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D’Ada Lovelace à Karen Spärck Jones, petite revue des femmes pionnières dans l’informatique

Il y a encore quelques années, lorsque le grand public pensait informatique, il avait à l’esprit le geek à lunettes introverti s’exprimant dans un langage bien à lui. Une image qui a bien évolué depuis. En revanche, une chose n’a pas changé dans l’imaginaire collectif : nous pensons à l’informaticien et pas à l’informaticienne. Pourtant, les femmes n’ont pas été étrangères aux grandes avancées en informatique, en machines à calculer, en cybernétique ou encore en programmation. De petites mains à grandes figures de l’Histoire, voyons comment les femmes ont, elles aussi, grandement participé à l’évolution de l’informatique, telle que nous la connaissons aujourd’hui.

 

Le premier programmeur est une femme

La naissance de l’informatique ne remonte pas au XXe siècle. Sa création est un long voyage de plusieurs siècles et une réponse à d’archaïques recherches et réflexions présentes depuis très longtemps dans l’histoire de l’humanité. Nous pourrions remonter très loin, aux automates primitifs, créatures artificielles du XVIIe, et même aux premiers théorèmes mathématiques ou encore, à la prise de conscience de l’importance de la mémoire. Mais pour répondre au mieux à notre sujet, nous allons commencer par l’invention du premier langage de programmation.

Au XIXe siècle, le monde scientifique semble réservé à une élite masculine. La création est accaparée par les hommes. C’était sans compter sur Ada Lovelace, fille du mathématicien Byron qui a su profiter de cette hérédité pour suivre une formation de mathématicienne auprès des plus illustres professeurs de son temps. Passionnée par la machine analytique — qui n’est autre que le premier ordinateur mécanique — d’un certain Babbage, elle publie son mémoire à son sujet et par la même occasion, le tout premier langage de programmation en 1843 : une suite d’instructions permettant d’effectuer automatiquement un traitement de l’information sur une machine. C’est ce qui sera utilisé, un siècle plus tard sur les premiers ordinateurs.

Grace Hopper et la fin du langage pour matheux

Flickr Public.Resources.org

Grace Hopper est une mathématicienne qui a notamment participé à la création de l’ordinateur numérique Mark I dans l’équipe de Howard Aïken. Elle a travaillé également sur l’UNIVAC. Si la légende veut lui octroyer la naissance du terme “bug”, il faut savoir que celui-ci existait déjà chez Thomas Edison et l’équipe du Mark I. Néanmoins, c’est bien elle qui a identifié le premier bug de l’histoire informatique et généralisé par la suite l’utilisation du terme “debug”. Mais sa plus grande contribution, c’est l’invention du compilateur. Ce dernier permet de réduire le temps entre l’interprétation et l’exécution. Toutes les lignes d’un programme sont interprétées d’un coup grâce à un fichier exécutable, qui permet alors d’utiliser facilement et rapidement un logiciel. C’est un grand pas vers un langage informatique simplifié (Flow Matic, COBOL) pour faire sortir l’ordinateur de l’usage scientifique et le commercialiser. Grace Hopper devient la première femme à être nommée The Man of The Year en 1969, National Medal of Technology, Commodore à la Maison Blanche et Amirale de la Marine.

Hedy Lamarr à l’origine de la technologie WiFi et Bluetooth

Hedy Lamarr s’est d’abord fait connaître en tant qu’actrice Hollywoodienne dans les années 30. Mais la star revient à ses premiers amours : l’innovation technologique. Elle travaille pour la Navy pendant la Seconde Guerre mondiale et met au point, aux côtés de George Antheil, le saut de fréquence. Il s’agit d’un système de communication qui permet d’envoyer des signaux radio grâce à plusieurs fréquences différences. Cette technologie est utilisée dans un premier temps pour envoyer des torpilles sous-marines puis pour sécuriser la transmission de messages. C’est grâce au saut de fréquence que les communications sans fil WiFi et Bluetooth ont pu voir le jour.

Jean Bartik, les ENIAC Girls et le premier ordinateur électronique

Avant l’ENIAC, les ordinateurs étaient mécaniques. Ce super ordinateur est conçu pour accélérer la vitesse de calcul des trajectoires des missiles pendant la guerre du Pacifique. À l’origine du projet, nous retrouvons une équipe de six femmes mathématiciennes, dont Jean Bartik, surnommées les ENIAC Girls. Elles programment de A à Z la partie logicielle de cet ordinateur qui sera par la suite repris dans l’informatique civile, notamment pour la conception d’un certain Mark I.

Joan Clarke contre l’Allemagne nazie

Notons que très nombreuses programmeuses ont travaillé dans le renseignement pendant la guerre. Elles sont appelées les Women Code Breakers. Joan Clarke fait partie de ces femmes qui ont combattu à leur niveau l’Allemagne nazie. Cette mathématicienne travaille avec Alan Turing à la création de Bombe, une machine considérée comme l’un des premiers ordinateurs et capable de décoder les messages secrets allemands. Décorée par le gouvernement britannique, son histoire est racontée dans le film Imitation Game de 2014.

Margaret Hamilton prête à décrocher la lune

Programmeuse au MIT dans les années 60, Margaret Hamilton rejoint le projet du lancement du programme Apollo. Après avoir fait ses preuves sur le programme de météorologie SAGE, elle endosse le rôle de cheffe d’équipe pour la création du logiciel de la mission Apollo 8. Pour permettre aux hommes de poser les pieds sur la Lune, elle met au point un système informatique destiné à guider le vaisseau. La particularité de ce programme, c’est qu’il est capable de corriger à lui seul les éventuels bugs susceptibles de faire capoter le bon fonctionnement de l’ordinateur de bord. Rien que ça. Elle est décorée en 2003 de l’Exceptionnal Space Act Award par la NASA.

Karen Spärck Jones et les moteurs de recherche

Capture Vimeo

Difficile d’imaginer Internet sans moteur de recherche. Karen Spärck Jones est une scientifique britannique qui a travaillé sur l’intelligence artificielle et plus particulièrement, sur le traitement du langage et la recherche d’information. C’est elle qui conçoit la méthode TF-IDF, qui évalue l’importance des mots présents dans un document et facilite la recherche par pertinence. Une avancée fondamentale pour le développement et le boom des moteurs de recherche.

Des informaticiennes pionnières, il y en a eu. Et encore, nous n’avons évidement pas pu honorer la mémoire de chacune ! Nous aurions pu aussi parler des programmeuses et mathématiciennes Marlyn Meltzer, Frances Spence, Betty Holberton, etc. L’histoire de l’informatique racontée est partielle et a écarté les femmes qui ont pourtant été très actives dans l’évolution de celle-ci. C’est que certains aimeraient nous faire croire que la programmation ou l’informatique au sens large est une activité destinée aux hommes. L’Histoire, quand on s’y penche un peu plus, nous démontre  que c’est au moment où les hommes se sont emparés de la discipline, c’est-à-dire dans les années 80, lors de la commercialisation de l’ordinateur personnel, que cette dernière est devenue prestigieuse et dite masculine. Avant cela, la partie logicielle de l’informatique, la programmation était rattaché à l’administratif, proche de la machine à écrire, de la secrétaire et donc, de la femme. Mais quand ont été découverts le potentiel et la puissance de l’informatique ainsi que l’importance du software dans celle-ci, alors les femmes ont été poussées vers la sortie. Pour aller plus loin, je vous conseille l’ouvrage d’Isabelle Collet : L’Informatique a-t-elle un sexe ? (316 p, L’Harmattan).

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1 commentaire
  1. > fille du mathématicien Byron

    Dans quelle vie Lord Byron est connu pour avoir fait des mathématiques ? Je sais que les poètes comptent leurs pieds, mais de là à parler de mathématicien, c’est un peu abuser non ?

    > su profiter de cette hérédité

    Car les mathématiques c’est héréditaire ? Et en plus faire la promotion des femmes et commencer par rattacher la première à un homme, c’est bien dommage.

    > elle publie son mémoire à son sujet et par la même occasion, le tout premier langage de programmation en 1843

    Je ne suis pas sûr que l’on doive parler de langage. C’est surtout sur la notion d’algorithme et de programme.

    J’approuve tout à fait l’idée de mettre en avant les femmes dans l’informatique. Mais bon il faut faire un peu plus attention.

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