Nous savons désormais comment les araignées construisent leurs toiles

Si vous avez déjà observé une araignée tisser sa toile, vous savez qu’elles ne se contentent pas  de produire un filin, puis de le tirer jusqu’à un autre emplacement. Pour produire ces bijoux d’architecture et d’ingénierie animale, l’évolution a doté nos amies à huit pattes d’une expertise fascinante. Et grâce à un système basé sur l’intelligence artificielle, des chercheurs sont parvenus à percer les secrets de ce savoir-faire si mystérieux.

Tout commence à l’université John Hopkins, aux États-Unis. C’est le repaire d’ Andrew Gordus, un biologiste comportemental qui s’est pris d’amour pour ces édifices de soie. ”Si vous voyez un chimpanzé construire un tel édifice, vous vous diriez que c’est un singe très impressionnant. Et bien c’est encore plus impressionnant pour les araignées, qui disposent d’un tout petit cerveau”. Frustré de ne pas en savoir plus sur ce comportement remarquable, le chercheur s’est mis une idée en tête : proposer un algorithme qui permette de définir tout le protocole de construction de la toile.

Un secret bien gardé

Ils ont choisi une araignée orbitèle (de la famille des “orb weavers“), lointaine cousine de l’araignée Joro qui pullule en ce moment en Géorgie. C’est une petite espèce qui construit des toiles circulaires au motif géométrique très reconnaissable.  Pour récupérer autant de données que possible, Gordus et son équipe ont disposé plusieurs spécimens dans une enceinte spécialisée. Celle-ci était notamment équipée de lumières et de caméras infrarouges; cela permet de les observer sans lumière naturelle, et donc d’éviter de les déranger pendant leur travail d’orfèvre.

Grâce à ce dispositif, ils ont enregistré le travail de six araignées différentes chaque nuit sur aîné durée prolongée. Au bout du compte, ils ont obtenu des enregistrements de plusieurs millions de mouvements de pattes. D’autres études étaient déjà parvenues à ce stade, mais s’étaient retrouvées coincées devant la quantité de données. “C’est bien trop volumineux pour tout passer en revue image par image”, explique Gordus. Mais fort heureusement, ils disposent d’un atout de poids : l’intelligence artificielle.

Une chorégraphie gravée dans le cerveau

Ils ont donc développé puis entraîné un programme capable de repérer les mouvements des pattes; cela leur a permis de construire un atlas complet de chaque étape du processus. Ils se sont rendu compte que ce comportement était “très similaire” d’une araignée à l’autre. Dans l’élaboration de ces motifs subtils, aucun mouvement n’est improvisé; chacun d’entre eux s’inscrit dans une chorégraphie complexe et prédéterminée, qui est désormais documentée avec une précision inégalée.  “Même si la structure finale est un petit peu différente, les règles qu’elles suivent pour construire leurs toiles sont les mêmes”, affirme Gordus. “Cela confirme que ces règles soient encodées dans leur cerveau.”

Mais pas question de s’arrêter en si bon chemin; le chercheur souhaite désormais explorer le cerveau des araignées pour savoir dans quel tiroir est rangée cette recette. “Désormais, nous voulons déterminer comment c’est encodé à l’échelle des neurones”, explique-t-il. Pour ce faire, il envisage notamment… de les droguer avec des substances psychotropes diverses et variées, un peu comme la NASA l’avait fait dans les années 90 lors d’une expérience célèbre (voir ici).

“Les araignées sont fascinantes parce que leur cerveau est construit des mêmes unités fondamentales que le nôtre”, explique Abel Corver, un doctorant en neurophysiologie animale et membre de l’équipe de recherche. “Ces travaux pourraient nous donner des indices méthodologiques afin de comprendre des cerveaux plus complexes, y compris celui des humains”, conclut-il.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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