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Le corps humain produit un “champ oxydatif” qui altère l’air avoisinant

Des chercheurs ont montré que certaines espèces chimiques produites par notre corps réagissent avec l’ozone et modifient significativement la composition chimique de l’air aux alentours.

L’air qui nous entoure est chargé de molécules potentiellement indésirables, que ce soit pour les humains ou pour son environnement. Certains processus naturels peuvent nous débarrasser d’une partie d’entre eux. C’est notamment le cas du rayonnement UV émis par le Soleil. Et en étudiant ce mécanisme en intérieur, des chercheurs ont fait une découverte très étonnante ; dans des travaux repérés par Interesting Engineering, ils ont montré que le corps humain produisait son propre « champ oxydatif » qui altère directement la composition chimique de l’air avoisinant.

En extérieur, le rayonnement UV du Soleil réagit avec les molécules d’ozone de l’atmosphère pour former ce qu’on appelle des radicaux hydroxyles, ou radicaux OH. C’est une espèce chimique qui appartient à la famille des radicaux libres, ce qui signifie qu’elle présente plusieurs électrons solitaires.

Une modélisation d’un radical hydroxyle. © Andrew Ryzhkov – Wikimedia Commons

Les radicaux hydroxyle, des “détergents atmosphériques

Or, les électrons ne supportent pas d’être seuls ; cette configuration rend ces radicaux libres instables, car ces particules cherchent à tout prix un compagnon avec lequel s’apparier pour stabiliser la molécule. En pratique, cela signifie que ces radicaux OH sont extrêmement réactifs ; ils se combinent facilement avec d’autres espèces chimiques (on parle d’oxydation dans ce contexte). Dans l’atmosphère, c’est justement l’ozone qui sert souvent de partenaire à ces radicaux OH.

Ce processus est très important pour les humains. On qualifie parfois ces radicaux de « détergents atmosphériques », car cette oxydation a tendance à neutraliser un grand nombre de polluants aéroportés… du moins en extérieur. En effet, les fenêtres en verre filtrent une part considérable des rayonnements qui présentent une longueur d’onde courte, comme les UV.

Les chercheurs s’attendaient donc à ce que la concentration en radicaux OH soit relativement faible en intérieur, ce qui aurait des conséquences directes sur la qualité de l’air et par conséquent sur la santé des humains.

Pour le vérifier, ils ont donc monté une expérience basée sur trois groupes de quatre personnes. Ils leur ont demandé de rester un certain temps dans une chambre spéciale, privée du rayonnement solaire et où la composition de l’air était contrôlée avec précision.

Le corps humain est une usine à radicaux OH

Ils y ont surveillé le taux de radicaux OH, avec et sans ozone. Et lorsqu’ils ont compilé les résultats, une surprise de taille les attendait ; ces molécules étaient bien présentes dans l’air de la pièce, et en abondance. Dans certains cas, cette concentration était même comparable à celle que l’on peut mesurer en extérieur.

Une modélisation informatique de la concentration en radicaux hydroxyle. © Zannoni et al.

D’après les chercheurs, il n’y avait qu’une seule interprétation possible : c’est le corps humain qui a produit ces radicaux OH lui-même. « La découverte que les humains sont non seulement une source d’espèces chimiques réactives, et que nous pouvons aussi aussi les transformer nous-mêmes nous a beaucoup surpris », concède Nora Zannoni, chercheuse à l’Institut des Sciences Atmospheriques et du Climat en Italie.

Ils ont ensuite tenté de trouver l’origine précise de ce phénomène. Ils ont déterminé que le corps génère son propre champ d’oxydation lorsque l’ozone de l’air réagit avec le squalène. C’est un hydrocarbure produit par les mammifères ; il est indispensable à la synthèse de certaines molécules essentielles de notre physiologie, comme les hormones stéroïdes, la vitamine D ou le cholestérol.

Il fait aussi partie des composés gras qui permettent de protéger la peau, et c’est à ce niveau-là qu’il réagit avec l’ozone pour alimenter ce fameux champ d’oxydation. C’est aussi le cas de certains composés présents dans l’air expiré.

Pas de danger direct, mais des implications significatives

Cette découverte n’est pas une mauvaise nouvelle en soi. Comme précisé plus haut, les radicaux OH sont extrêmement instables et ils ne sont pas dangereux en tant que tels. Mais cette dynamique pourrait tout de même avoir des conséquences significatives qui doivent absolument être explorées par principe de précaution.

Ces radicaux libres ne sont pas dangereux en tant que tels, mais ils pourraient participer à la formation de composés indésirables. © D koi – Unsplash

Car si la réactivité extrême des radicaux OH leur permet de neutraliser certains polluants, cela signifie aussi qu’ils réagissent probablement avec des tas d’autres composés chimiques. Cela signifie qu’ils pourraient parfaitement participer à la formation de substances potentiellement dangereuses.

Or, les résultats de toutes ces interactions sont encore très mal documentés. Pour les chercheurs, cela pose de nombreuses questions qui ont toutes des implications directes pour la santé publique. Ils estiment donc qu’il va falloir se pencher sérieusement sur la question, quitte à opérer des changements d’envergure dans l’aménagement des espaces.

Cela impliquerait par exemple d’intégrer de nouveaux tests aux procédures de certifications qui permettent de mettre un nouveau matériau sur le marché. En effet, les nouveaux produits ne sont pas nécessairement testés en présence d’êtres vivants et d’ozone. Ces certifications pourraient donc passer à côté de certaines réactions avec des radicaux libres, avec des conséquences potentiellement sur la santé humaine.

« Nous devons repenser la chimie de l’air en intérieur, car les champs d’oxydation que nous produisons vont transformer de nombreux composés chimiques dans notre voisinage direct », conclut Jonathan Williams, auteur principal de l’étude.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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Source : Science

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