Le réseau social préféré des ados sait qu’il n’est pas en bonnes grâces auprès des parents. Accusé de faire la promotion de contenus toxiques, de trends dangereuses et, plus récemment, des troubles du comportement alimentaire et de l’automutilation, TikTok a annoncé une nouveauté de taille : désormais, les comptes estampillés adolescents ne pourront plus utiliser de filtres de beauté utilisant la réalité augmentée pour modifier l’apparence de ses utilisateurs.
La décision est louable, mais elle n’est pas vraiment spontanée : c’est sous la pression des législateurs européens et de plusieurs actions légales, notamment en France, que la plateforme a fini par céder, en interdisant ce type de filtres. Si la plateforme n’a rien inventé — les filtres existaient déjà sur Snapchat, et ils étaient déjà accusés à l’époque de provoquer des vagues de dysmorphophobie chez les jeunes utilisatrices, provoquant l’explosion des Snapchat Surgeons, ces chirurgiens spécialisés dans les opérations visant à ressembler à un visage filtré — l’arrivée de l’IA lui a permis de passer un cap supplémentaire dans le réalisme. Ainsi, certains filtres, comme le célèbre Bold Glamour popularisé il y a quelques années, avaient été vivement accusés de véhiculer des standards de beauté inatteignables, chez des internautes (principalement des femmes) en pleine construction identitaire. Peau lissée, teint bronzé, nez affiné, pommettes saillantes, lèvres pulpeuses… difficile après coup, de revenir à la réalité d’un visage imparfait.
Interdire les filtres aux ados
La décision de TikTok prévoit ainsi d’interdire purement et simplement certains filtres aux ados. Tous ne seront pas concernés, mais seulement les “filtres beauté“, qui permettent d’ajouter du maquillage virtuel ou altérer les traits du visage. D’ici la fin de l’année, ces derniers devront être interdits aux comptes adolescents. Reste à savoir comment TikTok réussira à déterminer quels filtres pourront être accessibles aux plus jeunes, et lesquels doivent au contraire, être réservés aux adultes.
Sur le papier, l’idée n’est pas inintéressante. Deux interrogations subsistent toutefois : d’une part, l’initiative part du principe que tous les adolescents sont inscrits avec leur âge réel, ce qui est loin d’être le cas. Ensuite, bien que les mineurs ne soient plus autorisés à utiliser eux-même les filtres, ils pourront toujours accéder aux vidéos des utilisateurs adultes, qui de leur côté, auront tout le loisir de les utiliser.
Avec 175 millions d’utilisateurs en Europe, TikTok sait qu’il va falloir agir vite et bien pour œuvrer à la protection des mineurs. Dans le cas inverse, le risque serait de voir l’Europe prendre une décision similaire à celle de l’Australie, qui vient de voter l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 16 ans, sans dérogation possible.
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