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NASA : un rapport accablant démonte le programme Mars Sample Return

Le programme de récupération des échantillons du rover Perseverance n’est pas prêt d’arriver à maturité, et la NASA va devoir mettre les bouchées doubles pour éviter un fiasco scientifique et financier.

Parmi toutes les missions d’exploration spatiales en cours de préparation, l’une des plus attendues est incontestablement Mars Sample Return (MSR). L’objectif de ce programme conjoint de la NASA et de l’ESA est de rapatrier les échantillons collectés par le rover Perseverance, qui recherche en ce moment des traces de vie sur Mars. Les chercheurs sont évidemment très enthousiasmés par cette échéance… mais pour le directoire de la NASA, cette mission commence à se transformer en immense casse-tête, surtout depuis la publication d’un nouveau rapport accablant la semaine dernière.

Le rapport en question est le fruit d’une enquête diligentée par la NASA elle-même. L’objectif est d’estimer la faisabilité du projet tel qu’il a été présenté jusqu’à présent, et la compatibilité du budget avec ces objectifs. C’est une démarche relativement courante ; l’agence fait souvent réaliser ce genre d’audit sur les programmes importants pour éviter des déconvenues une fois le projet bien avancé. Étant donné que Mars Sample Return s’annonce comme un défi d’ingénierie majeur, il n’a pas été épargné par ces démarches.

Un énorme défi technique

Pour rappel, le projet initialement annoncé consistait à envoyer deux véhicules distincts pour récupérer les échantillons en 2026. Le premier, c’est le Sample Retrieval Lander (SRL), un petit atterrisseur censé se poser dans la région explorée par Perseverance. Il devait y déployer un autre engin, le Sample Fetch Rover (SFR), censé récupérer les précieux échantillons scellés que son prédécesseur a laissés derrière lui.

Cet engin devait ensuite charger sa moisson à bord du Mars Ascent Vehicle, une petite fusée conçue pour se replacer en orbite de Mars incluse dans le SRL. Cette étape à elle seule demandera déjà de gros efforts d’ingénierie, sachant qu’aucun engin n’a jamais décollé depuis une autre planète à ce jour. Par la suite, le butin doit être transféré dans un autre véhicule, l’Earth Return Orbiter, pour qu’il puisse rentrer sur Terre.

Mais il s’est rapidement avéré que la NASA avait été trop ambitieuse. En 2022, une première commission a estimé que le calendrier et le budget n’étaient pas compatibles avec le programme tel qu’il avait été proposé. Les enquêteurs considéraient aussi que le fait d’envoyer le rover et le MRV à bord du même véhicule était à la fois trop risqué et peu pertinent (voir notre article).

La NASA a donc présenté des plans ajustés, cette fois subdivisés en deux lancements distincts. Le premier servira uniquement à envoyer le Mars Sample Rover. Le Mars Ascent Vehicle, de son côté, sera déployé plus tard. Une approche plus onéreuse dans l’absolu, mais aussi plus sûre et plus abordable en matière d’ingénierie, ce qui permet généralement d’éviter une explosion de la fracture en pratique.

Mais entre temps, le rover Perseverance et son compère de toujours, le petit hélicoptère Ingenuity, se sont avérés bien plus fiables que prévu. La NASA a donc continué de modifier ses plans en conséquence. En juillet 2022, elle a annoncé son intention de se passer complètement du Sample Fetch Rover. À la place, elle compte désormais sur Perseverance pour ramener lui-même les échantillons au Sample Retrieval Lander. À la place du SFR, l’atterrisseur pourrait embarquer deux petits hélicoptères calqués sur le modèle d’Ingenuity. Ils serviront de sécurité ; leur rôle serait de récupérer les échantillons si Perseverence rencontrait un pépin en cours de route.

« Un budget et un calendrier irréalistes »

Le souci, c’est que ces tergiversations dynamitent le coût et le calendrier du programme. Le verdict de la nouvelle commission qui a rendu son rapport la semaine dernière est assez sévère.

L’enquête a conclu que le budget débloqué par la NASA ne tient plus du tout la route, pas plus que le calendrier proposé. « Mars Sample Return a été établi avec un budget et un calendrier irréalistes. Il n’y a actuellement aucun calendrier, aucun planning technique ou budgétaire crédible et cohérent qui peut être réalisé avec le financement annoncé », explique la commission.

Concrètement, l’objectif 2026 qui avait déjà été décalé à 2028 est désormais repoussé à 2030 au plus tôt, comme cela avait déjà été pressenti par de nombreux spécialistes. Et forcément, cela aura un impact conséquent au niveau financier. Car dans ce contexte, chaque année de recherche et développement se chiffre en centaines de millions de dollars.

Résultat : le prix estimé, qui était de 4 milliards au tout début du projet, atteindrait désormais 8 milliards au minimum. Dans le pire des cas, il pourrait même gonfler au-delà des 11 milliards. Pour référence, c’est plus que le prix du James Webb Space Telescope qui est déjà en train de révolutionner l’astronomie en ce moment même. Une très mauvaise nouvelle pour la NASA, sachant qu’elle a déjà du mal à jongler avec son budget d’exploration planétaire en ce moment.

La NASA attendue au tournant

Même si les 16 membres de la commission reconnaissent que le plan actuel a été « construit avec intelligence », ils somment donc l’agence d’« examiner d’autres architectures potentielles pour déterminer quelles options offre la meilleure combinaison de robustesse technique et de respect du calendrier ».

Ils suggèrent par exemple d’abandonner certains des échantillons laissés sur la route par Perseverance. À la place, il pourrait être plus intéressant de se concentrer sur ceux qu’il collecte en ce moment dans le Cratère de Jezero, la cible prioritaire de sa mission. Selon les enquêteurs, ils présentent déjà « une diversité exceptionnelle » qui justifierait entièrement la mission Mars Sample Return.

Ils précisent aussi que le conteneur de récupération qui contiendra les échantillons devra absolument être finalisé aussi vite que possible. En effet, tous les autres véhicules de la mission seront construits autour de cet élément. Le moindre retard à ce niveau pourrait donc avoir de nouvelles répercussions catastrophiques sur le coût et le calendrier.

Et le temps presse, car en attendant, la grogne monte. Plusieurs équipes de la NASA s’inquiètent que Mars Sample Return commence à grignoter les fonds réservés à d’autres missions. Et surtout, le Sénat américain a déjà fait part de son scepticisme par rapport à l’explosion du coût. Selon The Planetary Society, il a même fait planer la menace d’une annulation complète.

Une issue qu’il faudra éviter à tout prix, car il s’agirait d’un immense désastre financier scientifique. Ces échantillons sont extrêmement précieux, et ce sacrifice réduirait aussi considérablement l’intérêt de la mission de Perseverance. Mais cela serait aussi problématique pour les perspectives d’avenir des sciences planétaires en général. « Une annulation pourrait remettre en question la faisabilité d’autres programmes ambitieux pour toute la communauté des sciences planétaires », conclut le rapport. Il sera donc très intéressant de voir comment la NASA va négocier ce virage difficile aux enjeux considérables.

Le texte du rapport est disponible à cette adresse (pdf).

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