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Ce concept de télescope spatial utilise l’atmosphère de la Terre comme lentille

Un chercheur a mis au point un concept de télescope pas comme les autres : dans ce “Terrascope”, le premier objet qui dévie la lumière n’est autre que l’atmosphère Terrestre ! Un fonctionnement très différent d’Hubble et des autres télescopes spatiaux, qui pourrait permettre de détecter des corps célestes très peu lumineux à de très grandes distances.

Les astronomes sont aujourd’hui bien armés lorsqu’il s’agit de scruter l ‘espace. Entre les télescopes au sol comme le Gran Telescopio Canarias aux îles Canaries et ceux placés en orbite comme Hubble qu’on ne présente plus, les moyens ne manquent pas. Mais l’exploration du cosmos fait partie de ces disciplines où les chercheurs développent sans cesse de nouveaux outils toujours plus performants, pour voir plus loin, plus précisément. L’Extremely Large Telescope (ELT) en cours de construction en atteste bien. Une fois achevé, il sera le plus grand télescope au monde avec son mirroir de près de 40 mètres !

Mais récemment, l’astronome David Kipping a publié une étude, relayée par Science, où il présente une idée en apparence saugrenue : à la place d’une lentille, il veut utiliser… la Terre ! Ou plus précisément : son atmosphère. Il travaille en effet sur un concept de télescope qui, une fois placé au-delà de la Lune, pourrait utiliser les propriétés de l’atmosphère autour de notre planète pour concentrer la lumière.

Le fonctionnement de Hubble. | © NASA

Prenons Hubble, la star des télescopes spatiaux aujourd’hui. En substance, la lumière pénètre directement dans son objectif, puis est réfléchie sur un premier miroir, et enfin sur un second qui va la réfléchir sur le capteur.

Dans le cadre du Terrascope, c’est la couche externe de l’atmosphère qui va jouer ce rôle. Lorsque que la lumière change de milieu, elle va être déviée selon les propriétés du milieu : c’est la réfraction.

Une ilustration de la réfraction. | © WikiCommons

C’est exactement ce qui se passe à l’entrée de l’atmosphère. En calculant très finement cette réfraction, on peut s’arranger pour placer un capteur pile au croisement de ces rayons lumineux réfractés ! Les couches externes de l’atmosphère sont les seules qui puisse jouer ce rôle de façon satisfaisante, car dans les couches plus inférieures, la lumière a trop de chances de rencontrer des obstacles comme des nuages.

Le principe de la réfraction appliqué au Terrascope. | © David Kipping

Un fonctionnement et une utilité à part

En plaçant le télescope à environ 1,5 millions de kilomètres, on pourrait ainsi ne capter que la lumière passée par la stratosphère, bien plus calme et vide. Ce fonctionnement très différent lui donnerait également un intérêt particulier. L’atmosphère, même à la hauteur de la stratosphère, est trop variable pour que le Terrascope puisse produire de magnifiques images d’une précision à couper le souffle, comme Hubble. Son intérêt réside dans les propriétés de l’atmosphère à concentrer la lumière : d’amplifier la luminosité incidente par un facteur 22500 .. soit l’équivalent d’un télescope à miroir standard de 150 mètres! De quoi repérer des objets jusque là complètement invisibles, car trop petits et surtout trop peu lumineux. Cela pourrait par exemple permettre de découvrir de petites exoplanètes, ou de surveiller des astéroïdes de petite taille mais pouvant néanmoins menacer la Terre.

Mais avec une telle luminosité, le télescope aurait besoin d’une sorte de masque, que l’on appelle un coronagraphe. On utilise cet outil lorsqu’on veut observer la couronne (corona) d’un objet très lumineux, qui surexposerait complètement l’image : on le masque donc pour pouvoir voir la partie externe, moins lumineuse, avec tous les détails recherchés.

Une coronographie du Soleil. | © WikiCommons

Des difficultés techniques, mais un concept viable

Le papier de recherche publié par Kipping a crée son petit “buzz” chez les astronomes : beaucoup considèrent que les solutions proposées sont encore imparfaites et nécessiteront un véritable modèle, mais la plupart ont été très intéressés par son idée. Le père du projet confirme d’ailleurs que tous les détails qui pourraient permettre de passer du concept à l’appareil opérationnel ne sont pas encore réglés. Parmi ces points qui doivent être abordés, il y a ce qu’on appelle la “lueur de l’air”, ou airglow. C’est une luminosité ambiante de l’atmosphère, qui est en majeure partie la conséquence de l’action du rayonnement solaire sur les couches supérieures. L’airglow fait partie de ces sources de pollution lumineuse qui seront problématiques. Mais d’après l’auteur, il pourrait être en majorité retiré avec divers filtres et retouches digitales, car il s’agit de fixer un fond toujours identique où les objets observés changent.

Le phénomène d’ “airglow” en Auvergne. | © Wiki Commons

On imagine également que modifier la distance focale ne sera pas de tout repos, et nécessitera des manœuvres orbitales très précises puisque la Terre elle-même devient un instrument d’optique et que la distance à laquelle en est situé le satellite est fondamentale pour avoir une image qui soit utilisable !

Surtout que, comme mentionné plus haut, il ne s’agira pas de prendre des images en ultra-haute résolution à des fins d’observation ciblée, mais bien de scanner le ciel à la recherche de petites variations de luminosité pour repérer différents objets. En effet, c’est l’une des principales méthodes pour détecter des objets très lointains : on attend qu’ils passent devant une source de lumière connue, comme une étoile. On détecte alors une baisse de luminosité de l’objet en question, et on en déduit qu’un objet est passé devant.

La méthode de détection par photométrie du transit. | © NASA, ESA, G. Bacon (STSci)

Matt Kenworthy, de l’université de Leiden, considère qu’il ne “lancerait pas encore un satellite sur la simple base de ce papier”, qui constitue néanmoins un “excellent premier pas” selon lui. Kippping a donc tout le temps de perfectionner son système, d’autant plus qu’il pourrait être testé relativement facilement avec un tout petit satellite, de la “taille d’un grille-pain”.

Dans les prochaines années, on pourrait donc bien voir la Terre utilisée comme lentille dans le cadre de la recherche de corps célestes très lointains… Un concept fascinant auquel on peut même trouver quelques implications philosophiques, mais également scientifiquement viable et pertinent dont on ne manquera pas de prendre régulièrement des nouvelles !

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