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Un “piège évolutif” fait manger du plastique aux tortues marines

D’après des chercheurs britanniques, l’instinct des tortues marines pourrait jouer contre elles, en les incitant à se nourrir de plastique.

L’une des manifestations les plus spectaculaires de notre impact sur l’environnement, c’est certainement le Great Pacific Garbage Patch. Aussi connue sous le nom évocateur de Continent de Plastique, cette zone est tristement célèbre à cause des quantités faramineuses de plastique qui s’y accumulent au gré des courants. À tel point qu’aujourd’hui, tous ces déchets forment une immense île de plastique au nord du Pacifique, d’où son nom.

Cette zone ultra-polluée n’est malheureusement pas que symbolique, et a des effets dévastateurs sur la biosphère locale. C’est l’objet de travaux de chercheurs de l’Université d’Exter, au Royaume-Uni; d’après eux, tout ce plastique commencerait même à enfermer certaines espèces dans un véritable “piège évolutif”.

Une course instinctive pour la survie…

C’est le cas des tortues marines. Lorsqu’elles émergent de leurs œufs, les tortues juvéniles font partie des bêtes les plus vulnérables du règne animal. Lentes, pataudes, fragiles et inoffensives, elles n’ont qu’un seul objectif : ramper jusqu’à l’océan le plus vite possible, coûte que coûte. Celles qui auront eu la chance d’échapper aux becs des oiseaux marins ne sont pas tirées d’affaire pour autant; le rivage regorge également de prédateurs potentiels, qui ne diraient pas non à un petit amuse-gueule. Pour survivre, il leur faut rejoindre le havre de paix que constitue la haute mer, où elles peuvent grandir dans une relative sécurité pendant les années suivantes; en somme, on se sauve d’abord, et on verra plus tard pour la nourriture.

Mais depuis quelques temps déjà, c’est une mauvaise surprise qui attend les vainqueurs de cette course effrénée pour la survie. Au lieu d’arriver dans un sanctuaire aquatique, les bébés tortues se retrouvent parfois au beau milieu d’un immense dépotoir de plastique. Le souci, c’est que ces bambins particulièrement indépendants n’ont pas de régime alimentaire spécialisé à ce stade de leur développement. Leur priorité, c’est d’abord de survivre jusqu’au large; en théorie, la nourriture est censée y être abondante. Les bébés tortues ne s’inquiètent donc pas du type de nourriture disponible; elles et croquent tout ce qui leur tombe sous la mâchoire. Une stratégie évolutive très pratique, car moins une espèce est difficile d’un point de vue alimentaire, plus ses individus ont de chances de survivre en théorie. Mais c’était sans compter le Great Pacific Garbage Patch.

L’accumulation de plastique menace les tortues, mais également le reste de la biosphère marine. © Naja Bertolt Jensen – Unsplash

…Qui finit dans un piège tendu par l’Homme

Vous l’aurez deviné, dans un environnement absolument saturé en plastique, ces petits gloutons ont très vite fait de prendre des habitudes alimentaires déplorables. Les chercheurs de l’université d’Exter s’en sont rendu compte en étudiant 121 tortues, originaires des océans indiens et pacifiques.

Dans leur étude, ils expliquent sans ambiguïté que “l’ingestion de plastique est désormais documentée pour toutes les espèces”, et que les tortues juvéniles pourraient ingérer ce plastique de façon tout à fait volontaire. Cela constitue donc une sorte de “piège évolutif” tendu par l’espèce humaine, dans lequel les bébés tortues se précipitent la tête la première à cause de l’instinct dont l’évolution les a dotés. Un constat désastreux, quand on sait à quel point ces composés sont dangereux pour elles.

Les chercheurs nuancent ce résultat en expliquant qu’à cause de leurs faibles populations respectives, les tortues marines sont difficiles à étudier de façon fiable. Mais la tendance qu’ils ont identifiée reste très représentative; il est incontestable que les polluants plastiques affectent grandement le cycle de vie des tortues marines. Malheureusement, les conséquences les plus dramatiques de ce régime forcé n’apparaîtront probablement que dans un certain temps. Espérons simplement qu’il ne soit pas déjà trop tard, car une chose est sûre : le Great Pacific Garbage Patch, lui, ne bougera pas de si tôt.

 

Le texte de l’étude est disponible ici.

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