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Neuralink : la puce cérébrale d’Elon Musk privée d’essai clinique

La FDA vient de mettre un nouveau coup d’arrêt aux ambitions de la firme, mise sous pression par l’impatience parfois déraisonnable de son dirigeant.

Décidément, ce n’est pas l’amour fou entre les entreprises d’Elon Musk et les agences de régulation américaines. Après SpaceX qui a récemment été épinglée par la Federal Aviation Administration, c’est Neuralink qui se retrouve une nouvelle fois dans le collimateur de la FDA, le gendarme américain de la santé publique. D’après une enquête de Reuters parue hier, le régulateur aurait rejeté la demande d’essai clinique de l’entreprise, citant des risques de sécurité.

Neuralink cherche à développer une interface cerveau-machine (ICM). En substance, il s’agit d’une puce greffée à même le cerveau qui permettrait d’exercer un contrôle direct sur le système nerveux. Dans un premier temps, l’objectif est d’en faire un dispositif médical pour aider les personnes qui souffrent de troubles neurologiques. La firme espère ainsi pouvoir guérir Alzheimer, permettre à certains paraplégiques de récupérer l’usage de leurs membres… une vraie révolution médicale, en somme.

Musk face aux impératifs du secteur médical

Le souci, c’est qu’Elon Musk n’est pas un dirigeant comme les autres. C’est un visionnaire hyperactif qui ne jure que par l’innovation tous azimuts. Pour lui, la priorité absolue, c’est le progrès technique. Et peu importe s’il faut prendre des risques importants.

Cette philosophie a été déterminante dans le succès du milliardaire. Cela vaut tout particulièrement pour SpaceX et Tesla. Si les deux titans règnent aujourd’hui sans partage sur leurs industries respectives, c’est en grande partie grâce à ce goût prononcé pour la vitesse.

En injectant des milliards dans des concepts très ambitieux et en mettant une pression importante sur ses troupes, Musk a certes joué avec le feu, mais il a aussi permis à l’automobile électrique et à l’aérospatiale de faire d’énormes bonds en avant.

Par contre, si cette approche discutable a payé chez Tesla et SpaceX, cela ne veut pas nécessairement dire qu’elle est valable dans tous les cas de figure. Dans l’aérospatiale, par exemple, on peut parfaitement accepter un risque d’échec considérable à condition d’en assumer les conséquences financières. Mais dans le secteur médical, les enjeux sont très différents. Ici, il s’agit de vie humaine. Et en cas d’échec, il ne suffira pas d’un gros chèque et de plates excuses aux investisseurs pour tourner la page.

Pour développer un nouvel appareil médical, il faut donc se plier à un cahier des charges extrêmement strict. Avant de pouvoir ne serait-ce qu’envisager une mise sur le marché, il faut déjà être en mesure de prouver qu’il fonctionne parfaitement et qu’il ne présente aucun risque de sécurité.

« Ce n’est pas un jouet »

Il s’agit typiquement d’un processus extrêmement long et rigoureux. Et cela a déjà conduit la firme à manquer plusieurs deadlines de la FDA. Neuralink s’est donc retrouvée distancée ; aujourd’hui, c’est son concurrent direct Synchron qui fait la course en tête dans le domaine des ICM.

Et comme on pouvait s’y attendre, cette situation ne plaît guère au dirigeant fondamentalement allergique à la stagnation. Au fil des années, de nombreux rapports plus ou moins crédibles ont pointé du doigt les exigences déraisonnables de Musk.

Il a apparemment poussé ses équipes à produire des résultats le plus vite possible. Cette pression les aurait directement conduits à prendre des raccourcis inacceptables dans un contexte médical. « Il ne peut pas se mettre dans la tête que ce n’est pas une voiture. C’est le cerveau d’une personne dont on parle. Ce n’est pas un jouet », peste un employé anonyme dans le rapport de Reuters.

Des « dizaines » de déficiences

Autant dire que la FDA veille au grain. Et selon Reuters, elle refuse pour l’instant d’accorder sa licence d’essai clinique à Neuralink. Au-delà des éventuels problèmes éthiques qui pourraient émerger, l’agence aurait identifié des « dizaines » de déficiences très concrètes. Certaines sont relativement mineures, mais d’autres sont nettement plus préoccupantes.

Cela commence par le problème de la batterie, qui est un enjeu majeur du développement des ICM. Le fait d’implanter un objet de ce genre aussi près du cerveau constitue évidemment un risque important. En cas de défaillance, elle pourrait générer un court-circuit ou même une explosion susceptible de provoquer des dégâts neurologiques irréversibles.

La FDA s’inquiète aussi à propos de la procédure d’implantation et d’extraction. Elle consiste à manipuler des centaines de petites électrodes dans des régions bien précises du cerveau. Il faudra donc s’assurer que la greffe elle-même est sans risque, et vérifier que les électrodes ne bougeront plus après l’opération. Il sera aussi impératif de pouvoir les retirer sans endommager les tissus avoisinants.

Elon Musk va devoir être patient

Au bout du compte, le régulateur estime que Neuralink est encore loin d’avoir fourni les garanties nécessaires. « Neuralink n’a pas l’air d’avoir l’état d’esprit et l’expérience requis pour mettre son produit sur le marché dans un futur proche », explique Kip Ludwig, ancien directeur de la neuroingénierie au National Institute of Health américain cité par Reuters.

Pour rappel, ce n’est pas la première fois que l’entreprise est déboutée par la FDA. Neuralink veut déjà passer aux essais cliniques humains depuis plusieurs années. Mais elle a déjà échoué quatre fois à fournir les garanties nécessaires (en 2019, 2021, puis deux fois en 2022).

Elle a déjà fait l’objet de plusieurs enquêtes fédérales. Ces dernières ciblaient notamment le traitement infligé aux cobayes ou encore la gestion prétendument « irresponsable » de dangereux pathogènes (voir nos articles ici et ). Dans ces cas, les méthodes du sulfureux milliardaires avaient également été pointées du doigt. Espérons donc qu’Elon Musk saura mettre de l’eau dans son vin, quitte à nommer un nouveau dirigeant pour ne pas entraver le développement de cette technologie au potentiel quasiment illimité.

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