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Chandrayaan-3 va-t-elle survivre à l’impitoyable nuit lunaire ?

Vikram et Pragyan, les acteurs principaux de cette mission historique, se préparent à affronter une nuit glaciale dans l’espoir de récolter encore plus de données.

Le 23 août, l’agence spatiale indienne (ISRO) a réussi l’exploit retentissant : avec l’alunissage réussi de Chandrayaan-3, l’Inde est devenue la quatrième nation au monde à poser un engin sur notre satellite, et la toute première à atteindre son pôle sud.

Le 2 septembre, après deux semaines sur place, les deux protagonistes de la mission — l’alunisseur Vikram et le rover Pragyan — ont officiellement complété tous les objectifs préliminaires de leur mission. Ils ont notamment réalisé de précieuses analyses chimiques, minéralogiques et sismiques de cette région particulièrement difficile d’accès et très importante pour le futur de la colonisation spatiale.

Désormais, pour l’ISRO, tout l’enjeu va être de prolonger leur durée de vie au maximum pour en tirer autant de données que possible. Mais pour y parvenir, les deux engins vont devoir surmonter leur plus grand défi à ce jour : survivre aux conditions très difficiles de la nuit lunaire. Et l’issue est pour le moins incertaine.

Un rendu 3D de l'alunisseur Vikram et du rover Pragyam sur la Lune.
Un rendu 3D de l’alunisseur Vikram et du rover Pragyam sur la Lune. © ISRO via OneIndia

La nuit lunaire, un sacré défi d’ingénierie

Sur la Lune, les jours sont nettement plus longs que sur Terre; un cycle complet dure un peu moins de 28 jours.  Pour les agences spatiales, c’est à la fois une chance et une malédiction. Elles disposent de 14 jours d’ensoleillement consécutifs pendant lesquels leurs engins peuvent charger leurs batteries et mener leurs expériences à loisir. Mais cela signifie aussi qu’ils doivent se passer de notre étoile pendant la même durée, et c’est dans cette seconde phase que Chandrayaan-3 est entrée le 8 septembre.

Le souci, c’est que les nuits lunaires sont nettement plus hostiles que celles que l’on connaît sur Terre. En effet, l’absence d’atmosphère dense donne lieu à des différences de température extrêmes. Pendant la journée, le sol de la Lune dépasse allègrement les 100 °C ; mais pendant la nuit, le mercure peut chuter de plus de 200 degrés pour passer sous la barre des -130 °C.

En termes d’ingénierie, ces variations représentent un défi important. Pour commencer, elles posent un gros problème d’ordre structural. Les engins spatiaux sont presque entièrement constitués de métal. Or, ces matériaux s’étendent ou se contractent considérablement en fonction de la température. Ces variations peuvent causer des ruptures au niveau des soudures, des joints, ou même de la structure en elle-même.

L’autre problème concerne le fonctionnement des composants électroniques et des instruments. Ils sont conçus pour opérer à une température bien précise ; il est pratiquement impossible de concevoir un système capable de fonctionner de façon optimale dans une fourchette de plus de 200 °C. De nombreux capteurs sensibles ont donc une forte probabilité de flancher si la température change brutalement.

Cela concerne aussi les batteries, des éléments à la fois critiques et particulièrement sensibles. Pour les protéger, il faut les maintenir à une température relativement stable. S’il fait trop froid, elles peuvent perdre en efficacité et s’avérer insuffisantes pour alimenter tout le système. À l’inverse, s’il fait trop chaud, cela peut conduire à une surcharge potentiellement fatale pour le reste de l’électronique.

Il faut aussi s’assurer qu’elles restent à un niveau de charge acceptable. Or, c’est souvent très difficile d’y parvenir dans le noir, sachant que les deux engins dépendent de panneaux solaires qui cessent de fonctionner dans l’obscurité.

Des chances de survie très minces

Pour leur premier alunisseur, les ingénieurs de l’ISRO n’ont pas cherché à résoudre ces problèmes extrêmement épineux. Ils ont choisi de faire l’impasse sur les radiateurs nucléaires qui permettent à certains autres engins de survivre à ces nuits impitoyables. Vikram et Pragyan ne sont conçus pour durer qu’un seul jour lunaire.

Mais l’iSRO n’a pas complètement abandonné l’idée pour autant. Il reste une probabilité que les deux engins s’en sortent indemnes. Les opérateurs ont fait leur possible pour favoriser ce scénario. Le 2 septembre, après la validation des derniers objectifs opérationnels, Vikram et Pragyan ont été placés en coma artificiel pour recharger leurs batteries au maximum avant le crépuscule fatidique. Dans l’idéal, ils pourront ainsi reprendre du service au prochain lever de soleil, prévu le 22 septembre.

Les chances sont très minces, c’est indéniable ; mais cela vaut le coup d’essayer. S’ils parviennent à s’extraire de leur torpeur, l’ISRO pourra alors lancer une seconde campagne qui permettra de collecter deux fois plus de données que prévu.

Dans le cas contraire, cela ne sera pas dramatique. Chandrayaan-3 a déjà répondu aux attentes des ingénieurs, et se transformera en stèle à la mémoire de cette mission historique. Vikram et Pragyan « resteront sur place à tout jamais en tant qu’ambassadeurs lunaires de l’Inde », a déclaré l’ISRO sur X. Rendez-vous le 22 septembre pour connaître l’issue de cette hibernation à haut risque.

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