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Ces organismes ont 830 millions d’années, et ils sont peut-être en vie

Cette petite capsule de sel remplie de liquide a pu préserver ces micro-organismes à l’âge canonique, ce qui ouvre de nouvelles pistes de recherche, notamment sur Mars.

L’un des aspects qui rendent la géologie si fascinante, c’est sa dimension historique. L’architecture de notre planète peut être observée, analysée, interprétée par les spécialistes comme une véritable archive qui retrace son évolution depuis des temps immémoriaux. Et régulièrement, ces coffres aux trésors minéraux peuvent aussi abriter des traces de la vie qui l’a parcourue il y a longtemps.

Des chercheurs américains de l’Université de West Virginia ont soumis un cristal un peu particulier, collecté en Australie en 1997, à toute une batterie d’analyses non invasives. À l’intérieur, ils ont trouvé des fluides et des solides organiques qui témoignent de la présence de cellules eucaryotes (avec un vrai noyau) et procaryotes (qui en sont dépourvues).

L’âge du minéral a été estimé à 830 millions d’années, ce qui suggère que les cellules capturées à l’intérieur sont au moins aussi vieilles. C’est une découverte très intéressante à plusieurs niveaux, à commencer par la composition de cette prison cristalline.

Il est relativement courant de trouver des organismes ainsi emprisonnés dans différents matériaux. Chacun connaît par exemple les fossiles traditionnels que l’on retrouve dans des roches sédimentaires. On peut aussi citer des morceaux d’ambre dans lesquels des chercheurs ont déjà mis la main sur des formes de vie très anciennes.

Un cristal de halite. © Rob Lavinsky – Wikimedia Commons

Une véritable capsule temporelle

Mais ici, il s’agit de halite, une agglomération de chlorure de sodium – du sel de table, en somme. Un point étonnant, car traditionnellement, le sel n’est pas capable de préserver des organismes en tant que tel. En effet, les cellules qu’ils ont repérées dans le cristal étaient piégées dans une minuscule poche de liquide; en minéralogie, on parle d’inclusion fluide.

Ces inclusions sont déjà bien connues des géologues; elles représentent de véritables petites capsules temporelles, puisqu’elles isolent entièrement leur contenu du milieu extérieur. Les chercheurs peuvent en effet s’en servir pour étudier la composition de l’eau et de l’atmosphère telle qu’elle était à l’époque de la formation du cristal, il y a des centaines de millions d’années.

Ce n’est pas la première fois que du matériel biologique est repéré dans une telle inclusion. En revanche, c’est la première fois que des chercheurs y confirment la présence de matériel aussi ancien. Et cet âge canonique ouvre un tout nouvel horizon de recherche pour les spécialistes de cette discipline, notamment dans le cadre de la recherche de vie passée sur Mars.

En effet, on sait déjà que de l’eau a coulé sur la Planète rouge a de l’eau un jour; un élément indispensable à la formation de tels cristaux. Il a aussi été démontré qu’elle abrite des structures géologiques comparables à la formation australienne dont ce cristal est originaire. À supposer que des microorganismes aient bel et bien vécu sur Mars un jour, leurs dépouilles auraient ainsi pu être emprisonnées dans des inclusions fluides de ce genre.

Des organismes potentiellement vivants ?

Trouver un tel objet sur place serait bien évidemment une découverte majeure. D’autant plus que d’après les chercheurs, il n’est pas exclu que ces organismes soient encore vivants dans un état de dormance !

Les micro-organismes pourraient survivre dans des inclusions de fluides grâce à des changements métaboliques, notamment en passant dans un état de dormance pour combattre la famine. Ils auraient aussi pu coexister avec des composés organiques ou des cellules mortes qui pourraient servir de sources de nutriments”, expliquent les chercheurs.

En outre, plusieurs précédents travaux ont déterminé qu’après autant de temps, les organismes auraient probablement succombé sous l’effet des radiations ambiantes; elles sont certes minuscules, mais pour des organismes unicellulaires, elles peuvent provoquer des dégâts considérables sur des millions d’années.

© NASA

Or, une étude de 2002 a déterminé que les cristaux de ce type étaient exposés à des quantités de variations négligeables. Cela suggère également que les organismes auraient pu être protégés des rayonnements environnants; un élément très important lorsqu’on raisonne dans le contexte martien. Sur place, la fine atmosphère ne bloque pas les rayonnements destructeurs du cosmos aussi efficacement que celle de la Terre; le fait d’avoir identifié une structure géologique susceptible de protéger ces échantillons pourrait donc être déterminant pour la suite des opérations.

En revanche, il y a cependant peu de chances que Perseverance trouve un tel trésor lors de sa mission. Le rover de la NASA cherche en ce moment des biosignatures sur Mars, dans un delta à la bordure du cratère de Jezero. La zone contient certes des traces de halite; mais le rover les collecte grâce à une foreuse qui réduit le matériel en poussière. Une approche incompatible avec les analyses optiques réalisées par les chercheurs.

Ces derniers estiment donc qu’il serait intéressant de développer de nouveaux systèmes qui permettront de réaliser une analyse optique poussée de l’échantillon avant de forer. “L’examen optique devrait être une étape fondamentale de toute étude sur la recherche de biosignature dans des roches anciennes”, martèlent-ils. “Cela permet de connaître le contexte géologique avant de procéder à des analyses chimiques ou biologiques”, insistent-ils.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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