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Hubble : le légendaire télescope est (encore) en coma artificiel, et ça sent le roussi

La défaillance d’un quatrième gyroscope nous rappelle que ce vieil observatoire ne sera pas éternel, et qu’il est urgent de lui trouver un successeur digne de ce nom au cas où il tirerait sa révérence une fois pour toutes.

Dans la nuit du 3 au 4 juin, la NASA a invité les médias à une conférence de presse qui se déroulera ce soir à 22 h (heure française), afin de donner des nouvelles du vénérable télescope Hubble. Aucun détail précis ne semble avoir filtré sur la nature de ces annonces. Mais le timing suggère que les nouvelles ne seront pas particulièrement réjouissantes, sachant qu’Hubble est passé en coma artificiel depuis une grosse semaine suite à la défaillance d’un de ses précieux gyroscopes.

Pour resituer le contexte, ces composants sont des organes vitaux qui permettent à l’observatoire de mesurer sa vitesse de rotation ; sans eux, il serait incapable de s’orienter et de rester pointé vers sa cible pour l’observer correctement.

Des problèmes de gyroscope récurrents

Malheureusement, aucun composant n’est infaillible, et cela vaut aussi pour ses 6 gyroscopes ultrasensibles. Ils ont déjà flanché à plusieurs reprises pendant la carrière du télescope. Chacun de ces instruments est placé dans un cylindre métallique lui-même immergé dans un liquide épais pour l’isoler des vibrations. Ce fluide est mis en mouvement à l’aide d’un système hydraulique alimenté par de l’oxygène liquide, et la présence de ce gaz a malheureusement provoqué une corrosion qui a d’abord endommagé le câblage électrique.

Heureusement, Hubble est positionné en orbite terrestre basse, à environ 550 kilomètres du niveau de la mer. Cela signifie que contrairement au James Webb Space Telescope, dont le perchoir au point de Lagrange L2 est pratiquement inaccessible, il est techniquement possible de l’entretenir. En 2009, la NASA est donc partie à sa rencontre pour le dorloter une dernière fois lors de la Service Mission 4, la toute dernière mission de maintenance prévue durant son cycle de vie.

Pour l’occasion, les astronautes lui ont installé six gyroscopes flambants neufs. Ils étaient basés sur un nouveau modèle où l’oxygène a été remplacé par de l’azote, un gaz neutre qui n’induit pas de corrosion. A l’époque, les ingénieurs avaient estimé qu’ils dureraient probablement jusqu’en 2016.

Et sans surprise, trois de ces nouveaux gyroscopes ont fini par rendre l’âme à leur tour. Plus récemment, en avril dernier, un des trois derniers gyroscopes a aussi montré des signes de faiblesse. La NASA a heureusement réussi à le récupérer, mais ce nouveau pépin montre bien que les jours de ces composants sont comptés. Une situation tout sauf idéale, car Hubble ne peut plus fonctionner de manière optimale avec moins de trois gyroscopes.

Un dinosaure irremplaçable, pour le moment

La bonne nouvelle, c’est qu’à moins d’une défaillance critique, Hubble ne va pas être abandonné du jour au lendemain. L’engin est techniquement capable de travailler avec seulement un ou deux gyroscopes, grâce à ce que la NASA appelle le One-Gyro Mode. En revanche, cela implique de sacrifier une part considérable de sa flexibilité (et donc de son potentiel scientifique). Il s’agirait donc d’une issue regrettable, car en dépit de son âge, il reste un outil très précieux.

Les télescopes spatiaux de pointe ont tous des spécialités différentes ; Fermi et le James Webb, par exemple, sont respectivement spécialisés dans les rayons gamma et l’infrarouge. Or, à l’heure actuelle, aucun autre observatoire spatial n’est capable de travailler dans le domaine du visible et de l’ultraviolet avec le même niveau de précision qu’Hubble. Même handicapé, il reste irremplaçable pour le moment. Pour l’instant, l’agence n’a donc jamais officiellement envisagé de le mettre à la retraite prématurément, et semble toujours déterminée à l’exploiter aussi longtemps que possible.

Un rendu du Nancy Grace Roman Space Telescope
Le Nancy Grace Roman pourrait assumer une partie des responsabilités d’Hubble à partir de 2027, mais il ne pourra en aucun cas le remplacer entièrement. © NASA / Goddard Space Flight Center Scientific Visualization Studio

C’est d’autant plus important qu’aucun vrai successeur n’arrivera avant de longues années. Pour bénéficier d’un nouveau télescope aussi polyvalent, il faudra attendre le LUVOIR, un projet d’observatoire pas encore validé qui ne décollerait pas avant 2039 au plus tôt. Certes, le télescope Nancy Grace Roman, qui va rapporter un véritable « torrent de données » à partir de 2027, pourrait une partie de ses responsabilités. Mais il sera tout de même incapable de combler le vide laissé par Hubble.

La suite des événements dépendra entièrement de l’état du gyroscope récalcitrant. Avec un peu de chance, la NASA réussira à remettre le troisième gyroscope en route comme en avril dernier pour que le télescope puisse reprendre du service. Mais dans le cas contraire, il faudra sans doute le placer définitivement en One-Gyro Mode, avec tout ce que cela implique pour ses prochaines observations.

Il ne reste donc plus qu’à croiser les doigts pour que notre dinosaure préféré puisse continuer de faire son office pendant au moins quelques années supplémentaires. Rendez-vous ce soir à 22 h sur le site de la NASA pour les premiers éléments de réponse, en espérant que l’agence ait de bonnes nouvelles à nous annoncer.

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Source : Phys.org

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