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Instagram est conscient d’être toxique pour la santé mentale des jeunes filles

C’est un tableau terrifiant que dresse un document de travail de Facebook, repéré par le Wall Street Journal.

À l’origine, les réseaux sociaux sont censés être des espaces conviviaux, où l’on peut partager des moments de vie avec sa famille et ses amis. Mais avec leur essor fulgurant, un constat global a émergé : bien souvent, y passer beaucoup de temps peut s’avérer dangereux pour la santé mentale. Les entreprises mettent en place des mesures pour assainir ces espaces. Mais ces initiatives demeurent encore insuffisantes, et certaines le savent parfaitement, notamment Facebook.

C’est en tout cas ce qui ressort d’un long article paru hier dans le Wall Street Journal. Le média américain a en effet eu accès aux résultats d’une enquête interne menée sur Instagram. Et sans surprise, ceux-ci dressent un tableau plus qu’inquiétant de l’impact du réseau sur ses utilisateurs. Et en première ligne, on retrouve les adolescentes. Pour certaines d’entre elles, la plateforme peut se transformer en vrai poison psychologique.

Un phénomène résumé noir sur blanc à l’aide d’un constat glaçant; dans les documents trouvés par le WSJ. On peut ainsi lire qu’Instagram “fait empirer les problèmes de rapport au corps pour un tiers des jeunes filles”.

Le piège de la comparaison sociale

Et il n’y a pas besoin d’être un grand sociologue pour deviner les raisons de ce mal-être. Instagram est par définition le temple de l’image. C’est la plateforme de choix pour les célébrités et autres influenceurs qui souhaitent poster leurs images les plus flatteuses. Et à force d’être exposés en permanence à ces top-modèles à la plastique parfaite, ce sont des millions de jeunes gens qui peuvent développer de terribles complexes. Si des mouvements “body positive” (qui visent à mettre en avant la diversité des corps) émergent un peu partout sur la plateforme, force est d’admettre que ces initiatives ne suffisent pas.

Une situation dont Facebook est parfaitement conscient. Le document conclut explicitement que la plateforme est construite sur la notion de “comparaison sociale”. Une proportion sidérante des jeunes sondés expliquent par exemple que de nombreux sentiments négatifs se seraient installés depuis leur inscription sur la plateforme. 30 à 51% expliquent par exemple qu’Instagram leur donne l’impression de devoir créer une image parfaite d’eux-mêmes. Cerains expliquent aussi qu’Instagram leur donne l’impression de ne pas avoir assez d’argent (42%) ou trop peu d’amis (33%)… voire d’être tout simplement “pas assez bien” (24-29%).

Une diapositive tirée de la présentation de Facebook “Teen Mental Health Deep Dive”, relayée par le Wall Street Journal dans leur article.

Et le souci, c’est que les conséquences dépassent de loin le simple mal-être. “Les jeunes accusent Instagram de favoriser la dépression et l’anxiété”, toujours d’après ce même document. Résultat : “plus de 40%” des jeunes internautes qui disent se trouver “disgracieux” expliquent que ces complexes ont commencé à leurs débuts sur la plateforme. C’est encore plus inquiétant dans le cas d’individus déjà mal dans leur peau. En effet, parmi celles et ceux qui disent avoir des idées noires, 6 à 13% estiment qu’Instagram y est pour beaucoup.

À la lecture de cet article, il est difficile de dire ce qui est le plus révoltant; le phénomène en lui-même, ou le fait que Facebook soit parfaitement au courant. Nombre de ces documents remontent en effet à 2019. Le réseau avait donc tout le temps d’agir, ou au moins d’être transparent sur ces conclusions. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été sollicité. Facebook et Instagram ont déjà fait l’objet de plusieurs audiences judiciaires pour éclaircir ces points… mais sans succès. Pour Richard Blumenthal, un sénateur qui y a assisté, c’était même une perte de temps. “Les réponses de Facebook étaient très évasives. En fait, ils n’ont même pas répondu à une seule de nos questions”, explique-t-il dans une interview au WSJ.

Pour le sénateur Richard Blumenthal, Facebook semble s’être inspiré de l’industrie du tabac. © Free-Photos – Pixabay

Une “tactique de l’industrie du tabac”

À la place, Facebook a préféré garder cela confidentiel. L’objectif invoqué : “promouvoir un dialogue franc et ouvert, ainsi que l’échange d’idées en interne”… Le sénateur dresse une analogie très intéressante pour illustrer la situation. “Cela soulève des questions sur ce que pourrait cacher Facebook. […] Ils semblent emprunter une tactique de l’industrie du tabac, à savoir viser des jeunes avec un produit potentiellement dangereux en cachant la réalité scientifique.

Certes, le réseau a bien tenté d’améliorer la situation en supprimant les likes. Mais comme le rappelle The Verge, cette initiative ressemble de plus en plus à un coup d’épée dans l’eau.

À la décharge d’Instagram, il faut admettre qu’il semble difficile d’endiguer ce phénomène. En effet, il est lié à la nature même du réseau, celle-là même qui a fait son succès et rapporte très, très gros. Il ne faut donc pas s’attendre à ce Facebook reparte de zéro sur la base de ces informations.

Bien malin celui qui pourra trouver une issue à cet engrenage infernal. En attendant, la seule solution reste de relativiser et de sensibiliser le public. Nous vous conseillons en tout cas l’excellent article du Wall Street Journal (disponible ici, en anglais), glaçant mais édifiant, qui regorge de témoignages éloquents de jeunes prisonniers de cette spirale infernale.

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2 commentaires
  1. Donc on accuse un outil de procurer le mal être chez les jeunes et pas les utilisateurs eux mêmes.
    Au lieu d’éduquer les jeunes, c’est plus facile de remettre la faute sur Instagram.
    Pourtant quand on utilise une arme, on remet pas la faute sur l’arme elle même, mais l’utilisateur.

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