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Le Royaume-Uni annule les résultats d’examens générés par un algorithme

Ce week-end, la grogne est montée chez les étudiants britanniques, dont une grande partie a vu ses notes revues à la baisse après que le verdict ait été confié à un algorithme. Le Department of Education a depuis annulé ces résultats au profit de notes prédictives attribuées par les professeurs… Mais l’algorithme controversé était-il vraiment à l’origine du mal ?

© Green Chameleon – Unsplash

Après un gigantesque imbroglio, les étudiants britanniques viennent d’obtenir gain de cause : ils ne recevront plus de résultats d’examen basés sur des algorithmes. C’est ce que vient d’annoncer le Department of Education (DoE), au terme d’un week-end de manifestation vigoureuse contre ce système de notation controversé. Mais les étudiants doivent tout de même valider leurs A-levels (l’équivalent du Baccalauréat) après l’annulation des examens pour cause de pandémie. À la place, ils recevront des notes basées sur les estimations de leurs professeurs.

Une décision qui s’imposait pour mettre fin à un climat tendu. En effet, cette fin d’été est une période charnière au Royaume-Uni. Il s’agit de la période où des dizaines de milliers de jeunes adultes passent leurs “A-levels”. Il s’agit des examens qui viennent conclure le lycée, et conditionnent très largement l’accès aux universités les plus prestigieuses. C’est donc une période extrêmement stressante et une étape majeure dans la vie des jeunes britanniques.

Près de 40% des notes revues à la baisse

Plutôt que d’annuler ces examens à cause de la pandémie, le DoE a tranché et c’est un algorithme qui a hérité de cette lourde responsabilité. Mais quand un programme informatique vient revoir des notes à la baisse, il faut naturellement s’attendre à du grabuge… et c’est précisément ce qui s’est passé ce week-end. Malgré des résultats globaux en hausse de 2.4%, quasiment 40% ont chuté d’au moins une note (entre A et F). Ce chiffre pourrait paraître faible, mais il représente en fait presque un cursus universitaire hypothéqué par classe, d’après The Guardian… D’où les slogans “f*** the algorithm” entendus ce week-end.

Mais ce n’est pas cette baisse qui est le plus pointée du doigt. Ce qui a fait sortir les étudiants de leurs gonds, c’est une série de biais inquiétants repérés dans l’algorithme. En effet, d’après Sky News, les résultats des écoles privées seraient en nette hausse. Dans ces établissements, le nombre de A et A+ aurait grimpé de 4,7% : c’est plus du double des écoles publiques, où ce même indicateur a grimpé de 2% seulement.

Les points qui pourraient expliquer ces biais sont multiples, souvent liés à des subtilités du système. Mais certains facteurs semblent directement issus des critères de sélection du système britannique. Traditionnellement, ce dernier accorde une grande importance aux performances historiques de l’école. À grande échelle, les étudiants moyens de bonnes écoles auraient donc été favorisés. À l’inverse, les meilleurs étudiants d’écoles moins réputées en auraient souffert. Et c’est bien là le véritable cœur du problème.

Le reflet des failles du système anglais

Si cet épisode a tellement choqué, c’est qu’il est le reflet d’un problème systémique déjà profondément ancré dans le système anglais. En 2019, le Guardian consacrait déjà un article à cette question houleuse. L’accès aux écoles privées payantes conditionne en effet une grande partie de la vie des jeunes Britanniques. Il est statistiquement incontestable que les élèves de ces établissements obtiennent de meilleurs résultats aux A-levels. Forcément, ils sont donc les premiers sur les listes des institutions les plus prestigieuses. Dans les faits, un élève issu d’une école publique d’un quartier défavorisé a des chances infimes d’accéder à Oxford, Cambridge, ou une autre université au nom ronflant.

L’université d’Oxford, l’une des cinq plus prestigieuses au monde. © Vadim Sherbakov – Unsplash

On imagine donc qu’une majorité d’élèves sera soulagée d’être notée par un professeur, même sur la base d’une estimation. Mais cela règlera-t-il le problème pour autant ? C’est peu probable tant ces pratiques sont très ancrées dans les mœurs académiques. D’autant plus que le fait d’avoir des humains derrière la copie ne constitue pas une garantie… Ceux-ci peuvent se révéler tout aussi biaisés que des algorithmes, si ce n’est plus. Leur intégration dans le milieu de l’éducation continuera de faire débat. Mais cette histoire et cet algorithme auront peut-être eu un mérite : celui de rappeler que l’éducation est avant tout une affaire d’humains. C’est là, dans la structure sociale, et non dans un unique algorithme, que ces inégalités criantes trouvent leur source. À terme, les algorithmes seront peut-être intégrés au processus éducatif de façon routinière – pour le meilleur et pour le pire. Mais une chose est sûre : si nous voulons qu’ils fonctionnent correctement, il faudra auparavant que les humains se débarrassent de leurs propres biais.

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