égratigner la machine à mythe hollywoodienne. Wepner vit à travers un film, se prétendant « le véritable Rocky », ce qu’il est même s’il n’a pas touché un centime de cet immense succès critique et commercial. Prêt à mentir sur les cachets qu’il a reçus de la part de l’acteur, le combattant laisse peu à peu apparaître une autre vision de ces « incroyables histoires vraies » que nous mitonne si souvent le cinéma.

Falardeau arrive à saisir toute l’absurdité de la situation, en soulignant une dichotomie entre celui qui a souffert… Et celui qui l’a imité. Le film pêche ainsi clairement sur le sport en lui-même, mais se révèle être ainsi un ingénieux biopic, exercice tout aussi difficile.

Liev Schreiber livre très probablement sa meilleure performance, et fait même oublier une réalisation un peu ronflante. D’habitude cantonné à des seconds rôles assez légers, il arrive ici à incarner une sorte de séducteur un peu balourd et sûr de lui, prêt à tous pour sa part de rêve. Sa bonhomie ne l’empêche pas d’être convaincant sur le plan dramatique lorsqu’il est confronté à la prison ou aux femmes qui gravitent autour de lui, impeccables Elizabeth Moss et Naomi Watts.

Faux film de boxe, mais vrai bon biopic, Outsider prend le parti de l’absurde pour décrire la vie du véritable Rocky. Porté par un Liev Schreiber étonnant et bien entouré, le film de Phillipe Falardeau livre un regard sensible sur un homme haut en couleur, obligé de vivre dans l’ombre d’une carrière fantasmée. On aurait apprécié un peu plus de punch, mais ça vaut le coup (droit).

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