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L’Europe veut un système de reconnaissance faciale international, et c’est inquiétant

Certains législateurs européens veulent mettre en place un système international de reconnaissance faciale dans le but de faciliter le travail des forces de l’ordre.

Les pays membres de l’Europe collaborent depuis plus de 15 ans sur leurs affaires judiciaires en cours. Cela passe notamment par le partage des fichiers d’empreintes digitales, mais aussi des plaques d’immatriculation par exemple. Objectif derrière la manœuvre, permettre aux autorités espagnoles d’appréhender un suspect recherché en France si ce dernier parvient à passer la frontière à bord de son véhicule par exemple.

D’ici quelques années, les législateurs européens pourraient aussi décider de créer une gigantesque base de données destinée à la reconnaissance faciale. Centralisant des millions de photos d’Européens et Européennes, le projet pourrait pousser à un niveau encore jamais atteint une technologie pourtant très controversée.

Prüm II fait encore débat

Pensé dans le cadre du projet de loi Prüm II, l’échange automatisé de données dans le cadre de la coopération policière vise notamment à la création d’un système de reconnaissance faciale automatisé qui faciliterait le travail des forces de l’ordre européennes. Le travail est colossal, il n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui entamé en France au moment de la création du Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) il y a plus de 20 ans.

Pourtant, il inquiète aussi. Ces dernières semaines, les critiques relatives à ce projet de reconnaissance faciale européenne se sont intensifiées. Pour Ella Jakubowska, conseillère politique à l’ONG de défense des droits civiques European Digital Rights (EDRi), il s’agirait de “l’infrastructure de surveillance biométrique la plus étendue que nous ayons jamais vue dans le monde”. Dans une Europe qui martèle depuis des années ses craintes face aux risques éthiques liés à l’expansion du numérique et des systèmes d’IA, le projet passe mal.

Une première version du texte Prüm avait pourtant obtenu dès 2005 la signature de sept pays européens, dont la France. Cette dernière a rapidement été adoptée, permettant la création d’un fichier centralisé de profils ADN dans le cadre de la modernisation judiciaire européenne. Concrètement, Prüm II devrait éteindre le champ d’action de son prédécesseur, en autorisant aussi l’intégration de profils de reconnaissance faciale.

La reconnaissance faciale est-elle un danger démocratique ?

Partout dans le monde, les débats autour de la reconnaissance faciale inquiètent. Aux États-Unis, des dizaines de villes ont déjà interdit aux forces policières d’y avoir recours, alors que la Chine l’utilise régulièrement à des fins de surveillance de masse.

L’Union européenne débat elle aussi sur l’interdiction de reconnaissance faciale dans les lieux publics. Avec Prüm II, il ne s’agirait en fait pas de surveiller la population civile, mais plutôt de créer un répertoire des personnes déjà inculpées (et de celles à venir) à l’échelle européenne. Avec la reconnaissance faciale dite rétrospective, il sera “seulement” possible de comparer des images trouvées sur des caméras de surveillance, des téléphones ou des papiers d’identité, à un fichier européen de personnes ayant déjà eu affaire à la justice.

Pour Ella Jakubowska, il s’agira surtout de rester vigilant sur le risque que Prüm II ne permette à terme de normaliser l’utilisation de la technologie à des fins policières : “Ce qui nous préoccupe vraiment, c’est à quel point cette proposition Prüm II pourrait inciter à la création de bases de données d’images faciales et à l’application d’algorithmes à ces bases de données pour effectuer la reconnaissance faciale”.

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4 commentaires
  1. Très dangereux, d’un côté, cela pourrait servir à sauver des vies, c’est indéniable et utilisé d’une manière précise, correct et humaine, c’est un superbe outil.
    D’un autre côté, il faut garder à l’esprit que mis entre les mains de gouvernements (sans cesse changeant) peu scrupuleux, cela deviendrait un outil de contrôle des plus pernicieux.
    Regardez ce qu’il se passe en (r)ussie au début le dirigeant n’était pas ce qu’il est aujourd’hui, il est devenu l’emblème génocidaire d’une nation qu’il manipule tel un un serpent hypnotisant sa proie pour justifier sa soif de conquêtes des ressources d’un état souverain.
    Une autre certitude, nul nation soit disant démocratique ne peut garantir que des débordements visant à limiter voir annihiler les maigres libertés restantes sous prétexte de sécurité publique, ne tireront pas partie de ces reconnaissances faciale pour limiter la capacité d’expression de personne essayant de transmettre les vérités sur des situations liberticides.
    C’est un danger absolu. Si nous entrons dans ce mouvement, nous ne pourrons plus en sortir. J’espère que la sagesse de nos dirigeants saura faire preuve de discernement.

  2. pour ceux qui n’ont rien a se reprocher, il n’ y a pas de raison de s’inquiéter….
    perso je ne ne sursaute pas quand une voiture de police met son gyrophare en marche…

  3. @trist_es
    Totalement d’accord, les choix difficiles sont le propre de la vie d’adulte, et clairement il n’y a jamais de solution acceptable pour tout le monde.
    Mon avis est que, comme toujours, le meilleur moyen qu’une arme ne soit pas retournée contre ceux qu’elle est censée défendre est de ne pas la fabriquer.: quand l’outil existe, il est toujours tentant de l’utiliser.
    Mais ce n’est pas l’orientation de nos sociétés “modernes” et de nos dirigeants qui sont trop bêtes, trop naïfs ou trop cyniques pour comprendre le danger relatif à de telles décisions (je me souviens encore d’échanges surréalistes que j’ai eus avec des politiques à propos de la LOPPSI2).

    @fred
    Il y a 2 problèmes dans votre raisonnement:
    1- Vous _croyez_ n’avoir rien à vous reprocher. D’ailleurs (et ce ne sont que des exemples faciles), je suppose que vous ne traversez jamais au feu rouge, que vos stockages numériques ne contiennent rien d’interdit par aucune loi, que vous n’avez jamais fait la moindre blague sexiste et que vous êtes persuadé qu’un agent de police ne peut pas commettre d’erreur de jugement? Connaissez-vous vraiment parfaitement les lois en vigueur là où vous vous trouvez?
    2- Ce n’est pas parce que vous n’avez rien à vous reprocher maintenant que vous ne pourrez pas vous retrouver mis au ban de la société pour des faits antérieurs à l’arrivée d’une nouvelle norme sociale.
    Si votre commentaire est sincère, j’espère sincèrement que vous avez l’excuse de la jeunesse, car sinon c’est que vous avez déjà décidé de vous passer de vos libertés.

  4. Quand un panier à salade de flics met son gyrophare avec son bruit casse burnes, je lui jette ipso facto des pierres dessus LOL.
    Lisez “surveiller et punir” de Michel Foucault, ainsi que Gilles Deleuze de la société disciplinée et apprenante vers une société sclérosée par le contrôle total de masse.
    La justice comme forme et norme d’harbitrage, son ministère, et en particulier la magistrature travaille conformément à une institutionnalisation des quotas dans les dérives sécuritaires et de politique du chiffre depuis de nombreuses années, en manipulant le statu quo ou le consensus entre les appelés à la barre (victimes plaignantes et prévenus futurs coupables à incriminer). Une expérience en tant que de juré tiré au sort aux assises me l’a bien illustré, un juge d’instruction du barreau me l’a expliqué de manière éhontée en dehors des délibérés : machine à fabriquer du délinquant, chiffrage des prévenus, plaignants, témoins, et dossiers d’instructions judiciaires, procès, réquisitoires rallongés en temps de traitement…en définitive un fond de commerce dont vous êtes le produit potentiel selon ses propres vocables. La camera de surveillance à RC n’est qu’un simple outil, si il y a absence de jurisprudence, d’application des peines, ou folle mascarade comme dans le procès actuel des attentats de 2015, ou réquisitoires fallacieux envers des cinglés multirécidivistes relâchés. Alors ce gimmick ad hoc ne servira qu’à accroître l’obésité bureaucratique de la machine judiciaire et de la police par la même occasion (une police dysfonctionnelle, sapée, et ripou n’est qu’une conséquence de ce qui se passe plus haut dans la hiérarchie…politique et magistrature).
    L’aléa moral du “Avez-vous quelque chose à cacher ?” “Non, j’ai rien d’intéressant à te montrer ducon.”

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