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Cinquante ans après, pourquoi faut-il (re)voir 2001, l’Odyssée de l’espace ?

Le 12 mai dernier, le 71e Festival de Cannes a rendu hommage à 2001, l’Odyssée de l’espace, en le projetant en 70 mm, son format d’origine. Le long-métrage de Stanley Kubrick vient en effet de fêter son 50e anniversaire. Considéré comme un chef d’œuvre absolu du 7e art, le film conserve un puissant pouvoir de séduction malgré les évolutions techniques du cinéma depuis un demi-siècle. Retour sur une œuvre sidérale.

[nextpage title=”Quand les grands esprits se rencontrent”]

A l’aube de l’Humanité, dans le désert africain, une tribu de primates subit les assauts répétés d’une bande rivale, qui lui dispute un point d’eau. La découverte d’un monolithe noir inspire au chef des singes assiégés un geste inédit et décisif. Brandissant un os, il passe à l’attaque et massacre ses adversaires. Le premier instrument est né.

En 2001, quatre millions d’années plus tard, un vaisseau spatial évolue en orbite lunaire au rythme langoureux du “Beau Danube Bleu”. A son bord, le Dr. Heywood Floyd enquête secrètement sur la découverte d’un monolithe noir qui émet d’étranges signaux vers Jupiter. Dix-huit mois plus tard, les astronautes David Bowman et Frank Poole font route vers Jupiter à bord du Discovery. Les deux hommes vaquent sereinement à leurs tâches quotidiennes sous le contrôle de HAL 9000, un ordinateur exceptionnel doué d’intelligence et de parole. Cependant, HAL, sans doute plus humain que ses maîtres, commence à donner des signes d’inquiétude : à quoi rime cette mission et que risque-t-on de découvrir sur Jupiter ?

Quand le 5e art rencontre le 7e

La littérature fait partie intégrante de l’œuvre de Kubrick. Le Britannique s’est ainsi sans cesse inspiré de romans pour réaliser ses films. Depuis L’Ultime Razzia (basé sur Clean Break de Lionel White), il puise la quintessence des fictions sur papier pour les retranscrire en image.

Fait quasiment unique, ses longs-métrages sont bien souvent devenus plus célèbres que les livres dont ils sont inspirés. Bien qu’il ait emprunté à des écrivains reconnus comme Stephen King (The Shining) ou Anthony Burgess (L’Orange Mécanique), l’évocation des titres éponymes fait souvent surgir le souvenir d’une scène marquante en premier lieu. Seul le Lolita de Vladimir Nabokov, pourtant magnifiquement adapté en en 1962, semble conserver la faveur des littéraires.

2001, l’Odyssée de l’espace est un projet pour le moins singulier. Le scénario fut rédigé par Kubrick et l’écrivain de science-fiction Arthur C. Clarke, aujourd’hui considéré comme un des plus grands du genre. Ce dernier a parallèlement travaillé sur un roman du même nom qui sera publié après la sortie du film (pour mieux le mettre en avant).

Kubrick s’est d’ailleurs fortement inspiré d’une précédente nouvelle de Clarke nommée « La Sentinelle », bien que l’histoire diffère à certains endroits. Si le réalisateur reste volontairement évasif sur les tenants et les aboutissants du scénario, l’écrivain continuera son chemin en rédigeant trois ouvrages supplémentaires à 2001 : « 2010, Odyssée deux », « 2061 : Odyssée trois » et « 3001 : l’Odyssée finale ».

Le succès du film lui assura une publicité importante, ce qui peut se comprendre vu l’attraction qu’il procure encore aujourd’hui. Le film se suffit à lui-même, mais il a en tout cas ouvert une porte vers un univers littéraire assez riche pour s’y plonger. Un joli coup de pouce du destin.

Des thèmes universels

Vu dans de bonnes conditions, 2001 ne donne jamais l’impression d’avoir vraiment vieilli. Un tour de force assez unique, qui peut s’expliquer autant par la forme que par le fond. La maestria visuelle de l’œuvre est servie par un propos fort, qui évolue au fur et à mesure que le spectateur le revoit.

En un film, Kubrick réussit à aborder de façon évocatrice ce que de nombreux films de genre n’arriveront qu’à évoquer. Filmée en 4 parties, l’œuvre entend délimiter les évolutions successives de l’homme, en retraçant l’histoire de l’humanité. Un voyage métaphysique, où le spectateur passe de primate à l’état de surhomme en une ellipse magnifique, transformant un simple os en station spatiale.

Mais Kubrick lie avec brio chaque thème entre eux. Il laisse ainsi entendre que l’évolution à laquelle on assiste est surveillée, voire aidée par une force extérieure, peut-être extra-terrestre, représentée par le fameux monolithe noir. Figure dominante du film, cette pierre mystérieuse lui permet d’assouvir ses obsessions géométriques et de laisser une porte ouverte à notre imagination.

Il met ainsi un point d’honneur à ne pas nous donner de réponses claires sur les origines de ce dernier. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que de nombreux spectateurs y voient une allusion à l’écran de cinéma. Comme peut l’être un film ou un livre, le monolithe se veut médium de réflexion.

Mais Kubrick n’oublie jamais de raconter une histoire, en jouant avec des peurs beaucoup plus rationnelles. Parmi ces dernières, il nous interpelle sur les dérives de l’informatique et de la robotique. Et de quelle manière !

[nextpage title=”Je suis désolé Dave, je ne crois pas pouvoir faire ça.”]

Un antagoniste emblématique

Peu de machines auront autant marqué le cinéma que HAL 9000. Si le superordinateur ne peut pas être considéré comme un « méchant » à proprement parler, il est probablement un des antagonistes les plus inventifs du grand écran. Derrière son apparente simplicité se cache une véritable prouesse d’écriture et de cinéma.

Conscient des questions d’éthique que posait la démocratisation encore précoce de l’informatique (notamment via IBM, dont HAL est une référence), Kubrick et Clarke ont créé une entité dont la neutralité semble au-dessus de tout soupçon. Magnifiquement doublé par la douce voix de Douglas Rain, cette intelligence artificielle contrôle absolument tout dans le vaisseau et va progressivement prendre des décisions hostiles à l’encontre de ses occupants.

C’est précisément parce que HAL se met à penser comme un humain, et accède à la conscience qu’il devient dangereux. Se sentant menacé par l’attitude de David et Frank, qui commencent à douter de ses choix pourtant censés être infaillibles, il met en place une stratégie machiavélique pour s’en débarrasser.

C’est justement, car il se sent indispensable qu’il se permet de décider qui doit mourir. Sa politesse et sa déférence renforcent l’aspect glaçant de l’ensemble, tandis que le spectateur tente de déceler ce qu’il pense en fixant une simple lumière rouge. Une fois n’est pas coutume, le Britannique utilise l’économie de moyen pour stimuler notre imagination.

HAL 9000 est par la suite devenu un personnage incontournable, et une inspiration pour d’autres médias. Comment ne pas voir de similitudes entre l’ordinateur et certains protagonistes de jeux vidéo comme Shodan (System Shock) ou GLaDOS (Portal) ?

La réflexion qu’il soulève sur l’intelligence artificielle ne cessera de hanter la science-fiction. Dix ans après celui de Kubrick, le film Alien (Ridley Scott,1979) y fait une formidable référence via le personnage de Ash, incarné par Ian Holm, un androïde qui cache ses intentions à l’équipage qu’il accompagne. Le début d’un questionnement encore vivace aujourd’hui. Récemment, le truculent Elon Musk nous mettait en garde contre l’avènement de robots tueurs. Une nouvelle preuve, s’il en faut, de l’aspect visionnaire du long-métrage.

https://youtu.be/rrf0cH4o_g4

[nextpage title=”L’espace comme il est… Ou presque”]

Des effets spéciaux miraculeux

Si 2001, L’Odyssée de l’Espace a aussi réussi à conserver aussi longtemps son aura, c’est aussi grâce à la virtuosité de ses effets spéciaux. En plus de son talent inné pour la mise en scène, Kubrick a pu s’appuyer sur le savoir-faire d’un passionné : Douglas Trumbull.

Malgré le contentieux qu’ils auront par la suite concernant la remise de l’Oscar, les deux artistes vont trouver le secret de jouvence de l’œuvre. Comprenant l’intérêt de la hard science avant l’heure, les compères se sont énormément renseignés sur l’avancement de la technologie spatiale, quelques années à peine avant le premier pas sur la lune.

Grâce à plusieurs procédés cinématographiques (dont certains exclusifs à Trumbull), il crée un monde aux antipodes de ce que Star Wars présentera par la suite. Cette vidéo de la chaîne Vulture évoque quelques-unes de ces techniques révolutionnaires.

Le réalisateur ne voulait pas rendre l’espace menaçant en soit, mais souligner l’indifférence de la présence humaine dans l’univers. Dans le livre, Arthur C. Clarke insiste lui aussi sur ce gigantisme silencieux dans lequel l’humain tente de se déployer.

Si les obsessions visuelles (symétrie, utilisation de la lumière et de la couleur) de Kubrick se font ressentir à chaque plan, le rendu conserve une simplicité qui lui fait traverser les âges. Les idées de mise en scène ne sont pas tombées en désuétude avec l’avancée de la technologie. Au contraire, elles semblent avoir guidé notre vision de la conquête spatiale.

Comme le monolithe guidant les hommes, le long-métrage de Kubrick se révèle étrangement omniscient quant aux innovations qui succéderaient à l’œuvre.

Considéré comme un des maîtres absolus de la science-fiction, Isaac Asimov en personne soulignera cet aspect lors d’une interview donnée en 1977 pour la revue American Film. L’écrivain y décèle déjà les secrets d’un monument du genre.

[nextpage title=”Le chant de l’univers”]

Une expérience sonore de premier plan

Si 2001 est devenue une oeuvre culte, c’est aussi grâce a sa magnifique bande sonore. Tant et si bien que certains morceaux sont désormais indissociables de certains instants du film. C’est évidemment le cas de la scène d’ouverture et de conclusion du film, portée par le magnifique Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss. Ou l’apparition de la station spatiale sur Le Beau Danube Bleu. Autre Strauss, Johann cette fois, mais même sensation tenace d’assister à un spectacle de premier plan.

Mais le Britannique ne pioche pas que dans les classiques anciens. Étonné par un morceau que sa femme a entendu à la radio, il décide d’implémenter l’inquiétant Lux Aeterna de Gyorgy Ligeti, un compositeur contemporain nettement moins connu à l’époque.

Kubrick a voulu tirer la quintessence de l’image et du son. Il faut d’ailleurs attendre la 25e minute pour entendre la première ligne de dialogue ! Après avoir longtemps hésité sur le morceau d’ouverture (avec du Gustav Mahler notamment), il indique son choix à la MGM. Problème, un film d’une telle envergure se doit d’avoir une bande-son.

C’est l’américain Alex North qu’il choisit. Le compositeur travaille comme un acharné et en enregistre une en deux semaines. Au dernier moment, Kubrick décide de ne pas l’utiliser. North le découvrira… À la sortie du film. Une anecdote qui souligne à quel point Kubrick avait pensé son film au préalable.

Le mélange entre l’ancien et le contemporain sied parfaitement au long-métrage, qui se veut avant tout être une épopée sur plusieurs millions d’années. Le film résume un temps infiniment long en quelques séquences, et la musique suit ce mouvement. Comme l’espace, l’oeuvre tente d’altérer notre perception du temps et des distances. Avec 2001, Kubrick n’a pas seulement voulu nous montrer les étoiles, il a aussi voulu nous les faire entendre.

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5 commentaires
  1. ah !! les commentaires sont ouverts..bon alors .. c est un film à l esthétique exceptionnelle et avec des effets spéciaux qui dépassaient l entendement à sa sortie et qui n ont pas à rougir aujourd’hui encore..et sans cgi..je me rappelle avoir vu fin des 70 debut  80..du haut de mes 16 17 ans…la tete encore dans la guerre des étoiles..bah je ne savais pas.. J’étais jeune et il n y avait ni internet ni spoil ni ba..ni video..de très rares extraits dans certaines émissions à la télé, ptet dans la "Séquence du télespectateur"( ah faut être quinqua à minima pour avoir connu.) ni…rien..Donc je vais le voir au cinéma…bah je me suis em….mais sévère.. je n ai rien compris…je l ai revu depuis, j ai même pris le temps de lire le livre, et le second et le 3 eme et même le 4 eme.. Et bien quitte à me faire lyncher.. c est horriblement lent, mou et chiant. et meme après 50 ans ca reste à mon avis, lent, mou et ch..et dire que c est un chef d’oeuvre… ben non, ce n est pas ma définition d un chef d’oeuvre..et je ne tombe pas en pamoison devant Kubrick.. voilà.. pour le lancer de caillou en ma direction, je suis parti et déjà très loin…8v)

  2. Kubrick est née à Manhattan de parents eux aussi nées à New York , comment pouvez vous l’appeler le britannique M le rédacteur Henri !!!

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