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La plus grande caméra numérique du monde part à la conquête de la matière noire

Ce bijou d’ingénierie optique va être installé dans un observatoire chilien pour percer les secrets de l’Univers noir et remonter aux origines de notre système solaire.

Les équipes du Stanford Linear Accelerator Center National Accelerator Laboratory, aux États-Unis, ont annoncé avoir terminé la construction de la plus grande caméra numérique jamais construite pour des observations astronomiques. Ce bijou d’ingénierie aux performances optiques bluffantes va désormais prendre la route du Chili pour devenir la pièce maîtresse d’un télescope qui promet de révolutionner notre compréhension du cosmos.

Les premiers éléments qui frappent avec cette caméra, ce sont évidemment ses mensurations. Votre boîtier photo préféré risque de se sentir bien maigrichon à côté de ce mastodonte, même accompagné de son plus grand téléobjectif. Et pour cause : l’ensemble pèse environ trois tonnes, et est aussi grand qu’une petite voiture citadine.

Au-delà de sa taille, l’engin se distingue aussi et surtout par ses performances optiques de premier plan. Il est doté d’un ensemble de trois lentilles immenses. La plus petite, qui sert aussi à sceller la chambre à vide qui abrite le plan focal, mesure près d’un mètre de diamètre. La plus grande, tout au bout de l’objectif, émarge à plus d’1,5 m de diamètre.

Une précision exceptionnelle

En parallèle, l’objectif contient trois grands miroirs asphériques et un ensemble de filtres qui peuvent être intervertis en moins d’une seconde – un sacré exploit technique pour un engin de cette taille.pour travailler à diverses longueurs d’onde, de l’ultraviolet à l’infrarouge proche. Le tout a été ajusté avec une précision immense pour converger vers un ensemble de 201 capteurs à transfert de charge (ou CCD, pour charge coupled device) de 16 mégapixels, pour un total de 3200 Mpx — soit 3,2 milliards de pixels.

« Les images sont si détaillées qu’on pourrait capturer une balle de golf à 25 kilomètres de distance, tout en couvrant une portion du ciel sept fois plus grande qu’une pleine Lune », explique Aaron Roodman, directeur adjoint de l’observatoire Vera C. Rubin et directeur du projet.

Ltss Camera Front
© Jacqueline Ramseyer Orrell / SLAC National Accelerator Laboratory

En revanche, il y a tout de même un point sur lequel cet appareil ne peut pas rivaliser avec votre reflex de prédilection, ou même avec le bloc photo de votre smartphone : la vitesse de prise de vue. Le capteur de cette caméra géante est conçu pour être baigné de lumière pendant 15 secondes. Pour référence, dans des conditions d’éclairement normales, les photographes optent souvent pour un temps d’exposition autour d’1/100 ou 1/250 e de seconde, et la plupart des appareils photo peuvent souvent pousser à 1/4000 ou 1/8000 e de seconde — voire encore davantage pour les modèles haut de gamme.

Cap sur l’Univers noir

Cet engin monstrueux va bientôt prendre la direction du Chili pour prendre place dans le Large Synoptic Survey Telescope (LSST), la pièce maîtresse de l’observatoire Vera Rubin. Le nom de cette institution n’est pas anodin, car il comporte déjà un indice sur la future mission de cette caméra. En effet, l’observatoire a été baptisé en hommage à une pionnière dont les travaux ont grandement contribué à façonner la théorie de la matière noire telle qu’on la connaît aujourd’hui.

Ses travaux portaient spécifiquement sur la vitesse de rotation des étoiles dans les galaxies spirales, comme notre Voie lactée. Or, les astronomes comme Vera Rubin ont réalisé que la structure et le comportement de ces objets n’étaient pas cohérents avec les prédictions des modèles théoriques. Pour les expliquer, il fallait impérativement faire entrer un autre élément dans l’équation, et c’est ainsi qu’est né le concept de matière noire — une substance théorique encore très mystérieuse, suspectée de représenter environ 85 % de la matière totale de l’Univers et d’en influencer la dynamique par l’intermédiaire des forces gravitationnelles.

Le phénomène de lentille gravitationnelle
Le phénomène de lentille gravitationnelle schématisé par l’ESA. La grille représente la courbure de l’espace temps. © NASA, ESA & L. Calçada

Comme son illustre marraine, le télescope va se repencher sur ces galaxies pour tenter d’en apprendre davantage sur la dynamique du cosmos. Il s’intéressera notamment au phénomène de lentille gravitationnelle, où la courbure de l’espace-temps générée par des objets extrêmement massifs — comme d’énormes galaxies — dévie la trajectoire de la lumière. Cela permettra de mieux comprendre l’influence de la matière noire, de trouver de nouveaux indices sur sa nature, et de documenter d’autres phénomènes comme l’énergie noire, qui est intimement liée à l’expansion de l’Univers. En d’autres termes, comme Euclid, le nouveau joyau  de l’ESA, il va aider les astronomes à résoudre certaines des énigmes les plus brûlantes de la cosmologie moderne.

« Le plus grand film de l’histoire »

Mais en parallèle, le télescope va aussi s’intéresser directement à notre arrière-cour spatiale. Pendant les dix prochaines années, une de ses missions sera de dessiner la carte la plus détaillée de la Voie lactée à ce jour. Il pourra même se focaliser sur de petits objets (toutes proportions gardées) au sein de notre propre système solaire. Grâce à ces contributions précieuses, les chercheurs espèrent pouvoir trouver de nouveaux indices déterminants sur l’origine de notre berceau. Autant dire que les astrophysiciens sont particulièrement enthousiastes à l’idée de bénéficier d’un tel outil.

« Plus que jamais, élargir notre compréhension de la physique fondamentale nécessite de regarder plus loin dans l’univers. Grâce à la caméra LSST, l’Observatoire Rubin plongera plus profondément que jamais dans le cosmos et contribuera à répondre à certaines des questions les plus difficiles et les plus importantes de la physique actuelle », a déclaré Kathy Turner, une des responsables du programme.

« Bientôt, nous allons commencer à produire le plus grand film de l’histoire et la carte du ciel la plus informative au monde », se réjouit le directeur de la construction de l’observatoire Željko Ivezić. Rendez-vous d’ici quelques mois, une fois que ce béhémoth aura été installé et calibré, pour assister aux grands débuts de cette campagne fascinante.

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3 commentaires
  1. Et bien je prédis qu’ils ne verront RIEN car le seul modèle cosmologique qui explique l’inexplicable c’est le modèle JANUS. Donc pas de trucs bidules machin chose noire, sombre, inconnu etc….
    Encore du fric jeté par la fenêtre par des chercheurs qui ne trouvent RIEN depuis maintenant des décennies.

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