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Ce cafard cyborg télécommandé pourrait vous sauver la vie

Ces insectes mal-aimés pourraient un jour devenir de précieux alliés.

Dans certaines zones et en particulier dans les espaces insalubres, les cafards sont une véritable nuisance. En plus d’être peu ragoûtants, ils peuvent poser un véritable problème de santé publique puisqu’ils sont aussi vecteurs de certaines maladies. Mais ces créatures mal-aimées disposent aussi de nombreuses particularités intéressantes qui les placent au centre de projets de recherche parfois très originaux ; une équipe internationale de chercheurs vient par exemple de créer des cafards cyborgs télécommandés et alimentés à l’énergie solaire.

L’idée n’est pas nouvelle, loin de là. Dès 2012, des chercheurs de la North Carolina State University ont démontré qu’il était possible de télécommander ces insectes. Le concept repose sur une sorte de « sac à dos » ; il est relié directement au système nerveux de l’insecte par l’intermédiaire des cerques, ces appendices situés à l’extrémité de l’abdomen de l’insecte.

En délivrant des impulsions électriques soigneusement calibrées, il est possible de stimuler le système nerveux pour forcer le cafard à se déplacer dans une direction précise. Précisons qu’il ne s’agit pas d’insectes morts, comme dans le cas des fameux “necrobots” (voir notre article); ici, les cobayes sont bien vivants.

Un film photovoltaïque ultraléger

Le concept est très intéressant, car on peut imaginer des tas d’applications possibles à des « biobots » de ce genre. Mais ces travaux demeuraient jusqu’à présent très exploratoires. La principale limite de cette approche concerne l’autonomie. Dès que la batterie est épuisée, le cyborg récupère toute son autonomie, et il ne va certainement pas rentrer au bercail pour permettre aux chercheurs de le recharger.

Et le problème, c’est qu’il est très difficile de construire une batterie correcte à cette échelle. Les travaux sur les cafards-cyborgs n’ont donc pas beaucoup progressé ces dernières années. C’est là qu’intervient cette nouvelle équipe de recherche de l’université de Riken, au Japon ; ses membres ont développé une nouvelle interface à l’autonomie largement supérieure grâce à l’inclusion de minuscules panneaux solaires.

© Kakei et al.

C’est une approche qui avait déjà été envisagée. Mais qui n’a jamais abouti jusqu’à présent; elle est en effet très difficile à appliquer en pratique. Il faut en effet que ces surfaces photovoltaïques soient extrêmement légères et flexibles pour ne pas handicaper les mouvements de l’insecte. Les chercheurs ont aussi dû trouver un moyen de les faire adhérer à leur carapace (ou plutôt, à leur exosquelette de chitine), ce qui est beaucoup plus facile à dire qu’à faire.

Ils ont fini par aboutir à un système qui coche toutes ces cases à la fois. Il repose sur un film photovoltaïque très performant. Il est 17 fois plus fin qu’un cheveu et capable d’adhérer à la chitine pendant un mois tout en rechargeant la batterie du stimulateur en permanence.

Des tas d’applications potentielles

Pour démontrer que leur système fonctionne, ils ont procédé à une série d’expériences où ils ont forcé leurs cyborgs à tourner avec une télécommande rudimentaire. Pour le moment, ces travaux se sont arrêtés là, et ils n’ont pas exploré les utilisations potentielles de ce système. Mais il s’agit tout de même d’une preuve de concept très intéressante, car elle pourrait permettre de faire contribuer ces cyborgs à la résolution de problèmes très concrets.

Ils pourraient par exemple aider les sauveteurs à retrouver des victimes coincées sous des décombres après un séisme. Avec un peu d’imagination, on peut aussi imaginer des tas d’autres applications en lien avec la sécurité, l’environnement, l’exploration de zones dangereuses…

En l’état, cette technologie n’est pas encore suffisamment mature. « Le système actuel a seulement un système de contrôle de la locomotion sans fil, ce qui n’est pas suffisant pour préparer une application comme le sauvetage urbain », explique Kenjiro Fukuda, l’un des auteurs de l’étude.

Les essaims de drones sont produits à un avenir radieux… et certains seront peut-être des cyborgs. © Yuman Gao / Rui Jin / New Scientist

De nouvelles pistes de recherche toutes tracées

Mais l’avantage, c’est que la route est désormais toute tracée ; il ne reste plus qu’à miniaturiser différents capteurs et à optimiser le système, et ces cyborgs deviendront immédiatement des outils très intéressants. « En intégrant d’autres appareils comme des caméras et autres capteurs, nous pourrons utiliser ces insectes cyborgs pour des applications de ce type », estime Fukada.

L’autre point très intéressant, c’est qu’il ne s’agit probablement que d’un début. Car le film photovoltaïque développé par son laboratoire est si léger qu’il permet même d’envisager des applications à d’autres insectes. Et cela concerne même des espèces volantes comme les cigales !

L’avantage, c’est que cette technologie pourrait aisément être déployée à l’échelle industrielle, car la nature se charge d’une partie du travail ; il est beaucoup moins cher d’élever des insectes en grande quantité et de leur greffer un petit paquetage électronique que de produire une armée de drones classiques.

Les chercheurs ne sont donc plus loin de pouvoir produire de véritables escadrons de petits cyborgs volants. Avec la montée en puissance de l’IA et connaissant les innombrables applications potentielles de ces essaims (voir notre article), on peut affirmer sans trop de risque que ces travaux représentent une avancée considérable.

Un problème éthique à prévoir ?

Un bémol, cependant ; il va aussi falloir faire un état des lieux éthique de cette approche avant d’envisager un déploiement à grande échelle. Car même si les chercheurs japonais affirment que les cafards ne ressentent aucune douleur dans le cadre de ces travaux, des chercheurs ont encore récemment rappelé que la réalité est plus nuancée (voir notre article).

Aujourd’hui, personne ne peut affirmer avec une certitude absolue que les insectes sont immunisés à ce que les humains appellent la douleur. Il serait donc souhaitable d’en avoir le cœur net avant de prendre le risque de torturer des générations entières de cafards. Il sera donc intéressant de suivre les retombées de ces travaux, et pas seulement en termes strictement technologiques.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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Source : CNet

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