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Un test sanguin détecte Alzheimer des années avant les symptômes

Cette preuve de concept n’est pas encore mature, mais elle dispose d’un potentiel considérable dans la recherche contre cette maladie.

Dans des travaux repérés par Medical News Today, des chercheurs américains de l’Université de Washington ont réussi à concevoir un simple test sanguin capable de détecter une toxine cachée, supposément impliquée dans le développement de la maladie d’Alzheimer, des années avant l’apparition des symptômes.

Il s’agit d’une maladie neurodégénérative associée à l’âge assez fréquent. D’après la Fondation Recherche Alzheimer (FRA), plus de 200 000 nouveaux cas sont recensés chaque année en France. Elle se traduit typiquement par des pertes de mémoire. Celles-ci peuvent être assez difficiles à identifier au début, puis devenir absolument catastrophiques avec le temps. Cette situation a quasiment toujours des conséquences terribles sur la qualité de vie de la personne, ainsi que sur son entourage.

Le problème, c’est qu’il n’existe toujours aucun traitement à proprement parler; nous sommes encore incapables de nous débarrasser définitivement de ce fléau de santé publique. Il s’agit donc d’un diagnostic particulièrement lourd de conséquences. Mais grâce à une série de progrès récents, les spécialistes commencent peut-être à toucher au but. La nouvelle étude des chercheurs américains est en tout cas un pas encourageant dans ce sens.

Des amas de protéines qui polluent le cerveau

Si certains mécanismes de cette maladie restent encore mystérieux, il y en a un qui est très bien documenté. Dans le cerveau de certains patients atteints d’Alzheimer, on constate une accumulation de petites particules baptisées plaques amyloïdes. Chimiquement parlant, elles appartiennent à la famille des oligomères ; il s’agit de molécules constituées d’un petit nombre d’éléments identiques. En l’occurrence, il s’agit d’un peptide (une petite protéine) baptisé bêta-amyloïde.

Cette substance est parfaitement à sa place dans le cerveau ; elle joue un rôle déterminant dans la croissance et l’entretien des neurones. Mais chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, l’organisme peut se mettre à produire des versions mal repliées, et donc non fonctionnelles de ces peptide (voir notre article ci-dessous pour plus de détails à ce sujet). Lorsque ces objets s’accumulent en grande quantité, ils forment alors les oligomères qui constituent les plaques décrites ci-dessus. Tout indique qu’il s’agit de marqueurs de la maladie.

L’importance du diagnostic précocePar contre, leur origine et leur rôle exact dans le déclin des fonctions cognitives restent encore flous. Car pour commencer, on ne les trouve que chez un tiers des patients. De plus, dans certains cas, elles ont aussi été trouvées chez des personnes qui ne présentaient aucun déficit cognitif. La preuve qu’il y a encore d’autres phénomènes à considérer pour comprendre cette maladie dans sa globalité.

De très nombreux laboratoires travaillent donc sur ces plaques dans l’espoir de comprendre leur origine; les phénomènes de ce genre ne sont souvent que la partie émergée d’un vaste iceberg de processus biologiques. Désormais, l’enjeu principal est de trouver la (ou les) toxine discrète responsable de l’apparition de ces plaques en espérant trouver un lien statistique avec le déclin cognitif. Le souci, c’est que ce dernier survient généralement bien plus tard. Et cela complique nettement la recherche ainsi que la prise en charge clinique.

« Pour changer réellement le cours de la maladie, il faut intervenir tôt, quand les oligomères toxiques commencent à attaquer les neurones », explique Valerie Daggett, professeure de bio-ingénierie à l’Université de Washington et auteure principale de ces travaux.

« Des études ont montré qu’au moment où le diagnostic est posé, jusqu’à 90 % des cellules cérébrales peuvent déjà être mortes », précise-t-elle. « A ce stade, c’est comme essayer de traiter un cancer au stade terminal. Le plus tôt est le mieux ; mais d’abord, il faut trouver un test fiable pour détecter la maladie plus tôt à tous les stades. »

Un test sanguin pour détecter la maladie avant les symptômes

Pour ce faire, les chercheurs ont développé un test sanguin appelé SOBA (Soluble Oligomer Binding Assay). Son objectif : détecter rapidement la présence de ces oligomères qui pourraient conduire au développement de la maladie à terme.

Ils ont pratiqué ce test sur les 310 participants d’un très long essai clinique déjà en cours aux États-Unis. Les patients en question, pour la plupart décédés depuis, ont été autopsiés dans le cadre du protocole. Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer a été confirmé à 100 % pour 53 de ces patients.

Or, il se trouve que pour 52 d’entre eux, soit la grande majorité, ce test aux oligomères toxiques est revenu positif. Il s’agit donc d’un résultat assez concluant. Et il y a encore plus intéressant. Car en plus de ces patients avérés, 11 patients du groupe de contrôle ont aussi été testés positifs.

Ce groupe, présent dans toutes les études scientifiques sérieuses, est constitué de personnes qui ne souffrent pas de la maladie étudiée ; c’est une garantie, une référence qui permet comparer les résultats pour s’assurer de leur pertinence.

En théorie, aucun des patients de ce groupe ne devrait donc être atteint de la maladie d’Alzheimer. Mais en étudiant les dossiers médicaux des personnes concernées, il ont remarqué que 10 des 11 personnes positives au SOBA ont présenté des signes clairs de la maladie plus tard dans leur vie.

Un tremplin pour les solutions thérapeutiques de demain

Il s’agit d’une trouvaille très intéressante. Elle renforce l’hypothèse que ces oligomères sont bel et bien un marqueur précoce de la maladie. Il faut préciser qu’il existe d’autre pistes prometteuses, comme celles associées aux protéines tau. Mais cela reste tout de même une étape conséquente dans la recherche d’un véritable outil diagnostique. Ces travaux pourraient conduire au développement du premier test fiable longtemps avant l’apparition des symptômes.

Dans un premier temps, ce sera particulièrement utile pour la recherche fondamentale. Car pour arriver à traitement, il faut d’abord avoir des malades avec lesquels travailler. Et c’est tout sauf simple lorsqu’on parle d’une pathologie qui peut rester discrète pendant des décennies. En les détectant plus tôt, les chercheurs pourront tester davantage de pistes thérapeutiques. Et avec de la chance, l’une d’entre elles permettra peut-être de guérir véritablement ce fléau de santé publique.

Pour cela, il faudra encore vérifier les performances de cette preuve de concept lors d’un essai à grande échelle. Mais il s’agit néanmoins d’une piste très prometteuse. Car en plus d’Alzheimer, cette approche pourrait aussi dégager de nouvelles idées pour lutter contre d’autres maladies provoquées par des protéines malformées. Il sera donc intéressant d’observer les retombées de ces travaux.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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