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Test de The Crew 2 : l’héritier de la grande course

Si vous avez déjà essayé de vous promener dans Paris, vous savez très bien qu’un défaut d’attention implique une punition directe, celle de se faire renverser, dans l’ordre, par un scooter, une berline, une petite citadine moche, une immonde trottinette et enfin une poussette. La circulation est l’ennemie, le klaxon sa trompette de l’apocalypse. Dans The Crew 2, tout cela est acté depuis des lustres. Rouler à 250 en ville, sauter par-dessus des grilles en Hummer, déraper sur la couenne de passants innocents, tout le monde s’en fout. Et si la morale ne s’en relèvera pas, le fun, lui, s’en accommode plutôt bien.

Des vallées gorgées de soleil s’étendent au loin, appel à la course, la sauvage, où les roues caressent à la fois asphalte et herbes folles. Des néons, des cris et de la musique, tout un festival dédié à la vitesse et au pilotage. Bienvenue dans Forza Hor…. The Crew 2. Comme au bon temps où vous effaciez le mariage de tata Simone pour enregistrer SOS Fantômes sur la même VHS, Ubisoft ne s’est pas trop agité le ciboulot pour contextualiser son dernier jeu de course. La progression suit par ailleurs le même “hommage” dans les grandes lignes : au fur et à mesure de tricks réalisés, de courses remportées ainsi que de défis effectués, des points s’accumulent, débloquant un niveau de notoriété et ainsi des épreuves inédites.

Les premières heures se passent le sourcil levé et le sourire mesquin, accompagnées de l’impression constante de jouer à un spin-off de la série de Playground/Turn 10 qui essaye d’être cool jusqu’à en devenir tout rouge. Puis la magie Ubisoft opère. Pas celle qui consiste à faire ressembler tous ses jeux à un Diablo éco + avec du loot et des équipements légendaires (oui même dans un jeu de course) mais celle qui impose le respect ; la création de monde. Un tour de passe-passe impeccable, qui marchait déjà dans le récent Far Cry 5 – foutraque sur les bases d’un environnement de jeu fantastique – et qui trouve ici sa plus belle expression. C’est bien simple, The Crew 2 dérape et part en tête à queue dès qu’il essaye de sortir du concept de l’exploration débridée en bagnole.

Fast and Curious

Le jeu d’Ivory Tower est généreux, il n’y a pas à en douter. Dans son menu entrée-plat-dessert, il rajoute du fromage, le digeo, et une partie de la recette du jour. Bateaux, moto-cross, avions, touring cars, voitures de rallycross et de rallye-raid, monster trucks, grosses routières, formule 1, il n’y a qu’à se baisser pour ramasser un type de compétition. L’avantage de ce déluge d’activités est de clouer sur place le moindre risque de lassitude ou de répétition dès le départ, ce qui se révèle réussi à l’usage. Au fil des courses dispersées ici et là sur tout le territoire nord-américain pas une seule fois l’obligation de faire et refaire des épreuves pour engranger quelques deniers n’aboutit à un sentiment de grinding.

Au contraire, un peu importuné par les glissades violentes du drift, il est possible de faire une pause en enchaînant des duels de hors-bord ou une petite session de freestyle aux commandes d’un Spitfire tout droit issu de la Seconde Guerre Mondiale. Étalées sur la carte des USA comme des petits fours colorés à piocher sans honte, les compétitions se rajoutent par dizaines au moindre passage de grade, dans un approvisionnement qui semble ne jamais vouloir finir. Une abondance réjouissante qui prend un goût amer à la découverte de l’intérêt de quelques-unes de ces gourmandises. Toute la partie 4 roues de The Crew 2 se montre plus ou moins convaincante, et le jeu s’éparpille dès qu’il s’agit de toucher à une autre discipline.

Pilote à l’américaine

Simples girouettes qui tournent sur un axe, les moto-cross manquent de poids et de degrés dans l’orientation du guidon, à tel point que prendre un virage donne l’impression de conduire un tourniquet. Les bateaux ne sont pas mieux lotis avec une raideur pénible dans la prise de courbe, mais surtout handicapés par l’obligation de maintenir également le stick gauche vers le bas pour favoriser la prise de vitesse. Les deux idées ne fonctionnent pas du tout ensemble et certains circuits un tantinet longs deviennent rapidement pénibles. Enfin, les avions, tout du moins ceux adaptés à la course plus qu’à la voltige, souffrent d’une légèreté de camion-remorque. Autant dire que les épreuves de passage de checkpoints, dans une certaine position, relèvent du travail de forçat.

Rien de très grave dans un jeu à fond dans l’arcade qui, de manière évidente, n’accorde que peu d’importance à la précision, mais un stigmate de l’envie de remplir plus que de peaufiner un ou deux “grands” types de véhicules. La catégorie principale, les tutures, comme on dit dans le jargon des spécialistes de la course automobile, se conforme au parti pris accessible du jeu, tout à la fois force et faiblesse de l’expérience. Le choix de proposer une prise en main aisée ouvre The Crew 2 à un plaisir immédiat, divertissement pur, mais relègue le sentiment de progression à une vague ombre qui ne se montre que quelques fois pour donner l’impression de piloter un petit peu. C’est de manière paradoxale en quittant les pistes de la compétition que le jeu révèle tout son potentiel, l’effet de liberté Beat Generation, cheveux dans le vent.

Fury Road

Modèle de fluidité dans ses transitions entre épreuves, où quelques maigres chargements viennent à peine masquer les voyages rapides, The Crew 2 intègre cette notion du changement organique au coeur de son expérience. Et ce, qu’elle prenne la forme de l’enchaînement tout en douceur des paysages traversés à fond de sixième ou de la transformation immédiate de n’importe quel véhicule en un autre sur une pression de touche. Grande idée. Le jeu est à l’aise lorsqu’il se développe et permet de tirer parti de ses spécificités, c’est à dire lorsqu’il devient un road trip où aucun chemin n’est inaccessible. Gigantesque, la carte de The Crew 2 comprend à la fois villes et espaces naturels, au gré de nationales aux tracés souvent tortueux et vallonnés qui réveillent l’envie de jouer du volant. Et si là où vous allez il n’y a pas de routes, la dégringolade à toute berzingue de bois et de collines en 4×4 est aussi valable, gros plaisir coupable qui peut coûter la vie à une partie de la biosphère. Jamais le jeu n’enferme le joueur dans une routine pendant son exploration, le moindre brin de son ADN est dirigé vers  le fait de proposer une expérience de conduite totale. Le coût de ce choix – compréhensible de la part d’un Ubi qui maîtrise le sujet de la création d’univers cohérent et ludique – est un moteur qui peine à afficher la végétation à moyenne distance et un rendu global assez mitigé, notamment dans les zones urbaines, dépouillées, à la différence des grands espaces.

Alain Proust

En revanche, là où The Crew 2 met des étoiles dans les yeux comme un beau parleur, c’est quand il fait de la poésie avec quelques effets. La gestion de la lumière amène de magnifiques moments de couchers/levers de soleil, grâce à une évolution subtile de la chaleur de l’image, tout comme les effets d’eau sur l’asphalte, qui piquent le nez tant ils font revenir en mémoire l’odeur de la chaussée mouillée. Éclairage nocturne qui laisse filer de belles ombres, phares qui éblouissent en pleine nuit, sont autant de détails qui participent eux aussi à une immersion intacte après des dizaines d’heures de jeu. Dans ce terrain de jeu impressionnant, le style arcade peut alors prendre son plein essor, aussi peu cadré que l’est le monde autour et vecteur de sensations grisantes. L’impression de vitesse bien présente y est pour beaucoup, mais la joie d’avaler des kilomètres avec comme seul but de participer aux compéts que l’on croise vient de cette promesse d’enchaîner les moments marquants.

Des instants uniques qui se mêlent parfois à l’aspect multi “à la volée” pour des courses improvisées jouissives. Croiser un parfait inconnu et se mettre au diapason sur l’envie de tester son véhicule en pleine campagne, sans autre récompense que celle du fun fait partie intégrante de cette expérience débridée. D’autant qu’en cas de bonne entente sur le long terme, ou si vous avez des amis – ça arrive – il est possible de se la jouer coopération dans les épreuves officielles et ainsi partager les gains. Un bon moyen de retrouver la trace d’un peu d’adrénaline, étant donné que l’I.A est souvent réglée sur le mode “TER” régional avec toutes les voitures en lignes lors des compétitions sur routes fermées, et “char d’assaut” le reste du temps, tant rien ne les arrête. Encore une fois il est donc plus agréable de se retirer régulièrement des projecteurs de la célébrité et de battre la campagne, afin de combler son temps entre défis photo, cascades fofolles ou rallye-raid. Un constat qui aboutit à une vérité étrange, celle du terme “Horizon” qui sied bien mieux à The Crew 2 qu’à Forza.

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Notre avis

Belle évolution d’un premier épisode un peu chiche, The Crew 2 n’en a quand même pas fini avec ses démons. A trop vouloir tout mettre dans un même jeu, Ubi et Ivory Tower sacrifient une partie de l’intérêt du pilotage, avec des automobiles au comportement plus ou moins convaincant, associées à des motos, bateaux et avions bien moins agréables. Arcade jusqu’à le hurler, le jeu se laisse parcourir sans heurts, mais n’arrive jamais vraiment, là aussi, à trouver un équilibre entre plaisir de prendre le volant immédiatement et sentiment de progression. Un entre-deux qui est le leitmotiv d’un The Crew 2 qui n’est jamais aussi jouissif que lorsque le joueur quitte les balises pour se perdre dans son monde crédible, cohérent et utilisé avec intelligence, bac à sable génial constellé de jolis moments d’exploration. Comme dans un road-trip, la joie réside dans le fait de ne pas prévoir où et quand s’arrêter, mais de faire ce qui plaît, sans barrières. Et sur ce point, The Crew 2 en est le meilleur représentant.
Note : 7  /  10

Les plus

  • Un terrain de jeu fantastique
  • Les effets de lumière
  • La transformation immédiate en n’importe quel véhicule
  • Les transitions fluides entre les épreuves
  • Une belle sélection de bolides
  • Les rares courses Live Xtrem Series
  • Le côté très arcade au plaisir immédiat…

Les moins

  • … qui diminue quand même l’impression de progresser
  • Le style RPG du pauvre qui ne sert à rien
  • La prise en main des motos
  • Bateaux pas bien intéressants
  • Les avions en demi-teinte
  • Visuellement aléatoire
  • L’I.A qui ne se prend pas la tête
  • Le online à la volée sympa mais offrant finalement peu de possibilités
1 commentaire
  1. Ce jeu a l’air très beau et très creux. J’ai toujours du mal avec l’idée que monde ouvert rime avec arcade.

    La conduite de la série Driver par exemple était très technique et très interessante malgré le monde ouvert.

    J’attend un jeu ouvert avec une conduite de type simulation ou au moins arcade-sim.

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