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Euclid débute son voyage dans « l’Univers noir » avec des images époustouflantes

Ces panoramas à couper le souffle ne sont qu’un avant-goût des merveilles que ce chasseur de matière noire va rapporter sur les six prochaines années.

Euclid, le nouveau télescope révolutionnaire de l’ESA, vient de dévoiler ses premières véritables images scientifiques — et le résultat est encore plus époustouflant que prévu, aussi bien au niveau esthétique que scientifique. Voici une petite visite guidée des premières images de ce bijou de technologie qui pourrait bouleverser notre compréhension de l’Univers.

À la conquête de l’Univers sombre

Lorsqu’il a été lancé en juillet dernier, Euclid a hérité d’une mission à la fois fascinante et particulièrement ardue : enquêter sur l’Univers sombre. Ce terme générique désigne toute une famille de concepts encore relativement nébuleux, tels que l’énergie noire ou la matière noire.

Ce sont des entités purement théoriques qui ont été introduites afin de combler certaines lacunes théoriques ; aucune d’entre elles n’a été observée directement à ce jour. On ne sait donc pas exactement de quoi elles sont constituées.

Malgré ce voile de mystère, les modèles cosmologiques modernes leur accordent un rôle déterminant dans la structure et la dynamique de l’Univers ; 95 % de notre cosmos semble être constitué de ces entités sombres.

Or, malgré leur abondance, leur présence provoque seulement des changements subtils dans l’apparence et le comportement de la matière observable. Il est donc fondamental d’en savoir plus sur cet Univers sombre, et c’est là qu’intervient Euclid.

Une vue d’artiste du télescope Euclid. © ESA / C. Carreau

Sur les six prochaines années, il va tout simplement créer la plus grande carte cosmique en trois dimensions à ce jour. Cela implique d’observer la forme et les mouvements de milliards de galaxies jusqu’à environ 10 années-lumière de la Terre, et Euclid est parfaitement équipé pour y parvenir. Il se distingue par sa capacité à produire des images remarquablement précises avec un champ de vision pourtant extrêmement large. S’il ne voit pas aussi « loin » que le James Webb, par exemple, il est capable de capturer beaucoup, beaucoup plus d’objets à chaque prise de vue.

Ses premières images illustrent ses capacités à la perfection. Même les responsables du projet, qui s’attendaient pourtant à des performances de premier plan, sont stupéfaits. « Nous n’avons jamais vu d’images astronomiques comme celles-ci, avec tant de détail. Elles sont encore plus belles et précises qu’on l’espérait », jubile René Laurejis, l’un des chercheurs de l’équipe Euclid. « Maintenant, nous sommes prêts à observer des milliards de galaxies et à étudier leur évolution sur la durée ».

Amas de Persée : une foule d’étoiles jamais observées

La première image provient d’un vaste groupe de galaxies appelé l’Amas de Persée. On y voit plus de 1000 galaxies qui appartiennent directement à l’amas à environ 250 millions d’années-lumière — mais pas seulement. Si les chercheurs qualifient déjà cette image de « révolutionnaire », c’est parce qu’Euclid a aussi capturé plus de 100 000 galaxies additionnelles en arrière-plan, et bon nombre d’entre elles n’avaient jamais été observées jusqu’à présent.

L'amas de Persée vu par Euclid
© ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA. Traitement : J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi

Cet amas est particulièrement prometteur pour Euclid, et pour cause : selon les modèles cosmologiques en vigueur, il n’aurait jamais pu se former sans l’influence discrète, mais essentielle de la matière noire. Les chercheurs ont donc hâte de comparer la forme et la distribution de tous ces objets aux prédictions des modèles théoriques pour déterminer dans quelle mesure la matière noire a contribué à façonner ce paysage majestueux.

NGC 6397 : le coffre au trésor

Persée n’est pas le seul amas photographié par Euclid. Le télescope s’est aussi penché sur NGC 6397, qui est un immense amas globulaire — une collection de centaines de milliers d’étoiles rassemblées par les forces gravitationnelles. Il s’agit donc d’un véritable coffre au trésor scientifique aux proportions incroyables.

NGC 6822 vu par Euclid
© ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA. Traitement : J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi

NGC 6397 est si vaste qu’à l’heure actuelle, Euclid est le seul et unique instrument capable de le capturer entièrement en une seule observation tout en distinguant autant d’étoiles. Par exemple, Hubble s’était déjà intéressé à son cœur, mais il n’avait tout simplement pas le temps de répéter l’opération plusieurs fois pour cartographier toute la périphérie ; Euclid, en revanche, y est parvenu en seulement une heure !

Dans NG6397, les chercheurs vont notamment chercher ce qu’ils appellent des queues de marée. Ce sont des longues traînées d’étoiles qui ont été formées lors d’une interaction avec une autre galaxie, il y a très longtemps. Leur présence ou leur absence sera une information déterminante pour étudier l’influence de la matière noire.

« S’il n’y a pas de queue de marée, il pourrait y avoir un halo de matière noire autour de l’amas qui empêche les étoiles de s’échapper », explique l’astrophysicien italien Davide Massari. « C’est le genre de structure que l’on ne s’attend pas à trouver autour des objets comme ces amas, mais seulement dans des structures bien plus massives comme la Voie lactée ».

Et au contraire, s’ils trouvent ces fameuses queues de marée, il s’agira aussi d’une découverte pleine de promesses. Elles permettront aux chercheurs de calculer très précisément comment ces amas orbitent autour de notre galaxie, ce qui donnera des tas d’indications sur la distribution de la matière noire autour de la Voie lactée.

Caldwell 5 : la Galaxie cachée

La troisième image d’Euclid est encore plus saisissante : il s’agit de Caldwell 5, ou “Hidden Galaxy” (la galaxie cachée) pour les intimes. Cette superbe galaxie en spirale mérite bien son sobriquet. Elle est bien camouflée derrière le disque de la Voie lactée, ce qui la rend très difficile à observer.

Caldwell 5 vu par Euclid
© ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA. Traitement : J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi

Mais comme le James Webb qu’il a rejoint au point de Lagrange L2, Euclid travaille dans l’infrarouge. C’est une gamme de longueurs d’ondes qui peuvent traverser ce voile de poussière. Il n’a donc eu aucun mal à prendre cette superbe photo de Caldwell 5, et c’est la toute première fois que nous pouvons l’admirer avec autant de détail.

« Cette image pourrait sembler normale, comme si n’importe quel télescope pouvait la produire, mais c’est loin d’être le cas », explique Leslie Hunt, astronome à l’Institut National d’Astrophysique italien. « Ce qui est spécial, c’est qu’on a un champ de vision qui couvre toute la galaxie, mais qu’on peut aussi zoomer pour distinguer des étoiles isolées. On peut ainsi retracer l’histoire de la formation des astres et comprendre comment elles ont évolué tout au long de la vie de la galaxie », précise-t-elle.

Nébuleuse de la tête de cheval : une vaste usine à étoiles

Vient ensuite ce qui est probablement la plus belle image de cette première collection : un panorama spectaculaire de Barnard 33, plus connu sous le nom de Nébuleuse de la tête de cheval. C’est une région de la nébuleuse d’Orion, qui » est une immense pouponnière stellaire — une zone où de nouvelles étoiles naissent à un rythme très élevé.

Ces régions sont des éléments très importants dans la dynamique globale du cosmos, et il s’agit donc d’objets d’étude extrêmement précieux. Le James Webb, par exemple, s’est déjà penché dessus à de nombreuses reprises.

Mais la situation est encore plus intéressante au sein de Barnard 33. « Nous sommes particulièrement intéressés par cette région, parce que la formation des étoiles a lieu dans des conditions très spéciales », explique l’astrophysicien Eduardo Martin Guerrero de Escalante.

La nébuleuse de la tête de cheval vue par Euclid
© ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA. Traitement : J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi

Ces conditions particulières, nous les devons à Sigma Orionis, une étoile située juste au-dessus de la tête de cheval. Elle n’est pas visible dans l’image, et pour cause : elle est si lumineuse qu’Euclid n’aurait rien pu voir d’autre si elle était présente dans le cadre ! L’avantage, c’est qu’elle est à l’origine d’un véritable déluge de rayonnements ultraviolets qui est une vraie aubaine pour les chercheurs.

En premier lieu, il ionise le gaz de la nébuleuse à des millions de kilomètres à la ronde, ce qui fait briller cette structure autrement très sombre de mille feux. Sans Sigma Orionis, il serait quasiment impossible d’observer tous ces détails.

Au-delà de son rôle de projecteur cosmique, ses vents stellaires et ses radiations intenses brassent aussi le gaz et la poussière de la nébuleuse. Par conséquent, elle influence aussi directement la formation des étoiles et des planètes dans la région. Les chercheurs espèrent donc pouvoir trouver des tas de nouvelles géantes gazeuses juvéniles ainsi que des bébés étoiles à peine sortis du berceau, et le panorama d’Euclid est un pas énorme dans cette direction.

L’aventure ne fait que commencer

Vous l’aurez compris : toutes ces images sont déjà exceptionnelles à bien des égards. En plus d’êtres magnifiques, elles sont aussi immensément précieuses pour la communauté scientifique. Elles montrent de façon spectaculaire ce dont l’observatoire est capable, et permettent aux chercheurs de se préparer à toutes les données qu’ils vont recevoir sur les six prochaines années.

Il ne reste donc plus qu’à patienter, car tous les voyants sont au vert ; Euclid va bientôt se mettre à produire de la science de haute volée à un rythme affolant pour démêler les mystères de l’Univers noir, et potentiellement révolutionner notre compréhension de l’Univers. Tout un programme.

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Source : ESA

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