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Entretien avec Ken Levine : « Nous avons cherché de nouvelles influences, dans la littérature, le cinéma. »

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De passage à Paris lors de la sortie de BioShock : Infinite, Ken Levine, co-fondateur du studio Irrational Games, a bien voulu causer avec nous narration…

De passage à Paris lors de la sortie de BioShock : Infinite, Ken Levine, co-fondateur du studio Irrational Games, a bien voulu causer avec nous narration et personnages de jeu vidéo.

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Les histoires dans le jeu vidéo sont souvent pleines de clichés insupportables, ou alors elles sont trop complexes et incompréhensibles. Pourquoi est-il si difficile de trouver un bon scénario de jeu vidéo ?

K.L. : Le principal problème vient du fait que peu de gens comprennent comment et autour de quoi s’articule un jeu vidéo. C’est une approche particulière. Quand on a créé Irrational Games, nous ne voulions pas tomber dans le piège habituel du jeu/cinématique, cinématique/ jeu, etc. C’était une véritable mission que nous nous imposions, et c’est vraiment ce que l’on a essayé de faire sur BioShock ou System Shock. Montrer qu’il y a un continuum dans tout ça, que c’est un écosystème.

Donc, comme je vous le disais, il y a une part liée à l’inexpérience. Vous pouvez prendre des scénaristes de la télévision, même des très bons, s’ils ne connaissent pas quelles sont les exigences de la narration dans le jeu vidéo, s’ils ne connaissent pas la structure de narration… ils vont peut-être écrire des trucs géniaux mais ce sera infaisable ! Dans d’autres cas, dans d’autres boites, le scénariste, c’est celui qui doit rendre des comptes à tous les étages, et c’est difficile de lier les desiderata de chacun de façon harmonieuse.

Vous devez aussi prendre en compte les attentes des gens. Vous voyez les références habituelles, les aliens, les zombies… il n’y a aucun problème avec ça, mais le champ des possibilités est limité. À Irrational, nous avons cherché de nouvelles influences, dans la littérature, le cinéma. Vous vous souvenez de La Ferme des animaux (NDLR : de George Orwell) ? Eh bien, vous pouvez le lire comme une gentille petite fable à propos de cochons et de chevaux. Et puis vous pouvez le relire, et vous rendre compte que c’est une allégorie du système politique, comment tout ça marche, et c’est brillant ! Je pense qu’il est possible, et même souhaitable de proposer plusieurs niveaux de lectures.

Pourquoi, avec toute la technologie qu’on a aujourd’hui, on a encore du mal à produire des personnages qui ont l’air un tant soit peu vivants ?

K.L. : Il y a quand même un souci technique. C’est difficile de créer un personnage de jeu vidéo qui a l’air authentique et romantique dans une situation amoureuse ou charnelle, par exemple. Vous mettez Élisabeth dans une chambre, il faut développer ses moindres faits et gestes. Vous mettez une actrice dans une chambre, vous lui dites de regarder autour, d’explorer la chambre, elle va le faire naturellement, vous n’avez pas besoin de lui en dire plus. Un personnage artificiel n’a aucune idée de ce qu’il faut faire.

Le challenge c’est de faire croire au spectateur qu’il y a ce lien, cette crédibilité, mais si vous ne faites pas attention… Cela me fait penser au film Team America, réalisé avec des marionnettes. Y a cette scène d’amour… totalement ridicule !

Le héros de jeu vidéo est toujours sans peur, physiquement très fort. Est-ce qu’un jour on aura la chance de jouer un infirme ou un malade mental ? Avec ce que cela impliquerait sur les mécaniques de jeu.

K.L. : Disons que l’on peut déjà jouer sur les différents sets de traits, les types de force. Dans tel jeu vous allez incarner un héros puissant, dans un autre, ce sera un héros très agile. Bon, ils sont souvent au-dessus de la moyenne, c’est sûr. Mais vous pouvez jouer aussi sur d’autres niveaux comme sur l’environnement. Dans la série System Shock, on plongeait notre personnage dans un univers extrêmement hostile, ce qui lui attribuait une certaine fragilité malgré tout.

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