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[Critique] Ghost in the Shell

Il aura fallu attendre plus de vingt ans avant que le cinéma hollywoodien ne s’empare de la célèbre franchise Ghost in the Shell. L’intérêt d’une telle industrie avait de quoi susciter la peur des fans. Est-elle vraiment justifiée ?

 

Monument de manga et anime précurseur des années 90, Ghost in the Shell reste l’archétype de l’œuvre difficile à définir. Alternant action spectaculaire et réflexion poussée sur le futur de nos sociétés, le récit de Shirow Masamune a acquis avec le temps une figure d’intouchable, tout comme Akira avant lui. Statut renforcé par une adaptation en film d’animation de toute beauté, signé Mamoru Oshii. À l’inverse des catalogues Marvel et DC Comics, largement pillés depuis une vingtaine d’années, la profondeur de ces œuvres a su éloigner les sirènes des productions avides de retour sur investissement rapide.

Mais à travers les années, le talent des Wachoswki ou de Spielberg pour retranscrire des univers cyberpunk (Matrix, Minority Report…) a su donner une caisse de résonance à cet anime visionnaire. Le CV encore léger de Rupert Sanders n’avait rien pour rassurer, mais le Britannique s’est focalisé sur deux aspects primordiaux du film originel pour mener sa barque.

Le premier est visuel, et donc plus subjectif, mais dédouane à lui seul le réalisateur d’une véritable mauvaise intention. L’univers qui s’offre à nous répond clairement à une volonté de coller au travail de Masamune Shirow. Plus qu’un simple mimétisme, l’enchainement de scènes inspirées (parfois plan par plan) du japonais préserve la direction artistique de la série. Plutôt que de suivre le récit initial, Sanders a choisi de jalonner son film de scènes cultes issues de l’univers étendu de Ghost in the Shell.

Cette mosaïque visuelle composée des films d’Oshii, mais aussi de la série de Kamiyama (Stand Alone Complex) a l’avantage de proposer des scènes d’action toujours inspirées. Ce désir de conserver l’ADN graphique de Shirow se ressent aussi dans la vision cosmopolite de la métropole. Certains trouveront l’ensemble trop lourd, mais l’exubérance des décors est belle et bien similaire à celle du célèbre manga. En choisissant comme bon lui semble à travers des heures d’anime, Sanders offre une transposition fidèle de l’iconographie globale de la série. Il démontre d’ailleurs un certain sens de la photographie, notamment dans la précision de la reproduction de certaines planches emblématiques, comme celles de la naissance du Major.

Dans un souci de compréhension du public, le réalisateur a cru bon d’utiliser le scénario de Shirow de la même manière qu’avec sa mise en scène. Conscient de la densité de réflexion de l’œuvre originale, Sanders s’est livré à une sorte de patchwork scénaristique nettement plus discutable. S’il évite avec habileté les questions liées au choix de Scarlett Johansson pour le rôle principal (on vous laisse découvrir comment), il n’arrive pas à renouer avec l’ambition intellectuelle de l’anime.

Un constat avant tout dû au choix de l’antagoniste. Le Puppet Master est probablement le personnage le plus fascinant de la série, mais sa philosophie ne trouve pas un écho concret dans le film de Sanders. Le réalisateur a décidé de recréer une entité à partir de plusieurs personnages de la saga (dont Hideo Kuze). Si l’aspect visuel n’en pâtit jamais, il en est autrement pour la trame scénaristique. Notamment, car cet ennemi emblématique représente la clé de voûte de la réflexion qui hante l’œuvre de Shirow : qu’est-ce qui fait de nous des humains ?

Le résultat présenté ici paraîtra forcément édulcoré pour les fans. Son long-métrage n’est pas pour autant un banal film d’action, puisque Michael Pitt, étonnant en terroriste torturé, arrive à soulever des questions plutôt rares dans la production hollywoodienne actuelle. Les néophytes devraient apprécier… mais le film leur est-il destiné ?

Le casting subit le même constat que la structure du film. Les acteurs collent parfaitement à leurs équivalents de papier, et laissent entrevoir une section 9 plausible, composée d’hommes et de femmes de tous horizons. On pense à Pilou Aesbek (Batou) ou Takeshi Kitano (Aramaki), dont l’apparence est fidèlement respectée, mais dont l’écriture est hélas trop peu mise en avant.

Le personnage le plus représentatif de cette fragilité scénaristique est probablement Togusa, seul véritable « humain » du groupe, qui n’existe jamais dans le film. Figure proéminente, Scarlett Johansson arrive à faire transparaitre des émotions chez un personnage qui n’est pas censé en avoir. Après Under the Skin (Jonathan Glazer, 2013) et Her (Spike Jonze, 2013), l’actrice continue d’alimenter une forme d’ambiguïté entre le corps et l’esprit dans sa filmographie.

La même digression pourrait être employée pour la musique. Le talent de Clint Mansell n’est plus à confirmer, mais ses compositions électroniques ne provoquent pas la même émotion que les sonorités quasi expérimentales de Kenji Kawai. Quand on sait qu’elles renfermaient à elles seules toute l’ambivalence du film d’Oshii, on se dit qu’il est regrettable de ne pas les avoir conservées en totalité.

 

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Notre avis

Ghost in the Shell aspire réellement à satisfaire les nombreux fans de l’œuvre de Shirow. Une volonté qui se ressent notamment dans la précision avec laquelle Sanders retranscrit l’univers du mangaka. Cette mise en scène, qui vaut à elle seule le détour, délivre en revanche une vision trop édulcorée de l’œuvre originale pour convaincre les amateurs de la première heure. Mais cette esquisse de réflexion permet au long-métrage de se hisser au-dessus de la grande majorité de la production hollywoodienne, et de garder confiance quant aux futures adaptations d’anime japonais. Une bien jolie « Shell », qui aurait mérité un peu plus de « Ghost ».

L'avis du Journal du Geek :

Note : 5 / 10
20 commentaires
  1. Mais… Je suis le seul à être choqué de voir que le scénario du film est complètement con et et que JAMAIS on aurait vu le major partir en quête d’une pseudo identité première qu’on lui aurait volée/dissimulée ? CE N’EST PAS LE SUJET DE GITS !

    A mon sens, c’est prendre tout ce qui fait la richesse énorme de la série, la foutre dans un mixeur en ajoutant un peu de scénario basique mille fois vu, pour en ressortir une bouillie mille fois vue, bien loin de l’originalité géniale et intelligente de l’oeuvre originale.

    Encore une bouse pour les fans de stealth suit à gros nichons.

    1. Ben ça dépend, tu as vu le film? parce que ça m’a plus l’air d’un argument marketing, un espece de postulat de base moisi pour faire venir le publique qui ne connait pas. Le scénar sera FORCEMENT moins riche et philo que celui d’origine puisque celui d’origine s’adresse à un publique averti amateur de manga et donc de sujet philo similaires. Et celui-ci s’adresse à un plus large publique.

      Et si tu vas comme ça, quel interet de lui foutre des seins y compris dans l’oeuvre originale (bien plus gros dans ce dernier au passage)?

    2. Dans tous les cas, les remakes avec de vrais acteurs seront toujours moins bon que les originaux.
      L’histoire nous l’a prouvé pas mal de fois ( et je ne parle pas forcément de Dragon Ball qui a été le pire de tous de mon point de vue ).

      Du coup, si tu veux voir ce GITS, soit tu y vas parceque tu connais pas l’oeuvre originale, soit tu y vas parceque tu es curieux, soit tu y vas parceque tu es un fan hardcore de GITS, soit tu y vas car tes potes veulent le voir pour X raisons et que tu n’es pas capable de leur dire sans toi.

      NB : perso j’attendrai pour le voir en streaming car pas question que je dépense 1 centime pour un film qui forcément me décevra comparé à l’original.

    3. Non, tu n’es pas le seul ! J’avais déjà perçu ce problème dans la bande-annonce et en voyant le film, je me suis rendu compte qu’il fait un autre contresens: Sanders et les scénaristes n’ont juste rien pigé à la notion de ghost. Pour eux, il semblerait que ce soit juste un synonyme d’âme, alors que dans la franchise, il s’agit de l’embryon de ce qui constitue une intelligence à la fois rationnelle et émotionnelle, c’est-à-dire de ce qui distingue un humain d’une machine ou d’un animal. Surtout, les auteurs du film tombent une fois de plus dans le dualisme corps-esprit, alors que la franchise prend justement le contre-pied de cette conception de l’humain en se basant sur les travaux en neurosciences de ces 60 dernières années qui tendent à démontrer que la pensée et l’identité sont produites par le cerveau (ce qui implique que lorsqu’il meurt, notre moi disparaît aussi complètement et qu’il n’y a probablement pas de vie après la mort). Du coup, la question que pose la franchise c’est est-ce qu’une pensée et une sensibilité produite par un cerveau artificiel sont encore humaine ou autre chose ? Pas si un robot à l’apparence humaine doit avoir le droit de vivre ou pas. On a répondu à cette question depuis Blade Runner !

  2. Bref, on sait pas si le film est bien ou non. Les critiques ont l’air très sceptiques, méfiance.

  3. Je ne connais pas l’œuvre originale. Mais après avoir vu les 5 premières minutes de ce film ça ne m’a pas donné du tout l’envie de le voir. Au bout de la première minute on est déjà dans le schémas des gentils contre les méchants et au bout de 2 minutes y a déjà des dizaines de morts. Bon, admettons.

    Mais alors les armes à balle (qui font le bruit métallique des kalachnikov d’aujourd’hui) dans un film se déroulant dans un futur très lointain non, ça passe pas. Je ne pourrai jamais “entrer” dans un tel scénario.
    Je sais que c’est sensé se dérouler en 2030 mais ça non plus j’y crois pas. Des cyborgs en l’an 2100 peut-être ? Ce dont je suis certain c’est que quand y aura des cyborgs y aura belle lurette qu’on ne tirera plus des projectiles et qu’il y aura des armes beaucoup plus sophistiquées.

    1. Non, mais faut savoir que l’oeuvre originale est sortie dans les années 80 (fin 80), et surement pensée dans les 70. A cette époque on pensait qu’en 2000 les voiture voleraient aussi 🙂

      Neanmoins Masamune Shirow a anticipé pas mal de technologies dont on voit les débuts seulement maintenant.

      Pour ce qui est de la cybertenisation de plusieurs parties du corps, des casque de réalité immersive, la Pub (Ecran) en 3D, Internet et le hacking même les armes ont été réflechies dans leur design ?
      Le manga va encore plus loin en se posant des questions sur le responsabilité homme/machine et plein d’autre domaines 🙂

      Alors oui 2030 c’est trop juste, mais p-t 2050 ?

  4. ET pourquoi ne pas conserver la complexité du film et du manga originaux ? Peut être que les gens sont trop cons aujourd’hui ? Franchement en lisant les critiques, ça me donne pas envie de le voir au cinéma…

    Personnellement, il vaut mieux un film riche et profond, difficile à comprendre qui pourrait pousser les gens à le revoir ou à acheter le BR/DVD, plutôt qu’un truc basique qui va rebuter pas mal de monde, dont les FANs et qu’on va oublier dès le jour suivant.

    En lisant les critiques, on dirait que le réalisateur n’a pas voulu “facilité” la compréhension, mais plutôt qu’il n’a juste rien pigé à l’oeuvre originale.

    Voir ce lien : http://www.nioutaik.fr/index.php/2010/11/11/609-comment-realiser-une-adaptation-merdique-a-la-sauce-hollywood

    1. Je n’ai pas encore vu le film, mais retransposer toute la complexité du manga et de l’animé en un film de 2h (?), c’est déjà pas gagné.

  5. J’ai bien aimé le film et regretté qu’il ne se termine, je déplore tout de même que Major ne cligne des yeux – gros fail mon sens – et le scénario de recherche d’identité qui déplaira peut être à ceux qui la suive depuis l’original japonais

  6. Je suis assez d’accord avec cette critique. Une bonne mise en scène et retranscription parfaite de l’univers Ghost in the Shell. Du fan-serving avec plusieurs scènes mythiques reprises plan par plan du Manga, des films ou des séries animées. Ce film est un bon condensé de l’oeuvre de Masamune Shirow même si il se permet quelques différence scénaristiques au manga mais on ne peut lui en vouloir le support n’étant pas le même.

    Malheureusement pour les vrais fans le film n’est pas aussi poussé intellectuellement et passe à coté de la question principale de cet univers : “Qu’est-ce qui fait de nous des humains ?”.

    Il y aura forcement une suite à ce film tant la section 9 est transparente et a peine présentée (notamment Togusa qui dit 1 phrase, et Saito que l’on voit pendant 5sec).

    1. Premièrement, ce n’est pas indéfendable (je suis fan de l’oeuvre de base) mais c’est effectivement bien trop léger en termes de réflexion.
      Secondement, ce n’est pas la même personne qui s’est occupée d’Iron Fist et de GITS. Et heureusement ! Pourquoi pas comparer, mais au moins sur une autre de mes critiques. Je n’ai pas l’impression de clamer que c’est le film de l’année pourtant. Je pense juste que l’intention du réal’ n’est pas biaisée, et elle parait même (visuellement en tout cas) sincère.

  7. Jamais vu l’animé, je connaissais rapidement l’histoire,

    quelle déception ce film… long/lent, pas du tout assez d’action…
    j’ai du bailler au moins 10 fois

  8. Histoire : bidon,
    Acteurs : bidons (sauf Michael Pitt), on commence même à comprendre pourquoi juliette binoche fait partie du casting (merci aux studios chinois)

    Decors : à moitié-bidons (j’adoooorrrreeee HK),
    Bref, même si j’aime bien la Veuve noire, la voir s’agiter en Robocop me fait vomir de voir une oeuvre si défigurée.
    Aucune référence directe avec le “cyberspace” où ils évoluent dans le manga; aucune intrigue géopolitique ou sur le theme de “piratage/hacker” l’humain/cyborg …
    On cherche encore à connaitre le raccourci utilisé sur le fait qu’aramaki parle japonais et les autres anglais …

    Ils ont juste fait des “captures d’écran” de moments clés de l’OAV pour les insérer dans cet ersatz de film.
    Aurait on pu esperer mieux ? Bien sur, en prenant d’autres acteurs qui jouent mieux, un chef decorateur qui a une vrai identité visuelle, et surtout des gens qui ont lu l’oeuvre de shirow et pas la version de poche pour les nuls ! On demandait pas une histoire originale, mais de coller à l’univers, quitte à copier/coller l’OAV (ce qu’ils ont tenté de faire pitoyablement).
    Reste l’affiche : jolie, la combinaison de scarlett (qui j’espere a bouffé la moitié du budget pour le film) et la scène de baston dans l’eau avec son camouflage optique. Même la scène création du cyborg est mal faite (avec la peau blanche qui se craquelle et s’envole …)

    Comment Shirow a t’il pu autoriser ça ?

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