Passer au contenu

Critique Karaté Kid — Legends : coup de pied mal placé

13 ans après sa dernière incursion au cinéma, Karaté Kid revient avec un film qui veut unir les deux sagas et surfer sur la vague Cobra Kai. KO technique ou victoire indéniable ? Critique.

Le succès de Cobra Kai sur YouTube puis Netflix n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Plus d’une décennie après l’échec du reboot porté par Jackie Chan et Jaden Smith, Sony Pictures a pris l’intérêt pour les nouvelles aventures de Johnny Lawrence et Daniel LaRusso comme le signal qu’il était enfin l’heure de dépoussiérer sa saga d’action pour lui offrir une nouvelle renaissance. Après tout, ça marche toujours la nostalgie non ?

À cheval entre deux sagas

Après une tragédie, le jeune Li Fong quitte Beijing pour s’installer à New York avec sa mère. Cette dernière espère que, loin de son mentor M.Han, l’adolescent abandonnera le kung-fu et se concentrera sur des loisirs moins dangereux.

Mais dans la ville qui ne dort jamais, il fait la rencontre du patron d’une pizzeria qui pourrait bien avoir besoin de ses connaissances en arts martiaux pour se sortir d’un mauvais pas. Avec l’aide de M.Han (Jackie Chan) et Daniel LaRusso (Ralph Macchio), Li va apprendre à combiner les techniques du kung-fu et celles du karaté de Miyagi-Do pour devenir imbattable.

Critique Karate Kid Legends Cinéma 2
© Sony Pictures

Le film de Jonathan Entwistle a plus d’une mission à remplir pour installer ce qui pourrait devenir une nouvelle saga Karate Kid. D’abord, il doit introduire un nouveau héros campé par Ben Wang. Dans le même temps, il lui faut réunir les mythologies de la saga originelle et du soft reboot de 2010. Pour cela, il compte sur le scénario de Rob Lieber. Auteur qui a livré quelques films oubliables, tels que Pierre Lapin ou Chair de Poule 2.

Oubliez en revanche Cobra Kai :  le film prend ses distances, sans doute pour ne pas interférer avec la fin de la série. Elle n’était pas terminée au moment du tournage et ses créateurs pourraient vouloir poursuivre le voyage au travers de spin-offs si l’occasion se présente. C’est bien dommage, tant tout ce que la série réussissait, ce nouveau volet de la saga le rate… lamentablement.

On n’en a rien à cirer…

…Et le scénariste non plus. Imaginez tous les clichés d’un film d’art martiaux qui vous viennent en tête, ajoutez une touche de nostalgie malvenue et saupoudrez le tout de personnages plus archétypaux les uns que les autres et vous obtenez une mélasse où l’ennui est l’ingrédient principal. Karate Kid Legends n’a rien de légendaire, il se contente de ressasser des motifs déjà largement exploités par ses aînés.

Un tournoi, une histoire d’amour dérangée par un conflit qui sera réglé avec un rendez-vous sur les toits de New York, Karate Kid Legends coche toutes les cases, mais tombe inlassablement à côté de la plaque. La faute à un récit qui ne prend jamais le temps de donner de l’épaisseur à ses enjeux et ses personnages.

Critique Karate Kid Legends Cinéma 4
© Sony Pictures

Le film se contente de quelques scènes flashback pour expliquer le traumatisme de son héros. Des morceaux de vie illustrés au moyen de ralentis, de musiques dramatiques et de battement de cœur avec des cris assourdis. On pensait que le 7e art, et plus particulièrement la licence avait dépassé ce cap, il faut croire que Legends n’a pas peur d’en faire trop.

Frapper mou

Le film recycle ces recettes sans jamais les assumer pleinement. La rivalité amoureuse est écrite comme un soap de seconde zone, la scène du tournoi est prévisible au plan près, et même l’entraînement du héros se résume à une succession de montages interchangeables. Le jeune Ben Wang fait comme il peut pour faire vivre son héros, mais est entravé par un scénario indigent autant qu’une galerie de personnages secondaires plus fades les uns que les autres.

La palme revient sans surprise à Connor Day, copie frelatée de Johnny Lawrence. Ex-petit ami de la nouvelle copine du héros, brute épaisse qui harcèle ses camarades à l’école et élève d’un Senseï violent… Ça ne vous rappelle rien ? Là où le premier film se laissait le temps de construire Johnny Lawrence en opposition avec LaRusso, en immortalisant la maltraitance de Kreese autant que la difficulté pour le personnage à trouver sa place autrement qu’avec des poings, ce film n’a que faire de son parcours.

Un vrai problème de rythme alors que le métrage met près d’une heure à installer son combat. La première moitié du film est consacrée à l’apprentissage des rudiments du Kung-Fu par Li au patron de la pizzeria et bientôt beau-père. Le reste du temps, Legends se contente de compiler les séquences musicales dignes des clips MTV et leurs transitions esthétiques certes… mais franchement stériles. Un artifice pour remplir le vide abyssal de l’intrigue, comme agiter un hochet devant les yeux des spectateurs.

Critique Karate Kid Legends Cinéma 5
© Sony Pictures

Même à l’approche de son climax, et alors que toute la tension devrait être mise au profit du championnat qui doit sacrer Li au rang de légende du karaté, le film continue d’avancer à la vitesse de l’éclair et avec la subtilité d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Et que dire des deux vedettes invitées à prendre part au récit, campées par Ralph Macchio et Jackie Chan ? Cautions comiques du récit, Mr Han et Daniel LaRusso sont en sous-régime dans ce film qui aurait pu leur offrir une opportunité d’inscrire un peu plus leurs personnages dans la légende. Si Jackie Chan reste solaire et attachant, il doit plus cette sympathie à sa propre personnalité qu’à l’écriture de son personnage. Même son de cloche pour Ralph Macchio, que la série Cobra Kai avait mieux servi.

Ce qui sauve (un peu) le film

Mais une fois la déception du récit passée, et parce que c’est aussi pour ça que l’on est là, que valent les bastons de ce nouvel opus ? Dans l’ensemble, Jonathan Entwhistle ne s’en sort pas si mal. Bien aidé par des effets de style et de montage bienvenus, Karate Kid : Legends a quelques scènes enthousiasmantes, dans une ruelle mal éclairée autant que pour son l’affrontement final. On apprécie aussi les chorégraphies de combat, qui permettent d’apporter un semblant d’énergie à ce projet. Et c’est d’ailleurs ici que Karate Kid : Legends frustre le plus, il aurait pu être un divertissement plaisant s’il n’était pas trop occupé remplir un lourd cahier des charges pour contenter les nouveaux spectateurs autant que les anciens.

Critique Karate Kid Legends Cinéma 6
© Sony Pictures

Mais c’est pour qui ?

Justement, si les spectateurs n’ayant jamais posé les yeux sur Karate Kid ou Cobra Kai pourraient se laisser séduire sur le papier, se déplaceront-ils en salles pour découvrir un énième projet autour d’une licence oubliée ? À l’heure où l’on écrit ses lignes, Karate Kid : Legends sorti en mai aux États-Unis n’a rapporté que 106 millions de dollars, dont 52, sur son marché d’origine. Un triste score au regard des recettes générées par The Karate Kid en 2010 (359 millions), mais qui pourrait faire de ce nouveau volet une réussite commerciale modeste, puisqu’il n’a coûté que 45 millions de dollars selon les estimations.

Il reste aussi la question du streaming et du partenariat entre Sony Pictures et Netflix. Aux États-Unis, l’arrivée prochaine du métrage au catalogue de la plateforme est déjà annoncée. Elle doit intervenir en septembre. Une occasion pour le studio de rentrer dans ses frais et de profiter un peu plus du succès d’estime de Cobra Kai pour attirer les regards. C’est sans doute d’ailleurs en streaming que le véritable intérêt du public pour la franchise sera mesuré, quand un visionnage de la série pourra être accompagné de celui du film.

On retient quoi ?

À l’heure du bilan, on se dit simplement que Legends est un film prétexte, destiné à faire vivre les propriétés intellectuelles si chères à l’industrie cinématographique. On se contentera donc d’une énième aventure d’outsider destiné à de grandes choses, d’un projet qui ne frappe jamais fort et jamais au bon endroit. Karaté Kid premier du nom faisait mieux, Cobra Kai aussi et on se surprend à vouloir revoir les deux…

Alors, on ne joue pas à la comparaison. Cobra Kai avait aussi la fâcheuse tendance de s’engouffrer dans le cliché et le prévisible, mais la série le faisait avec plu de panache et d’espace. On ne dira pas non plus que Karaté Kid n’a jamais été aussi bien que quand il s’appelait seulement Karaté Kid, on dira simplement qu’au rayon des reboots récents, Legends ne remporte pas le tournoi. Il manque de punch et sonne comme un coup de pied illégal dans le culte.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités et sur notre WhatsApp. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

Mode