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Des milliers de tardigrades sont-ils en train de se répandre sur la Lune ?

En tentant de poser leur sonde Beresheet sur la Lune, l’agence spatiale israélienne a malheureusement échoué à cause d’une panne. Ce crash a eu une conséquence assez inattendue : apparemment, l’accident aurait laissé des milliers de tardigrades naufragés !

© Wiki Commons

Si vous faites partie des gens convaincus qu’il n’existe pas la moindre chance de trouver de la vie sur la Lune, les scientifiques Israéliens pourraient bien vous contredire. Vous vous souvenez certainement de Beresheet (“genèse” en hébreu), la sonde destinée à devenir le premier engin israélien à se poser sur la Lune. Cela aurait fait de l’état hébreu la quatrième nation au monde à poser une sonde sur notre satellite avec succès (après, dans l’ordre, l’URSS, les USA et enfin la Chine). Mais tout ne s’est pas passé comme prévu : le 11 avril, en pleine phase de descente, un gyroscope défaillant a causé l’arrêt du moteur principal, condamnant ainsi la mission et la sonde qui s’est écrasée sur la Lune.

Nous savions déjà que Beresheet embarquait tout un tas de symboles de son État, comme c’est souvent le cas dans ces missions absolument historiques. On pouvait ainsi y trouver la Bible, des dessins d’enfants, des mémoires de survivants de l’holocauste, l’hymne national d’Israël ainsi que sa déclaration d’indépendance, et évidemment le célèbre drapeau à l’étoile bleue. En plus de ces objets à valeur symbolique, la sonde embarquait évidemment des instruments scientifiques, notamment un magnétomètre et un rétroréflecteur laser.

Mais à en croire des informations du Guardian, Beresheet contenait également un autre type de cargo, vivant cette fois : une flopée de Tardigrada, plus connus sous le nom de tardigrades ou “oursons d’eau”. Ces pauvres bêtes sont donc forcément mortes lors de l’impact, n’est-ce pas ?

De fascinants petits tanks biologiques

Eh bien… pas si vite. Ces petits animaux d’environ un demi-millimètre de longueur ont beau être des lointains cousins des nématodes et des arthropodes (scolopendres, scorpions, arachnides…), ils s’en démarquent au niveau physiologique.

Leur principale caractéristique est leur capacité à entrer en cryptobiose (du grec κρυπτός qui signifie “secret”, “caché”, et βίος, “vie“). C’est un état dans lequel le métabolisme est réduit à une valeur si proche de zéro qu’on ne sait pas la mesurer à l’heure actuelle. Concrètement, cela signifie que l’immense majorité des processus biochimiques nécessaires à la vie sont en pause : cliniquement parlant, l’organisme est quasiment mort, et ne peut plus se développer ou se reproduire. Pour parvenir à ce stade, le tardigrade va se recouvrir d’une petite couche de cire protectrice et isolante puis se déshydrater presque entièrement, à la manière d’un aliment lyophilisé. Il va ensuite remplacer toute cette eau par un sucre particulièrement stable et quasiment inerte, qui ne peut pas cristalliser. C’est un point très important, car lorsque de l’eau congèle (et donc cristallise), son volume augmente et les cellules peuvent donc éclater, causant de gros dégâts à l’organisme. Il ne reviendra à l’état normal que lorsque les conditions environnementales redeviendront viables.

Cet état de cryptobiose confère des résistances hors-norme aux différentes espèces de tardigrades. On sait que certaines sont capables de résister à des températures de plus de 150°C. D’autres présentent des résistances incroyables à des salinités extrêmes, à des pressions énormes allant jusqu’à 1200x la pression atmosphérique, voire même à des environnements extrêmement toxiques.

Mais ce qui nous intéresse dans le cadre de l’opération Beresheet, c’est que certaines espèces n’ont aucun mal à survivre… dans le vide spatial, comme c’est très bien expliqué dans cette étude ! C’est pourtant un environnement particulièrement inhospitalier. Pour commencer il est évidemment dépourvu de toute source d’alimentation et d’hydratation. La pression y est (quasiment) nulle, la température y est proche du zéro absolu (moins de 273°C) et surtout, ce milieu est inondé de rayonnements UV et ionisants très énergétiques, qui seraient désastreux pour n’importe quel autre organisme et feraient passer les victimes de Chernobyl pour des privilégiés.

De la vie sur la Lune, vraiment ?

Certains n’ont donc pas tardé à tirer des plans sur la comète (ou plutôt sur la Lune) : si ces tardigrades sont aussi résistants, auraient-ils pu survivre au crash ? Au vu des caractéristiques de la cryptobiose, c’est non seulement possible, mais tout à fait probable que certains individus aient survécu, physiologiquement parlant. On sait qu’ils peuvent résister à la température, à la pression et aux rayonnements environnants. Et le crash en lui-même a peu de chance de les avoir traumatisés, tant ils peuvent encaisser des pressions faramineuses !

Mais de là à imaginer une armée de tardigrades coloniser la Lune, c’est plus compliqué. Pour commencer, il y a de fortes chances que tous les tardigrades qui ne se trouvaient pas en cryptobiose au moment de l’impact aient subi de gros dégâts : ils ne disposent pas de super-pouvoirs, et seul cet état particulier leur confère de telles résistances. Seuls ceux qui auront réussi à passer en cryptobiose assez vite ont eu leur chance. Et ceux qui l’étaient déjà sont forcément condamnés à rester en veille jusqu’à ce que les conditions redeviennent favorables. C’est à dire probablement jamais, à moins qu’une Beresheet 2 ne parte à leur rescousse ou que la Lune ne se trouve subitement une atmosphère et des conditions simili-terrestres.

Quoi qu’il en soit, physiologiquement parlant, il est très probable que certains tardigrades soient encore vivants sur la Lune à l’heure actuelle. Même si ces tardigrades ne sont pas en état de vivre de leur vie et encore moins de se reproduire, quelle approche doit-on avoir par rapport au matériel biologique terrestre envoyé sur d’autres corps célestes ?

Exobiopollution

Il n’existe pas de consensus sur le sujet à l’heure actuelle, et la question fait débat. L’intérêt est évidemment de pouvoir étudier ces mécanismes de résistance dans ces conditions extrêmes, mais quid de l’aspect “pollution” ? Cette histoire a participé à relancer le débat sur l’éventuelle contamination d’une vie extraterrestre par des organismes terrestres, surtout par inadvertance. Les conséquences pourraient être compliquées à gérer. Imaginez par exemple un cas où un cargo spatial embarquerait des virus pour en étudier le comportement en microgravité. Si cet appareil venait à s’endommager sur une planète supportant une vie basée sur le carbone, il serait possible d’anéantir ou de redéfinir tout un écosystème sur la base d’une erreur de ce type. On peut même envisager que ces contaminants soient apportés sans le savoir par des humains ou leurs appareils venus en exploration…

Évidemment, les agences d’astronautique comme la NASA sont bien conscientes du problème et font leur possible pour prévenir ce genre de contaminations. Mais à l’heure actuelle, on ne sait pas décontaminer intégralement un équipement et encore moins une personne vivante : c’est la raison pour laquelle la station spatiale internationale (ISS) rencontre des problèmes de moisissures extrêmement résistantes aux radiations, par exemple !

Aujourd’hui, la recherche de vie sur la Lune est restée si longtemps infructueuse que la NASA la considère comme exempte de vie. Pour cette raison, elle n’a eu aucun scrupule à laisser des sacs de déjections des astronautes d’Apollo 11 sur place. Mais qu’il s’agisse d’excréments ou de tardigrades, le fait de les abandonner, même par erreur, devra être abordé très différemment lors des premières missions sur des planètes pouvant potentiellement abriter une forme de vie. Même sur Mars, qui possède une atmosphère et a probablement été en partie recouvert d’eau liquide, la donne aurait été très différente. La NASA souhaite par exemple récupérer ces fameux sacs pour les analyser, ce qui pourrait constituer le premier cas d’école sur la pollution humaine en exobiologie. Désormais, elle pourra également essayer de jouer à la chasse aux tardigrades pour les sortir de leur cryptobiose, qui sait !
Reste donc à voir si ces tardigrades auront fait changer les agences spatiales d’avis sur le type de cargo à embarquer à bord d’appareils destinés à atterrir sur d’autres planètes… Et à souhaiter une bonne sieste à ces animaux petits mais costauds, qui ne sont pas prêts de remettre une patte devant l’autre !

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8 commentaires
  1. la Bible non mais la Torah oui ce n’est pas la même chose car ça ne raconte pas la même histoire.

  2. “Ce qui pourrait”, “reste à voir si”, “aurait été”, “probablement”… : Moi, avec ça, je vous emmène au bout de l’univers rencontrer d’autres civilisations et je vous dépose chez vous avec une valise pleine de goodies ! On peux même faire le voyage avec pépé et mémé…deux fois, avant d’y retourner….

  3. Trump c’est pas vraiment israel, mais je suis aussi choqué que l’on associe ce torrent d’idiotie ancestral à la conquete spatiale. Par contre contaminer avec des tardigrades ? Je suis pas sur, c’est la seule espece techniquement capable de voyager dans le cosmos… même si ca vie dans l’eau.

  4. “proche du zéro absolu (moins de 273°C)” ==> -273°C.
    Le petit moins fait toute la différence. La température sur terre est à moins de 273°C.
    Aussi c’est vrai uniquement à l’ombre d’un astre. La temperature monte drastiquement au soleil.

    Maintenant il faut lancer un hashtag #ElonSavePrivateTardigrade

  5. Bon techniquemement, on peut dire que Beresheet s’est tout de même posé sur la Lune 😝
    Il est tombé avec panache : )

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