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Le James Webb révèle les couleurs de l’étoile la plus lointaine jamais observée

L’observation d’Earendel, l’étoile la plus ancienne et la plus distante jamais observée, est un immense défi technique. Mais cela n’a pas empêché le Webb d’en extraire de nouvelles informations intéressantes, en attendant de remonter aux origines de notre univers.

En 2018, le vénérable Hubble est tombé plus ou moins par hasard sur un véritable trésor astronomique : il a détecté WHL0137-LS, plus connue sous le nom d’Earendel. Il s’agit de la plus ancienne et lointaine étoile jamais observée. Ce n’était donc qu’une question de temps avant que le James Webb Space Telescope, spécialisé dans l’observation de l’univers précoce, ne se penche dessus à son tour.

Et c’est désormais chose faite ; cinq ans après Hubble, il a à son tour braqué ses instruments sur cet objet situé à environ 28 milliards d’années-lumière de notre planète. Cette distance est si exceptionnelle que même un bijou d’ingénierie comme le Webb serait bien incapable de détecter ce signal en temps normal. Pour y parvenir, les télescopes se sont servis du phénomène de la lentille gravitationnelle.

Un coup de pouce de la gravitation

Par chance, il se trouve qu’un vaste amas de galaxies, WHL0137-08, est placé exactement sur la ligne entre l’objectif du Webb et Earendel. Grâce à sa masse très importante, cet amas génère une force gravitationnelle très intense. Comme décrit dans les travaux d’Einstein, cela se traduit par une courbure de l’espace temps qui affecte notamment le trajet de la lumière. En pratique, l’amas se comporte donc un peu comme une gigantesque lentille qui nous offre une vue privilégiée sur les objets en arrière-plan.

Le phénomène de lentille gravitationnelle
Le phénomène de lentille gravitationnelle schématisé par l’ESA. La grille représente la courbure de l’espace temps. © NASA, ESA & L. Calçada

En l’occurrence, les chercheurs estiment que cet amas de galaxies offre un zoom d’environ 4000x. Sans lui, il aurait été impossible de détecter ce signal lumineux si ténu, qui a été émis environ 1 milliard d’années après le Big Bang. Pour resituer ce chiffre dans ce contexte, la lumière de l’ancienne étoile tenante du titre datait d’environ 4 milliards d’années après cet événement ! C’est dire à quel point Earendel est lointaine et ancienne.

Earendel n’est peut-être pas seule

Les astronomes estiment qu’Earendel est une étoile de type B assez massive, plus de deux fois plus lourde que notre Soleil. En général, ces objets ne sont pas isolés ; ils résident souvent dans des systèmes à plusieurs étoiles. Malheureusement, à cause de la distance énorme et de la luminosité importante d’Earendel (elle est environ 1 million de fois plus brillante que le Soleil), les chercheurs ne s’attendaient pas à pouvoir distinguer ses éventuelles compagnes. Elles seraient trop proches les unes des autres pour pouvoir les discerner individuellement.

Earendel, la plus ancienne étoile jamais observée, vue par le James Webb
© NASA, ESA, CSA, D. Coe (STScI/AURA for ESA; Johns Hopkins University), B. Welch (NASA’s Goddard Space Flight Center; University of Maryland, College Park). Image processing: Z. Levay.

Sans surprise, Hubble n’en avait repéré aucune trace. Mais si le Webb n’a pas non plus réussi à en voir directement, il a pu capter un indice qui pointe effectivement dans cette direction. Grâce à la précision extrême de sa NIRCam, les astronomes ont pu déterminer la couleur d’Earendel de façon plus précise. Et selon eux, certaines spécificités de ce spectre lumineux suggèrent que l’étoile est effectivement accompagnée d’un autre astre rouge et nettement plus froid.

L’instrument a aussi révélé d’autres détails du Sunrise Arc, la galaxie où réside Earendel. Les chercheurs ont pu observer de petits amas d’astres et ce qui ressemble à des pouponnières d’étoiles. Le point le plus intéressant, c’est que l’architecture de ce système suggère que tous ces éléments sont gravitationnellement liés et qu’ils persistent encore à ce jour, plus de dix milliards d’années après l’émission de la lumière captée par le Webb !

Cap sur les origines de l’Univers

Les scientifiques vont continuer d’extraire autant de données que possible de ces observations. Mais même s’ils se montrent prudents sur ce sujet, ils gardent surtout l’espoir que les prouesses du Webb permettront un jour de battre le record d’Earendel. Le rêve ultime des astronomes, c’est qu’il réussisse à détecter l’une des toutes premières générations d’étoiles composées uniquement d’hydrogène et d’hélium — les deux seuls éléments bruts qui existaient directement après le Big Bang.

Personne ne sait encore si le télescope en sera capable. Mais les répercussions d’une telle découverte seraient phénoménales ; il s’agirait d’une fenêtre sans précédent sur les origines de notre univers, et cette seule perspective suffira à motiver les chercheurs pendant toute la carrière du James Webb.

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