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Surprise : l’Étoile de la Mort de Saturne abrite un énorme océan souterrain

Grâce aux contributions de la regrettée sonde Cassini, des chercheurs français ont pu résoudre cette énigme qui turlupinait les astronomes depuis une quinzaine d’années.

Mimas se distingue des 145 autres lunes de Saturne par son apparence ; elle présente un énorme cratère d’environ 130 km de diamètre qui la fait ressembler à l’Étoile de la Mort, la célèbre station spatiale militaire de la franchise Star Wars. Mais tout récemment, des astronomes y ont fait une autre découverte qui l’a rendue encore plus intéressante : il est fort probable qu’un océan se cache sous son épaisse croûte de glace.

C’est une trouvaille assez incroyable pour les astronomes, car jusqu’à présent, personne ne s’attendait à ce qu’elle puisse héberger de l’eau liquide. Valery Lainey, chercheur à l’Observatoire de Paris et co-auteur de ces travaux, estime même qu’il s’agit d’une découverte « stupéfiante ». En effet, il a fallu un peu de chance, beaucoup de persévérance et des années d’investigation pour mettre la main sur ce trésor caché.

Tout a commencé en 2010 avec l’illustre Cassini, la célèbre sonde de la NASA qui étudiait Saturne et ses lunes entre 2004 et 2017, la date de son grand plongeon final dans les entrailles de la géante gazeuse.

L’équipe de recherche s’intéressait à la Division de Cassini, une région presque vide qui sépare les anneaux de la géante gazeuse en deux groupes distincts. À l’époque, l’origine de cette division n’était pas encore claire ; les chercheurs supposaient qu’elle pourrait justement être creusée par l’influence gravitationnelle de Mimas, ou plus précisément par un changement dans les paramètres de son orbite.

Deux hypothèses contradictoires

Les astronomes ont donc collecté des tas de données pour vérifier cette hypothèse. Et en analysant les résultats, ils ont observé d’étranges oscillations dans la rotation du satellite. Il n’y avait que deux explications compatibles avec les observations : soit le cœur rocheux de Mimas avait une forme particulièrement étrange, soit sa croûte de glace était en train de glisser sur une vaste couche de liquide.

Or, à l’époque, cette deuxième hypothèse semblait hautement improbable. En effet, Mimas est un petit objet qui semble extrêmement froid, et surtout dépourvu d’activité géologique. À ce titre, elle semblait donc très différente de sa cousine Encelade, une autre lune de Saturne qui est célèbre pour son activité cryovolcanique. Cette dernière éjecte régulièrement de grands panaches d’eau, de poussière et de glace. En revanche, personne n’a jamais observé ce genre de phénomène sur Mimas.

Une représentation des panaches cryovolcaniques d’Encelade. © NASA/JPL-Caltech

Le sobriquet d’Étoile de la mort était donc d’autant plus approprié ; tout indiquait que le cœur de Mimas était pratiquement inerte, sans activité géophysique susceptible de fournir une chaleur suffisante pour faire fondre la glace.

Cette interprétation était encore renforcée par son apparence. Lorsqu’un corps céleste est actif, c’est-à-dire que différents mécanismes tectoniques ou hydrologiques entrent en jeu, sa surface a tendance à être relativement régulière, car elle est renouvelée régulièrement (toutes proportions gardées). Les cratères n’ont pas le temps de s’accumuler. On le constate par exemple sur Encelade, où le cryovolcanisme dépose régulièrement des couches de neige fraîche. Mais sur Mimas, c’est tout le contraire. Elle est constellée de cratères, ce qui suggère fortement que sa surface a cessé d’évoluer il y a très longtemps.

Une écrasante majorité des chercheurs privilégiaient donc l’hypothèse du cœur rocheux. Mais cette piste n’était pas non plus entièrement satisfaisante. En effet, pour coller aux observations, cette structure centrale devrait être relativement plate et allongée, ce qui serait très étonnant. Frustrés, les chercheurs ont donc cherché un moyen de faire la part des choses.

Une histoire de trajectoire

La clé du mystère est arrivée lorsque l’équipe a commencé à se pencher non plus sur la rotation de Mimas, mais sur les subtiles variations de sa trajectoire autour de Saturne. Plus spécifiquement, c’est précession de son plan orbital qui a trahi la présence de l’océan. Les orbites elliptiques comme celle de Mimas autour de Saturne ne sont pas parfaitement fixes ; au fil du temps, elles tournent lentement autour du corps parent tout en restant dans le même plan, comme dans le troisième exemple à droite de cette vidéo.

La vitesse théorique de cette précession dépend de la structure interne de la planète. En comparant la trajectoire calculée à l’aide des observations de Cassini à des simulations des deux théories, l’équipe a finalement pu écarter la piste du cœur allongé, et conclure avec un très haut degré de certitude que Mimas abrite bel et bien un océan souterrain.

Grâce à ces données, les chercheurs ont aussi pu estimer l’âge et le volume de cette étendue d’eau. Et là encore, de sacrées surprises les attendaient. Mimas serait constitué d’au moins 50 % d’eau liquide, ce qui est assez énorme pour un corps céleste de cette taille. Et surtout, il serait particulièrement jeune. L’étude a conclu qu’il serait âgé de 25 millions d’années au maximum. Une broutille par rapport à l’âge du système solaire (un peu plus de 4,5 milliards d’années).

Un massage gravitationnel dispensé par Saturne

Reste encore à savoir comment s’est formé cet océan. Les chercheurs estiment que le processus aurait démarré lorsque l’orbite de Mimas a été perturbée par les forces gravitationnelles de deux autres lunes de Saturne, Encelade et Téthys.

Il ya une cinquantaine de millions d’années, sa trajectoire circulaire serait soudainement devenue plus elliptique, avec des phases où elle est très éloignée de la planète et d’autres où elle passe beaucoup plus près qu’auparavant. Or, cette distance affecte l’influence gravitationnelle exercée par Saturne elle-même. À cause de sa masse énorme, cette dernière déforme progressivement Mimas lorsqu’elle s’en approche. Le satellite revient ensuite à sa forme originale lorsqu’il s’en éloigne, et ainsi de suite.

Ces cycles ont eu pour effet de générer une friction entre le manteau de glace et le cœur rocheux. Or, cette friction génère de la chaleur, exactement comme nos mains lorsqu’on les frotte pour se réchauffer en plein hiver. Cette énergie aurait donc contribué à faire fondre progressivement cette masse solide, faisant apparaître ce grand océan souterrain.

Un nouveau candidat pour la recherche de vie extraterrestre

Jusqu’à présent, Mimas n’était pas une cible prioritaire pour les futurs programmes d’exploration. Mais cette étude pourrait complètement changer la donne. En effet, ces interactions entre la roche et la glace sont suspectées d’avoir joué un rôle important dans l’émergence de la vie sur Terre.

Au même titre qu’Encelade, Mimas est donc soudainement devenue une candidate pour la recherche de traces de vie extraterrestres. Et la bonne nouvelle, c’est que les missions qui poursuivront cet objectif auront une formidable occasion de faire d’une pierre deux coups, étant donné qu’Encelade et Mimas sont de proches voisines.

À court et moyen terme, la priorité de la NASA reste l’exploration martienne. Mais sur les prochaines décennies, il sera très intéressant de suivre les différents programmes qui partiront à la conquête de ces mondes gelés.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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Source : Nature

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