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[Critique] Red Sparrow : Quand la Guerre Froide a le sang (trop) chaud

Après avoir clôturé la trilogie dystopique d’Hunger Games, Francis Lawrence se lance avec Red Sparrow dans un genre particulièrement balisé : l’espionnage. Un grand écart qu’il a du mal à maîtriser.

Le film d’espionnage est intimement lié à la littérature qui lui est associée. Il faut dire que le genre a toujours su trouver des lecteurs, au gré des conflits à grande ou petite échelle qui ont déchiré le XXe siècle. Pourtant, une partie des adaptations d’auteurs aussi reconnus que John le Carré, Ludlum ou Clancy n’ont pas débouché sur de grands films. Cela s’explique bien souvent par la difficulté qu’ont les réalisateurs à s’affranchir ou non de certains aspects de l’œuvre écrite.

Une majorité d’entre eux se contentent de diluer le récit grâce à des scènes d’action permettant de conserver l’attention du spectateur. Procédé assumé (et apprécié du public) par des sagas comme James Bond ou Jason Bourne, qui ont fait le choix de livrer une version fantasmée du travail d’espion, le rapprochant plus d’un membre de commando que d’un homme discret. Vision néanmoins contrebalancée par d’autres grandes réussites comme Conversation secrète, La Taupe ou encore Zero Dark Thirty, qui laissent entrevoir le travail fastidieux de simples agents de bureau.

Adapté du best-seller de Jason Matthew, Red Sparrow nous narre l’histoire d’une Guerre Froide qui n’a décidément jamais fini. Après un accident de scène, Dominika Egorova, une danseuse étoile du Bolchoï (Jennifer Lawrence) se voit dans l’obligation de travailler pour son oncle (M. Schoenaerts), un haut gradé des services secrets russes. Elle devient alors une experte dans la manipulation psychologique, et est missionnée pour séduire un agent américain capable de lui livrer un traître au sein du Kremlin. Mais leur relation particulière éveille rapidement des soupçons.

Red Sparrow est un film qui étonne, mais pas toujours pour les bonnes raisons. Malgré un scénario qui fleure bon la série B, Francis Lawrence se refuse à livrer la production mainstream et aseptisée que laissait attendre sa bande-annonce. Rapidement, il fait comprendre au public qu’il s’agira d’un spectacle mature, mâtiné de sexe et de violence.

Malgré une première demi-heure assez enlevée, la mise en scène retombe assez rapidement dans le classicisme. On a droit à quelques travelings et plans larges intéressants, mais l’ensemble se contente bien souvent d’un sempiternel champ/contrechamps lors des dialogues. Cette relative sobriété est aussi due au fait qu’aucune scène d’action majeure n’intervient durant ces deux heures et demie. Le réalisateur peut néanmoins compter sur un casting d’acteurs confirmés.

Lawrence et Edgerton sont accompagnés de monstres sacrés comme Charlotte Rampling ou Jeremy Irons, qui ont, malgré tout, bien du mal à nous faire croire qu’ils sont russes. Seul Mathias Schoenaerts et ses airs de jeune Poutine arrive à rester cohérents face à la beauté étrangement slave de Lawrence. On déplore tout de même de trop grosses variations dans les accents pour que le tout paraisse parfaitement plausible. Le langage représentant le principal vecteur d’attention du film, l’emploi d’acteurs russophiles aurait pu ajouter une touche de crédibilité à l’ensemble.

Francis Lawrence tente de l’insuffler via un scénario solide, mais prévisible. En conservant le mystère sur les véritables intentions de son héroïne à ses spectateurs, il les laissent dans l’expectative. Dominika essaye-t-elle d’infiltrer les Américains, de travailler pour eux ou de simplement sauver sa peau ?

Si ce postulat scénaristique est assez intéressant pour ne pas piquer du nez, on regrette que la mission que lui donne le Kremklin soit si peu mise en avant. On vogue ainsi entre appels téléphoniques cryptés, début de romance et échange de disquettes informatiques (en 2018) sans qu’aucun support géopolitique ne vienne appuyer le propos. Les relations houleuses entre les deux pays le permettaient pourtant.

Comme pour raviver l’attention du public, le réalisateur relance son intrigue en maltraitant son actrice. Battue, violée, torturée, rien n’est épargné à Jennifer Lawrence. Cette audace se fait si rare dans ce genre de production qu’elle tient en haleine pendant toute la première heure.

Par la suite, ces scènes font plus office de palliatif à un récit qui ronronne qu’autre chose. Le film d’espionnage se mue ainsi rapidement en un thriller aux accents voyeuristes, où le sexe et les sévices permettent de débloquer la situation. À ce petit jeu-là, les russes sont bien évidemment présentés comme les plus doués face à des Américains respectueux des lois.

Le cœur du film semble ainsi répéter ce schéma tous les quarts d’heure. Le scénario de Justin Haythe (Les Noces rebelles, A Cure for Life…) pêche donc à donner un sens aux événements.

C’est d’autant plus dommage que la fin est particulièrement réussie et redistribue habilement les cartes pour une potentielle suite. Les Lawrence(s) ont trouvé la bonne atmosphère, mais il faudra à l’avenir muscler la narration.

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Notre avis

Derrière ses atours de films plutôt grand public, Red Sparrow ose des scènes qu’il est assez rare de voir dans ce genre de production. Mais le recours à la violence et la sexualité cache trop souvent un scénario qui manque d’enjeu, malgré les efforts d’un casting de haut vol. Ces 2h20 permettaient en effet de tisser une histoire plus crédible et surtout plus haletante. Reste un divertissement honnêtement réalisé, mais finalement assez oubliable.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 5 / 10
3 commentaires
  1. Heureusement qu’il y a la jolie Jennifer Lawrence.
    Mais dès les bandes annonces, on voit bien les gentils américains et les méchants russes…
    C’est pour les américains.

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