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[Dossier] Pourquoi il faut absolument revoir l’anime Ghost in the Shell

Alors qu’une nouvelle adaptation de Ghost in the Shell se prépare à sortir dans nos salles, il est l’heure de s’intéresser à l’histoire de cette saga…

Alors qu’une nouvelle adaptation de Ghost in the Shell se prépare à sortir dans nos salles, il est l’heure de s’intéresser à l’histoire de cette saga culte.

Cela fait plus de vingt ans que Ghost in the Shell, adaptation du manga de Masamune Shirow, est sorti en salle. En 1995, le manga est encore beaucoup lié à une imagerie juvénile, notamment car les œuvres diffusées sur nos chaines sont destinées aux enfants. C’est en tout cas ce que pensent les chaines TV de séries comme Dragon Ball Z, Goldorak ou Les Chevaliers du Zodiaque, qui sont malgré tout assez violentes.

Le Shonen règne en maître. Le grand public et les cinéphiles ont encore beaucoup de mal à imaginer l’anime comme vecteur de réflexion profonde. Ce constat va changer avec l’arrivée de quelques sagas majeures, aujourd’hui considérées comme des chefs-d’œuvre du genre. Parmi elles, Ghost in the Shell figure au firmament du manga, et donnera lieu à une superbe adaptation dirigée par Mamoru Oshii.

Il aura fallu attendre 2017 pour que le cinéma américain s’empare de cet univers pour en livrer sa propre version. On ne sait pas encore ce qu’il en sera, mais le défi est considérable. En attendant, voici les raisons pour se (re)plonger dans l’œuvre originale.

[nextpage title=”Une oeuvre visuelle…”]

Car c’est un véritable classique du manga japonais

The Ghost in The Shell (abrégé en GITS) fait partie de l’importante famille des Seinen manga. Une production destinée aux jeunes adultes de 15 à 30 ans, majoritairement masculins. Toutefois, la cible peut parfois être plus âgée. Un manga est considéré comme un Seinen seulement s’il a fait l’objet d’une prépublication dans un magazine pour adolescents. Ce fut le cas de l’œuvre de Shirow Masamune, qui fut diffusée dans le Young Magazine de mai 1989 à novembre 1991.

Crédits : Halcyon Realms

Il fut ensuite compilé dans un tankobon (un ouvrage qui regroupe toute l’histoire en une fois) dès le mois d’octobre 1991. La version anglaise fut elle déclinée en huit petits volumes en 1995. Il faut d’ailleurs savoir que son véritable titre est Kōkaku Kidōtai, ce qui signifie « policiers antiémeute en carapaces offensives ». Deux autres épisodes nommés Ghost in the Shell 2 : Man-Machine Interface et Ghost in the Shell 1.5: Human Error Processor verront le jour et connaîtront un succès retentissant au Japon et dans de nombreux autres pays.

Avec d’autres chefs-d’œuvre comme Akira, ces mangas posent les jalons du genre cyberpunk, qui intègre des scènes d’action haletantes, mais également une réflexion poussée sur les dérives de la société informatisée. Lors de sa création, Masamune voulait un récit profond, mais simple à comprendre. Au vu de la richesse de ce dernier, il est tout de même conseillé de le lire deux fois pour mieux saisir les enjeux de l’histoire. Glénat vient d’ailleurs de republier le manga dans sa Perfect Edition, qui respecte les desiderata de l’auteur.

Parce que c’est un chef-d’œuvre de l’animation

L’aura de Ghost in the Shell va considérablement grandir lors de la sortie en 1995 de l’anime éponyme. Réalisé par le talentueux Mamoru Oshii et le studio d’animation Production I.G, le film donne vie à l’univers créé par le mangaka. Projeté en novembre 1995, il fait écho à plusieurs faits divers japonais très marquants (séisme de Kobe, attentat au gaz sarin à Tokyo), mais aussi à la sortie de Windows 95, qui marquera le début de la propagation d’internet dans le monde.

Composé de la fine fleur de l’animation nippone, Production I.G va utiliser des méthodes d’animation assistées par ordinateur qui vont faire passer l’anime dans une nouvelle ère. Les mouvements vont ainsi pouvoir être animés de manière numérique dans des environnements entièrement dessinés à la main. Une technique qui parait tout à fait banale aujourd’hui, mais qui relevait de la prouesse à l’époque.

L’autre grande force de l’anime réside dans son écriture, ici prise en charge par Kazunori Ito. Ce dernier a en effet réussi à compiler l’essentiel de la réflexion du manga dans un long-métrage de 1h 23, ce qui est extrêmement difficile pour une œuvre japonaise. La combinaison de ces talents font de Ghost in the Shell un véritable tour de force visuel.

[nextpage title=”… Dôtée d’une réflexion profonde”]

Parce que c’est une œuvre intelligente et visionnaire

Le manga et les anime ont longtemps souffert d’un manque de considération, voire d’une forme de mépris en Occident. Un constat renforcé par une majorité de la production effectivement destinée à du simple divertissement, ou dont le champ d’expression semble réservé aux plus jeunes. Au Japon, ces œuvres ont pourtant rapidement été considérées comme faisant partie d’un domaine artistique respectable.

Ghost in The Shell a permis de sortir de cette vision biaisée du médium. Plusieurs prodiges du cinéma occidental avaient d’ailleurs vu en lui un grand film. Ce fut le cas de James Cameron qui l’avait qualifié de « visionnaire » ou de Stanley Kubrick qui s’était dit impressionné du travail de Mamoru Oshii. Aujourd’hui, il n’est pas difficile de voir que l’anime a grandement inspiré des sagas comme Matrix des frères Wachowski ou encore l’adaptation de Minority Report par Steven Spielberg.

Cette reconnaissance (même tardive) des critiques françaises est due aux multiples thèmes abordés par le film. Empruntant à des auteurs comme Phillip K. Dick ou Isaac Asimov, GITS n’est pas qu’un simple film d’action. Créé avant l’avènement d’internet dans nos vies, le film décrit fidèlement la dérive d’un monde où tout est connecté et donc potentiellement accessible à des gens mal intentionnés. En ce sens, le travail de Shirow peut être vu comme celui d’un pessimiste, qui voyait dans l’avancée technologique du Japon des années 90 un véritable danger.

Mais le message du mangaka se veut universel, et pas uniquement centré sur l’archipel. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas d’indication géographique particulière dans son travail, même si la ville fait fortement penser à une métropole asiatique. Idem pour la section 9, qui regroupe des agents de tous horizons. Le créateur avait compris que le développement massif des technologies de communications numériques jetterai un flou sur nos frontières. Il ne s’était pas trompé.

L’autre aspect majeur de l’œuvre concerne la robotisation de la société et la potentielle déshumanisation qui en découle. Une thématique évidemment représentée par le Major Motoko Kusanagi, élément principal de la section 9, qui s’occupe de traquer les cybercriminels les plus dangereux. Dotée d’un corps artificiel taillé pour le combat, Kusanagi a conservé un cerveau humain (son « ghost ») après un crash d’avion qui a détruit le reste de ses membres. Froide et distante comme une machine, elle va pourtant être confrontée à des questions existentielles sur sa propre humanité.

Un questionnement qui va s’amplifier lors de sa rencontre avec le Puppet Master (appelé « le Marionnetiste » en français), qui est désigné comme son ennemi pendant une partie du film. Insaisissable, il s’agit d’un esprit brillant et torturé né de l’océan d’informations numériques qui circule dans le monde. Fonctionnant comme un programme, il peut prendre le contrôle de quasiment n’importe qui, étant donné que le monde est désormais peuplé d’humains modifiés par implants cybernétiques. Obnubilé par le Major, il décide de rentrer en contact avec elle pour tenter de la convaincre de fusionner.

Ces deux personnages forment un paradoxe fascinant. Le Major représente une pensée humaine capable d’introspection, dans un corps qui ne lui appartient pas. Sa quête effrénée d’humanité s’oppose à la vision du Puppet Master, qui s’est créé lui-même, mais ne dispose pas de sa propre enveloppe corporelle. Elle est prisonnière de sa « Shell » (sa coquille), lui souffre de n’en avoir jamais vraiment eu. Deux philosophies opposées qui posent la question ultime de l’œuvre de Shirow : Qu’est-ce qui fait vraiment de nous des humains ?

[nextpage title=”Un univers d’une grande richesse”]

Parce que la bande-son est culte

Ghost in the Shell est une œuvre visuelle, mais l’aspect sonore est également très soigné. Réalisée par Kenji Kawai, la bande-son aura marqué des milliers de spectateurs avec un thème d’ouverture inoubliable.

Intitulé « Making of a Cyborg », ce thème accompagne la magnifique séquence de création du Major, et fait rentrer l’histoire de Shirow dans le vif du sujet. Elle est composée d’harmonies bulgares jouées sur des notes de musique traditionnelle japonaise. La langue utilisée est le Yamato, qui est la forme la plus ancienne de la langue nippone.

Ce paradoxe culturel sied parfaitement à l’atmosphère du film, qui malgré son atmosphère asiatique, est censée se dérouler dans un monde totalement cosmopolite. Elle fait également intervenir une voix humaine au milieu d’une composition qui s’enrichit d’éléments électroniques chaque nouvelle fois où il est joué (au début, au milieu et en fermeture du film). Le reste de la bande-son fait la part belle à une musique atmosphérique aux sonorités graves et/ou métalliques, qui confèrent un côté expérimental à l’ensemble.

Parce que c’est la porte ouverte vers un univers étendu… mais très complexe

Le succès de Ghost in The Shell a permis à Shirow de développer son univers en profondeur. L’occasion rêvée d’en savoir plus sur le Major Kusanagi, mais aussi l’équipe de la section 9 dont elle fait partie. Mais le rythme de sortie des anime, ainsi que les nombreuses ellipses présentes dans ces derniers, ne facilitent pas la compréhension pour les néophytes.

A l’occasion de la sortie du film, l’anime vient de faire l’objet d’une remasterisation inédite de l’image et du son, vendue par l’éditeur @Anime. Une bonne occasion de (re)découvrir le film dans les meilleures conditions, d’autant plus que cette dernière contient également Ghost in the Shell 2.0, une version qui a bénéficié de l’apport d’image 100 % numérique (en 3D). Une hérésie pour certains fans, même si le résultat est assez spectaculaire.

Presque dix ans plus tard sort Ghost in the Shell 2 : Innocence. Un épisode qui reprend l’histoire du premier film, en se focalisant plus sur le personnage de Batou. Oshii livre un film magnifiquement animé, doté d’une réflexion dans la lignée de l’épisode original. Pessimiste envers le futur qui nous attend, il continue de questionner sur ce qui fait de nous de vrais humains. Les Français ne s’y sont pas trompés puisqu’Innocence est le premier film d’animation à concourir en sélection officielle au Festival de Cannes de 2004 depuis La Planète sauvage (1973).

La chronologie du reste de la saga est nettement plus complexe à suivre… L’univers de Shirow a par la suite été adapté en une série animée nommée Stand Alone Complex, composée de 52 épisodes, répartie sur deux saisons. Il faut noter qu’ils se déroulent entre le premier et le second film.

Chacune des saisons fera l’objet d’un OAV (comprenez direct-to-video) récapitulatif : Le Rieur et Les 11 individuels. Un troisième film intitulé GITS : Stand Alone Complex : Solid State Society offrira une fin digne de ce nom à cette « seconde » série de qualité. Ils seront bientôt remastérisé en Blu-Ray.

Mais ce n’est pas fini ! Un ensemble de quatre OAV d’environ une heure chacun nommé « Arise » est sorti à partir de 2013. Ils font office de prequel au film original de Masamune Shirow et racontent les premiers exploits du Major. Comme pour le second arc narratif, un film de deux heures (GITS Arise : The Movie) vient conclure le récit de ces quatre OAV. L’histoire se termine donc exactement ou celle de Ghost in the Shell (le tout premier !) commence. Vous suivez encore ?

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