Passer au contenu

La Russie envisage de prendre un télescope allemand en otage

Dmitriy Rogozine recommence à faire des siennes avec une déclaration tapageuse comme il les affectionne; aujourd’hui, c’est le télescope allemand eROSITA qui est en ligne de mire.

Roscosmos, l’agence spatiale russe, recommence à faire des siennes. D’après une interview à la télévision russe rapportée par Deutsche Welle, son sulfureux directeur Dmitry Rogozine a récemment annoncé son intention de lancer un bras de fer avec l’Allemagne autour du satellite Spektr-RG.

Il s’agit d’un observatoire orbital un peu particulier, puisqu’il s’inscrit dans le cadre d’une coopération entre les deux pays. Ce satellite bicéphale est équipé de deux télescopes chasseurs de trous noirs qu’on pourrait qualifier de siamois. D’un côté, on a eROSITA, le chouchou des chercheurs allemands du prestigieux Max Planck Institute. De l’autre, on trouve son pendant russe, baptisé ART-XC.

En février dernier, le contingent allemand avait unilatéralement décidé de mettre son eROSITA en veille; un geste motivé par le contexte géopolitique. Il s’agissait en effet d’une réaction directe à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En février dernier, le ministre allemand de la Recherche et de l’Éducation avait annoncé la suspension de la coopération scientifique entre les deux pays jusqu’à la fin de la crise.

Une situation qui pose un problème du côté de Roscosmos. l’agence russe a continué d’utiliser son ART-XC, mais puisque les deux télescopes fonctionnent en tandem en fournissant des informations complémentaires, la mise à l’arrêt d’ eROSITA génère forcément un manque à gagner scientifique.

Dmitriy Rogozine a le sens de la formule, mais il existe un écart considérable entre ses déclarations candides et la réalité du terrain. © Роскосмос – WikiCommons

eROSITA a du souci à se faire

Il n’en fallait pas plus pour convaincre Rogozine de revenir sur le devant de la scène. Le haut responsable russe s’est fendu d’une saillie remarquable comme il en a le secret. Lors d’une allocution à la télévision russe, il a tout simplement jeté la diplomatie par la fenêtre en annonçant son intention de saisir le contrôle d’eROSITA au nez et à la barbe des allemands.

Les gens qui ont pris la décision de mettre le télescope à l’arrêt n’ont pas le droit moral d’interrompre ces recherches pour l’humanité juste à cause de leur vision pro-fasciste qui se rapproche de celle de nos ennemis”, attaque-t-il.

J’ai donné des instructions pour commencer à travailler sur la restauration des opérations du télescope allemand à bord du Spektr-RG pour qu’il travaille en coopération avec le télescope russe”, affirme fièrement l’intéressé. “Malgré l’exigence des Allemands de mettre l’un des télescopes de Spektr-RG à l’arrêt, les spécialistes russes insistent pour qu’il continue son travail”, embraye-t-il.

Cette dernière affirmation est cependant à nuancer. Surtout lorsqu’on lit les propos de Lev Zeleny, le directeur scientifique du prestigieux Institut de Recherche spatiale de l’Académie des Sciences russes. Rogozine est déjà bien connu pour sa propension à prendre ses désirs pour des réalités; et d’après Zeleny, le directeur aurait une nouvelle fois été pris en flagrant délit de mensonge éhonté.

Des déclarations au mieux inexactes

Notre institut – tous les scientifiques – s’oppose fortement à cette proposition”, affirme ce dernier dans le journal russe Gazeta. Une opposition fondée sur des critères “politiques et techniques”. En premier lieu, il s’inquiète du fait que les autorités russes ne sont tout simplement pas formées à l’utilisation d’eROSITA. Une erreur de manipulation pourrait donc provoquer des dégâts irréversibles sur ce bijou technologique.

C’est un superbe appareil, absolument de classe mondiale, qui nous a déjà fourni beaucoup de données”, explique Rashid Sunyaev, superviseur global de Spektr-RG interviewé par Interfax. “Nous rêvons tous de le voir retourner au travail. Mais c’est un appareil extrêmement complexe, et si nous décidons d’ignorer nos accords avec nos partenaires et de le remettre en route nous-mêmes… ça peut tout simplement le ruiner”, s’alarme-t-il.

iss-station-spatiale-internationale
Après l’ISS, c’est eROSITA qui sert de levier pour soulever l’ego du directeur de Roscosmos. © Norbert Kowalczyk

Du Rogozine dans le texte

Difficile de savoir ce que Rogozine a réellement derrière la tête avec ces nouvelles déclarations belliqueuses. Rappelons que ce grand soutien de Poutine, dont l’institution ne dévie jamais de la ligne du Kremlin, n’a jamais eu la langue dans sa poche; il s’est même trouvé une nouvelle vocation de communicant depuis le début de la guerre.

En quelques mois, il a multiplié les déclarations souvent narquoises et éloignées de la réalité, voire carrément lunaires dans certains cas. On retrouve souvent une rhétorique condescendante directement héritée de l’époque soviétique, où l’aérospatiale russe dominait largement la discipline.

En mars, il avait par exemple suggéré aux responsables américains de rallier l’ISS “en balai volant” après avoir annoncé l’arrêt des livraisons de moteur-fusée (voir notre article). Il avait aussi affirmé que le sort de l’ISS dépendait exclusivement du bon vouloir des Russes, laissant entendre que ces derniers pourraient laisser la station s’écraser si les autres pays ne se montraient pas conciliants… et ainsi de suite.

Le problème, c’est que Roscosmos n’est plus au sommet de son art, loin de là. L’agence est même très loin de son heure de gloire et à la traîne sur le plan technologique. Une situation difficile à assumer pour un responsable forcément nostalgique de cette époque, et qui pourrait l’inciter à vouloir montrer ses muscles pour soigner un ego meurtri… à moins qu’il n’ait tout simplement pas conscience de l’énorme décalage qui existe entre ses affirmations et la réalité.

Il ne reste donc plus qu’à espérer que Rogozine entendra les protestations des scientifiques qui sont opposés à cette manœuvre. Les deux camps ont tout intérêt à trouver un terrain d’entente pour éviter de sacrifier du progrès scientifique sur l’autel d’un conflit insensé.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

7 commentaires
  1. Oh les méchants russes ,vilain,tandis que les Allemands préfèrent sacrifier le fruit de plusieurs années de travail en commun,pour les beaux yeux des usa,non vraiment ils sont pas gentils ,nous on envoie de l armement pour qu il se fasse tuer et ils sont pas contents

  2. Un être humain non occidental aura du mal à comprendre en quoi mettre en suspend un programme scientifique peut améliorer la situation des Ukrainiens et verra donc l’agressivité plutôt du côté allemand dans cette affaire.

  3. ah si fatima c’est le chef d’une énorme structure qui dépend direct du gouvernement et qui le représente… quand on parle en tant qu’officiel ça n’engage pas que la personne

  4. Il ne faut pas oublier que l’u.r.s.s a l’époque a perdu vingt-cinq millions de morts pour se libérer du nazisme et premier à libérer les camps de concentration à l’est.l’ukraine aujourd’hui représente un danger pour la Russie à la montée du nazisme

  5. @Lelarge : mais carrément, les russes ont sauvé le monde des nazis 7 ou 8 fois déjà, et ont fait énormément de sacrifice pour le bien du monde.
    D’ailleurs les russes ont failli sauver les dinosaures mais pas de bol, ce jour là ils avaient piscine… et puis bon il y avait sans doute quelque dinosaures nazis dans le lot, du coup ils ont sans doute sauvé le monde cette fois là encore sans même sans rendre compte… trop fort les russes… la vodka aussi d’ailleurs.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *