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Le JWST détecte des éléments lourds après un cataclysme cosmique

Le télescope de la NASA a repéré des éléments lourds au cœur d’une gigantesque explosion qui a fait suite a la collision de deux étoiles à neutrons. Une observation qui conforte une grande théorie sur l’origine de la matière.

27En mars 2023, plusieurs télescopes ont repéré un immense sursaut gamma baptisé GRB 221009A qui a attiré l’attention de toute la communauté scientifique. De nombreuses équipes se sont ruées sur les télescopes de pointe pour analyser le signal. C’était notamment le cas d’Andrew Levan, de l’université néerlandaise de Radboud. Avec son équipe, il a utilisé le James Webb Space Telescope pour capturer une montagne de données sur lesquelles ils travaillent depuis plusieurs mois.

Ils ont déjà publié plusieurs études sur le sujet. Peu après l’observation initiale, ils ont étudié les nuances de cette immense décharge d’énergie. Quelques mois plus tard, en remontant à l’origine du phénomène, ils ont déterminé que le sursaut avait été produit par une kilonova — une immense explosion qui fait suite à la collision de deux étoiles à neutrons. C’était la première fois que le JWST assistait à ce genre de phénomène.

Et apparemment, l’équipe de Levan n’en a toujours pas fini avec ce cataclysme cosmique. Tout récemment, les astronomes ont publié un nouveau papier qui s’intéresse cette fois aux autres conséquences de cette kilonova.

Les étoiles, la forge de l’Univers

Et ces travaux contiennent une information de taille : le télescope a identifié un signal qui correspond à la formation d’éléments lourds. En d’autres termes, il a observé le fonctionnement d’une énorme forge cosmique qui joue un rôle très important dans la dynamique de l’Univers.

Plus précisément, les auteurs ont identifié du tellure. C’est un métal rare dont la présence est intéressante dans ce contexte. En effet, il est trop lourd pour être produit dans la fournaise des étoiles communes, comme notre Soleil. Selon les chercheurs, c’est la preuve définitive que les fusions d’étoiles à neutrons sont à l’origine des éléments les plus lourds du cosmos.

Cela fait des décennies que l’on sait que les étoiles sont à l’origine de presque tous les éléments de notre monde. À travers un processus appelé nucléosynthèse stellaire, elles puisent dans les abondantes réserves d’hydrogène laissées par le Big Bang pour créer de l’hélium à grands coups de fusion nucléaire. Il sert ensuite à former d’autres éléments de plus en plus lourds. Mais cette cascade de nucléosynthèse ne peut pas continuer indéfiniment. Les étoiles de la séquence principale, comme notre Soleil, s’arrêtent typiquement au fer.

Pour produire des éléments plus lourds, comme le tellure, il faut avoir accès à une quantité d’énergie absolument gigantesque. SI gigantesque, en fait, qu’elle ne peut émerger qu’à l’occasion de véritables cataclysmes cosmiques, comme des supernovas ou des kilonovas.

Des observations rares, mais très précieuses

Pour cette raison, les fusions d’étoiles à neutrons ont été identifiées comme les candidats les plus prometteurs pour la formation de ce matériel. En théorie, il s’agit des « cocotes minutes » idéales pour la création des éléments plus lourds que le fer.

Mais même si de nombreux indices pointaient dans cette direction, les astronomes ont eu toutes les peines du monde à le prouver rigoureusement. Le principal obstacle, c’est la difficulté d’observer ces kilonovas ; du point de vue de la Terre, elles sont extrêmement rares. De plus, les sursauts gamma qui trahissent parfois leur présence sont généralement très courts. Ils durent de quelques secondes à quelques minutes. Il n’est donc pas évident de les repérer et d’en déterminer l’origine.

« Ce type d’explosion est très rapide. Pendant que le nuage est en expansion, le matériel refroidit rapidement », indique Om Sharan Salafia, co-auteur de l’étude. Il devient donc moins brillant, et plus difficile à détecter pour les télescopes qui travaillent dans le domaine du visible… mais pas pour les capteurs infrarouges du JWST.

« Quand le matériel refroidit, le pic d’émission devient visible dans l’infrarouge, et il devient de plus en plus rouge au fil des jours et des semaines », explique-t-il. La scène se transforme donc en laboratoire à ciel ouvert pour les instruments du Webb. C’est ainsi que le télescope a pu confirmer que l’explosion était bien une supernova, grâce à sa NIRCam.

Depuis, les chercheurs ont surtout exploité les données d’un autre instrument : le NIRSpec. Plus qu’une simple caméra, il s’agit un spectromètre, un appareil qui peut déterminer la composition chimique d’un objet en fonction des propriétés de la lumière qu’il émet.

Une confirmation importante

C’est grâce à cet outil qu’ils ont pu confirmer la présence de tellure. Les chercheurs suspectent aussi la présence d’autres représentants de cette catégorie, comme le tungstène et le sélénium. Les données sont moins probantes pour ces deux derniers, mais la conclusion reste la même : le JWST a validé le rôle des étoiles à neutrons dans la production de ces éléments lourds. C’est une confirmation importante pour la cohérence des modèles cosmologiques modernes.

« 150 après que Dmitri Mendeleïev ait établi son tableau périodique des éléments, nous sommes enfin prêts à remplir les dernières lacunes dans notre compréhension de l’origine de la matière de l’Univers, grâce au Webb », se réjouit Levan dans un billet de l’ESA.

La chasse est ouverte

Mais l’équation n’est pas encore tout à fait complète pour autant. Désormais, l’enjeu sera de déterminer si toutes les kilonovas sont susceptibles de produire ce matériel. En effet, il pourrait aussi s’agir d’un cas particulier lié aux propriétés exceptionnelles de cet événement qui a produit un sursaut gamma dantesque. Il faudra donc dénicher d’autres sursauts gamma de cette catégorie pour avoir une idée plus claire de la situation.

« Jusqu’à tout récemment, nous ne savions pas que ces fusions pouvaient donner lieu à des sursauts gamma de plus de deux secondes. Cette découverte a ouvert la porte à de grands bouleversements dans notre compréhension de l’Univers et de son fonctionnement », résume Ben Gompertz, un autre astronome associé à l’étude.

Mais les chercheurs sont confiants. Ils espèrent qu’en étudiant des fusions encore plus énergétiques, ils pourraient même remonter à la source d’autres éléments encore plus lourds. Cela représenterait un progrès tout aussi saisissant. « La prochaine étape sera d’en trouver davantage pour mieux comprendre ce qui les alimente – et s’ils sont associés à la vormation d’éléments encore plus lourds », conclut-il.

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