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Des chercheurs développent une méthode « miracle » pour recycler le béton

Utilisée à grande échelle, cette technique pourrait aider à réduire massivement l’impact désastreux de cette industrie sur le réchauffement climatique.

Des chercheurs de la prestigieuse université de Cambridge ont développé une nouvelle solution pour « recycler » le béton et produire de l’acier avec un impact environnemental extrêmement faible. Un procédé qui, s’il était employé à grande échelle, pourrait faire une différence énorme dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Avec plusieurs milliards de tonnes par an, le béton est aujourd’hui le matériau le plus produit sur Terre. Depuis la révolution industrielle, il a complètement transformé le visage de notre planète, pour le meilleur et pour le pire. Car s’il a permis à d’innombrables pays de développer leur infrastructure, il est aussi très problématique au niveau environnemental. En effet, la production du béton est une source majeure de dioxyde de carbone ; le ciment, l’un de ses principaux constituants, représente à lui seul environ 8 % des émissions de CO2 mondiales — plus du double de l’aviation !

Malheureusement, il est pratiquement impossible de s’en passer aujourd’hui. De nombreux laboratoires travaillent donc sur des techniques alternatives pour limiter l’impact environnemental de cette industrie. Et c’est ce qu’une équipe de Cambridge estime avoir accompli grâce à un procédé de recyclage ingénieux, qui se déroule dans un haut fourneau conçu pour produire de l’acier.

Produire du ciment par un procédé métallurgique

Il existe plusieurs procédés pour produire de l’acier; l’une d’entre elles se déroule dans des fourneaux électriques appelés fours à arc. On y dépose du fer avant de le faire fondre grâce à un puissant courant électrique qui circule entre deux électrodes de graphite. Pour retirer les impuretés du métal, on y ajoute un matériau de flux, généralement de la chaux. Pendant la fonte, elle remonte à la surface en capturant divers éléments indésirables, puis forme une couche solide. On obtient alors ce qu’on appelle des scories, des déchets de l’industrie métallurgique qui sont le plus souvent inutilisables.

Acier Fourneau à Arc
© yasin hemmati – Unsplash

Or, d’après l’étude des chercheurs publiée dans la prestigieuse revue Nature, la chaux peut aussi être remplacée par du ciment usagé dans ce processus. En effet, les deux sont assez similaires au niveau chimique, puisqu’ils sont majoritairement constitués d’oxyde de calcium de formule brute CaO. Au lieu des scories, on obtient alors du ciment recyclé qui peut à nouveau être utilisé pour produire du béton !

Une méthode « miracle »

Toujours selon les chercheurs, cette méthode est tout aussi efficace pour purifier l’acier. En outre, elle produit du ciment aux performances très proches de celui que l’on obtient avec la méthode traditionnelle. Cette dernière consiste à broyer une poudre de calcaire et d’argile avant de la calciner dans un fourneau pour produire du clinker, qui est ensuite broyé à nouveau avec d’autres additifs pour produire le ciment. Cette étape, appelée clinkérisation, nécessite énormément d’énergie, et la réaction rejette aussi des quantités massives de dioxyde de carbone.

En évitant d’y avoir recours, on obtient donc un processus moins énergivore et on réduit significativement les émissions de CO₂. Avec une source d’énergie verte, les chercheurs affirment même qu’il serait possible de produire du « ciment zéro émissions ». Un « miracle absolu », selon le communiqué de l’équipe. La cerise sur le gâteau, c’est que cette technique n’augmente apparemment pas le coût de production du ciment ou de l’acier – un facteur absolument crucial pour espérer une application à grande échelle.

Tout l’enjeu sera désormais de réussir à utiliser cette technique à l’échelle industrielle. Jusqu’à présent, les chercheurs de Cambridge ont déjà testé le concept dans des fourneaux expérimentaux qui produisent quelques dizaines de kilogrammes de ciment par fournée, et les résultats ont apparemment été très satisfaisants. Désormais, ils se préparent à le tester dans un fourneau industriel qui, sur le papier, pourrait produire environ 66 tonnes de ciment « neutre » en deux heures. En cas de succès, ils estiment pouvoir procéder à une montée en échelle massive pour produire jusqu’à un milliard de tonnes par an d’ici 2050.

Pas une solution sur le long terme

Mais les chercheurs insistent aussi sur le fait que même si cette technique fonctionne, il ne s’agit pas d’une solution viable sur le long terme. « Produire du ciment zéro émissions est un miracle absolu, mais nous devons aussi réduire la quantité de ciment et de béton que nous utilisons », martèle Julian Allwood, un des auteurs de l’étude. « C’est un matériau peu cher, résistant et facile à produire, mais nous en utilisons beaucoup trop. Nous pourrions réduire massivement notre dépendance au béton en utilisant d’autres matériaux sans aucune concession en termes de sécurité, mais il faudra une vraie volonté politique pour y parvenir », conclut-il.

En attendant, les chercheurs ont tout de même déposé un brevet pour faciliter la commercialisation de cette technologie. Il sera donc intéressant de voir si elle gagnera en traction sur les prochaines décennies. Elle ne va certainement pas inverser la courbe du réchauffement climatique à elle toute seule, mais dans le contexte actuel où tous les progrès sont bons à prendre, il s’agirait déjà d’un pas en avant intéressant.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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6 commentaires
  1. On sait faire du béton vert mais personne ne veut l’acheter à cause du prix, le recyclage est en effet un problème mais le plus gros problème c’est que le béton et presque tous les trucs liés à la construction nécessite de l’eau.
    Hors dans un monde où la ressource devient rare ça devient un sérieux problème, dans les îles c’est un problème insoluble, à Mayotte la construction a même dû s’arrêter faute de pouvoir mélanger le béton à l’eau vu qu’il n’y en avait plus même pour les habitants durant la dernière sécheresse. Et là-bas il y’a des villes bidonvilles tellement il manque de logements.
    L’eau la plus présente sur Terre est l’eau salée, et si le mélange est possible le problème c’est que ça tient pas dans le temps d’après les tests qui ont été fait, le sel qui y est présent abîme la dureté en disparaissant sous l’effet de la pluie, ça devient une sorte de gruyère, du coup la seule solution si on reste sur le béton c’est le recyclage de l’eau de mer mais ça veut dire une explosion des coûts.
    Donc on peut s’avancer à dire qu’on est pas prêt de voir la fin de la crise du logement et des appartements abordables…

  2. Les romains faisaient un béton non armé et auto réparant qui dure des siècles. On a des constructions romaines debout depuis 2000 ans.
    Donc déjà, on pourrait fabriquer des structures qui ne tombent pas en morceaux après 50 ans en utilisant leur recette.
    Cherchez futura science 67855 sur Google…
    Si on ne fait pas du jetable, on est déjà plus durable.

    1. Le béton romain n’a pas de meilleures caractéristiques que le béton de ciment actuel, voire même des qualités moindres, une structure en béton moderne ne tombe pas en morceaux après 50 ans, sauf si c’est du béton armé et que les armatures en aciers ont été mal protégées et trop près des surfaces.

    2. Le béton romain est un béton d’origine naturel mais il est extrêmement rare. Impossible de s’en contenter.

    3. On appel ça le biais du survivant.
      Si le “béton” romain était si solide, ou sont donc toutes les villes Romaines?
      Effectivement, ils avaient une recette de béton a leurs époque, mais pas forcément plus résistante que les bétons actuel

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