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IA faible / IA forte : on en est où au fait ?

Les IA ont énormément progressé ces dernières années. Vont-elles bientôt nous égaler ? On est allé poser la question à des acteurs du secteur.

Échecs, jeu de Go, Starcraft… Il faut le reconnaître : l’IA nous a soustrait quelques trophées ces dernières années. “La combinaison de cartes graphiques puissantes, de techniques d’apprentissage efficaces et de données disponibles a permis d’importants progrès”, confirme Reda Dehak enseignant chercheur à Epita. A tel point qu’on peut penser que les IA vont bientôt nous égaler. Mais cette impression est-elle fondée ? Pas précisément. Aussi étonnantes que soient leur facultés, les IA actuelles restent pour l’heure très éloignées de ce que les chercheurs appellent souvent l’IA forte ou générale. Autrement dit une IA centrée “sur la capacité à reproduire voire dépasser l’intelligence humaine dans toutes ses composantes”, nous explique David Deraedt, responsable avant-vente Adobe EMEA.

“On est les champions”

Il n’y a qu’à comparer la façon dont une IA et un humain apprennent à identifier un être vivant pour s’en convaincre. “On a construit des systèmes capables de reconnaître des chats avec un taux de réussite de 95% en leur fournissant 100 000 images de l’animal. Mais un enfant n’a besoin que de deux images de chat pour en reconnaître un toute sa vie, avec un taux de réussite de 100%”, nous explique le cocréateur de Siri, Luc Julia, aujourd’hui VP innovation de Samsung. L’IA n’a pas notre extraordinaire capacité à généraliser, apprendre selon des modalités très différentes et appliquer un enseignement à d’autres domaines. “Dès l’enfance, nous avons par ailleurs une capacité à nous représenter le monde et à comprendre instinctivement la physique -ex :si une balle tombe, je sais à quel endroit elle va tomber- que nous avons beaucoup de mal à intégrer à un ordinateur”, nous confie Bernard Ourghanlian, directeur Technique et Sécurité de Microsoft.

Calendrier : qui veut se lancer ?

Si impressionnante qu’elle soit, l’IA que nous avons pour le moment reste donc finalement de l’IA faible. “Elle fonctionne bien sur des tâches très précisément définies” nous explique Bern Elliott, analyste et VP du cabinet Gartner. Mais elle ne s’avère pas très futée dès qu’on sort un peu des sentiers battus. Et les chercheurs ne sont pas du tout sûrs que la situation est prête de changer.

Martin Ford qui vient de publier un recueil de 23 entretiens avec des figures éminentes du secteur (Yann LeCun, Demis Hassabis, Fei-Fei Li…) leur a demandé d’indiquer l’année au cours de laquelle, selon eux, l’IA générale aurait 50% de chances d’exister. Sur les 23 personnes interrogées, seules 18 ont accepté de se prononcer et parmi elles, 16 à la condition que leur réponse soit anonymisée. Les deux ayant accepté d’être cités sont Ray Kurzweil, qui cible la date de 2029, et Rodney Brooks qui place, lui, ses jetons sur 2200. La moyenne des 16 autres réponses se situe à plusieurs décennies de nous : en 2099.

“Pour arriver à de la vraie intelligence artificielle, il faudra recourir à d’autres méthodes que celles utilisées aujourd’hui.”

Si le calendrier est délicat à pronostiquer, c’est certainement lié au fait que la communauté de chercheur est très divisée sur la façon de parvenir à l’IA générale. Certains pensent que nous disposons d’ors déjà des outils permettant de construire une telle IA. Mais beaucoup doutent que les approches actuelles -qui fonctionnent très bien pour créer certaines IA faibles- permettent d’accoucher d’une IA forte. C’est d’ailleurs le cas de la plupart des personnes que nous avons interrogées sur ce sujet. Parmi eux, Luc Julia affirme sans ambages : “Pour arriver à de la vraie intelligence artificielle, il faudra recourir à d’autres méthodes que celles utilisées aujourd’hui. S’agira-t-il de méthodes avec de la biologie, de la physique, du quantum… sans doute un mix de tout cela. Je pense en tout cas qu’il faudra une approche multidisciplinaire.”

Si les chercheurs finissent pas trouver un jour la solution à cette énigme, l’IA générale suscitera des questions éminemment délicates. Il ne faut cependant pas que cette perspective nous fasse oublier que les IA faibles soulèvent déjà des questions économiques et sociales complexes. Nous y reviendrons dans un prochain article.

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