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[Critique] My Wonder Women : Sexe, mensonge et comic books

Sorti l’an dernier aux États-Unis, My Wonder Women arrive aujourd’hui dans les salles françaises. Centré sur les origines de la création de Wonder Woman, et sortant moins d’un an après le film à succès de Patty Jenkins, ce biopic pourrait sembler opportuniste. Pourtant, le troisième long métrage d’Angela Robinson s’avère plus subversif, complexe et intéressant que ne pouvait le laisser penser le nom de sa réalisatrice. Pendant un temps, du moins.

Dans les années 30-40, William Marston (Luke Evans) enseigne la psychologie à l’université d’Harvard. Avec sa femme Elizabeth (Rebecca Hall), il mène des recherches sur le détecteur de mensonge. Dans ce contexte, le couple est rejoint par une étudiante, Olive Byrne (Bella Heathcote) qui devient leur assistante puis leur amante. Les essais du détecteur de mensonge auxquels se prêtent les deux femmes dans le cadre de ces recherches offrent à William un éclairage inédit sur la psyché humaine. Et c’est de cet éclairage qu’il puisera l’inspiration pour créer le  célèbre personnage de Wonder Woman.

Après avoir réalisée D.E.B.S et La Coccinelle revient, Angela Robinson retourne derrière la caméra pour mettre en image ce biopic. Véritable complément artistique au blockbuster de DC Comics et Patty Jenkins, My Wonder Women se veut le pendant intellectuel et “réaliste” de ce dernier. Un projet légitime. Est-il pour autant mené à bien ?

Faux-semblants

Etes vous normal ? Qu’est ce que la normalité ?“, demande Marston à ses élèves dès les premières minutes. Ces questions révèlent d’emblée toute la problématique du film. Et sa plus grande force. De prime abord, il peut être difficile de faire le lien entre l’invention du détecteur de mensonge et la création du personnage de Wonder Woman. Pourtant, c’est là que réside en grande partie l’intérêt de l’oeuvre. Au sein de l’histoire, les deux éléments s’avèrent en effet intimement liés.

Le premier amène le second et le nourrit d’une dimension sociologique et psychanalytique. Le détecteur de mensonge sert en effet de révélateur de ce que nous sommes vraiment, derrière notre persona, c’est à dire notre masque social. Celui que nous prenons chaque jour pour littéralement jouer la comédie et nous faire accepter des autres et de la société.

Le personnage original de Wonder Woman créé par Marston se révélera donc extrêmement subversif, voire profondément “déviant” aux yeux de certains. En comparaison, l’héroïne interprétée par Gal Gadot dans le film de Patty Jenkins parait être une version totalement censurée du protagoniste. My Wonder Women met aussi à l’amende la trilogie 50 nuances de Grey dans une séquence d’initiation étudiante et sado-masochiste. Une ambiguïté sexuelle plus fascinante que la moyenne qui rend ce film, pour un temps, aussi intelligent qu’immersif.

Paradoxe

Malheureusement, une fois que le personnage d’Olive accepte sa propre “déviance” en tombant dans les bras du couple Marston au bout d’une quarantaine de minutes, le métrage parait incapable de renouveler correctement ses enjeux. L’arc narratif consacré à la création du personnage papier de l’amazone et à sa réception est développé de façon bien trop elliptique. Le film se contente d’énoncer les grandes étapes historiques sans prendre le temps de leur donner une dimension plus profonde. On aurait pu espérer que le scénario fasse de l’art (le comics en l’occurrence) un pouvoir capable de lutter contre les mœurs conservatrices du monde réel. La cinéaste semble néanmoins incapable de faire ressentir cette idée et se contente d’en donner un aperçu superficiel.

De même, l’histoire d’amour entre l’élève et ses deux maîtres prend le pas sur le récit psychanalytique amorcé jusqu’à alors. Mais sans la folie ni l’émotion nécessaire pour continuer à nous faire croire aux relations entretenues par les protagonistes. On pense alors à ce qu’aurait pu faire un metteur en scène comme David O. Russell d’une telle idée de départ. Opter pour son incroyable talent à mettre en scène des personnages anti-conformistes (Happiness TherapyAmerican Bluff ) aurait été un choix, certes plus radical, mais sans doute plus payant considérant la timidité dont fait finalement preuve My Wonder Women.

Tout le paradoxe du métrage est d’ailleurs peut être là. À parler de marginaux passionnés qui se battent contre une société qui fait passer ses valeurs réactionnaires pour la norme, le film d’Angela Robinson semble en avoir presque oublié d’être, lui aussi, incarné et “différent” du reste de la production cinématographique. Car une fois encore, il faut rappeler l’évidence : être subversif ne repose pas tant sur la nature du sujet que sur la façon dont il est traité.

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Notre avis

Grâce à son trio d'acteurs concernés et à son questionnement de la psyché humaine et de la morale de l'époque, My Wonder Women, parvient à susciter un réel intérêt dans sa première partie. Le film d'Angela Robinson ne parvient cependant pas à le maintenir dans la seconde. Trop occupée à développer une histoire d'amour au classicisme plat au lieu de vraiment parler du personnage de Wonder Woman, l'oeuvre se retrouve rapidement prise au piège de sa propre structure narrative. Alors que le métrage épousait au départ le point de vue de la marginalité de ses personnages avec une certaine maîtrise, il abandonne progressivement ce qui faisait sa singularité pour se transformer, à la fin, en biopic paradoxalement consensuel. Une semi-réussite. Ou un semi-échec, c'est selon.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 5 / 10
1 commentaire
  1. On ne risque pas de vous confondre avec un autre. "Métrage" et "narration" figurent à peut près 10 fois par paragraphe. Pardon mais c’est vraiment très indigeste ce style maniéré, surtout pour parler des navets simplistes dont le cinéma Nord américain nous abreuve.

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