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Fusion nucléaire : un réacteur poussé à 100 millions de degrés pendant 30 secondes

Les exploits de ce tokamak sud-coréen bénéficieront directement à ITER, le grand projet de fusion nucléaire basé en France.

Des physiciens coréens viennent de franchir une étape importante pour le futur des travaux sur la fusion nucléaire avec leur réacteur expérimental Korea Superconducting Tokamak Advanced Research center (KSTAR) ; pendant 30 secondes, il a réussi à maintenir une température de 100 millions de degrés Celsius. Une excellente nouvelle pour ITER, le grand projet international basé en France.

Le KSTAR n’en est pas à son coup d’essai ; depuis 2008, ce réacteur sert de plateforme expérimentale pour étudier les concepts qui serviront un jour à faire fonctionner ITER. Et cette combinaison de chiffres très impressionnants représente un beau progrès.

Cette température, pourtant près de 7 fois supérieure à celle du cœur du Soleil, ne constitue pas un record en elle-même. Même chose pour les 30 secondes de fonctionnement. Mais le fait d’avoir réussi à les atteindre simultanément est une grande première, et un nouveau pas vers la fusion nucléaire commerciale.

Pas touche à la paroi

Très vulgairement, l’objectif d’un tokamak, comme EAST, KSTAR ou ITER, c’est de forcer des atomes soigneusement préparés à l’avance à entrer en collision à une vitesse monstrueuse. Pour générer ce vaste chamboule-tout nanométrique, il faut maintenir une température absolument infernale de plusieurs dizaines de millions de degrés.

Or, générer une telle température n’est pas chose aisée, loin de là ; les ingénieurs cherchent en permanence à repousser les limites des différents prototypes pour atteindre le fameux seuil des 150 millions de degrés Celsius. C’est à partir de cette température (variable selon les engins) que les conditions deviennent idéales au seuil de l’enclave, et que la réaction de fusion peut donc commencer au sein du plasma.

Cette fournaise, aucun matériau au monde n’est capable de la supporter. Pour confiner ce plasma surchauffé, les tokamaks sont équipés de gigantesques électro-aimants; ils génèrent un champ magnétique qui conserve la matière ionisée à bonne distance des parois du réacteur.

C’est très important pour la stabilité de la réaction, et il ne s’agit pas que de productivité. Certes, il n’y a aucun risque de catastrophe de type Tchernobyl dans ce contexte ; mais si le plasma entre en contact avec les parois internes du réacteur, il peut tout de même provoquer des dégâts catastrophiques à l’intérieur de cet engin extrêmement cher et très difficile à entretenir.

Et à ce niveau, les chercheurs n’ont pas le droit à l’erreur. Le moindre point contact entre le plasma surchauffé et les parois internes proches du zéro absolu, aussi furtif soit-il, perturbe immédiatement le système ; cela déclenche alors un effet boule de neige qui fait retomber la réaction comme un soufflé.

Une nouvelle forme de champ magnétique

Pour empêcher ce scénario, les chercheurs expérimentent avec différentes formes de champ magnétique. L’objectif est d’enfermer le plasma de la façon la plus efficace possible. C’est un sujet d’étude très important dans cette discipline ; on se souvient par exemple des travaux de DeepMind. L’entreprise spécialisée dans l’intelligence artificielle est allée jusqu’à développer un algorithme pour optimiser la forme du champ magnétique.

Pour atteindre cette impressionnante combinaison de stabilité et de température, les physiciens du KSTAR ont misé sur une version modifiée d’une forme de champ magnétique baptisée Internal Transport Barrier. La particularité de ce modèle, c’est qu’il a tendance à rendre le plasma plus dense au centre du réacteur. En revanche, il est plus clairsemé en périphérie, à proximité des parois.

Ils ont obtenu une densité légèrement inférieure à ce qu’ils avaient prévu. Habituellement, ce n’est pas une bonne nouvelle. L’énergie produite par un réacteur dépend directement de la température, de la densité et du temps de confinement du plasma.

Mais dans ce cas, les chercheurs expliquent que cette densité modeste n’a pas posé problème. Elle a finalement été compensée par la température et par la présence d’ions très énergétiques au centre du plasma. Ces derniers jouent un rôle important dans la stabilité de la réaction.

La route est encore longue

Certes, ces chiffres sont très impressionnants; mais dans l’absolu, le KSTAR et les autres tokamaks sont encore bien loin de pouvoir maintenir les conditions nécessaire pour entretenir une réaction de fusion sur une durée prolongée. Désormais, tout l’enjeu va être d’apprendre à pousser ces tokamaks encore plus loin. Cela implique d’atteindre des températures et surtout des durées de confinement encore plus importantes, le tout sans endommager le réacteur.

Et il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg de la fusion nucléaire. Il reste des tas d’autres problématiques que les ingénieurs devront résoudre. Par exemple, pour l’instant, rien n’indique que les informations apportées par ces tokamaks expérimentaux seront aussi valables pour des réacteurs à plus grande échelle.

Et tôt ou tard, il faudra aussi aborder la question de la rentabilité énergétique. Car en l’état, il n’est même pas encore question de récupérer l’énergie produite par la réaction. Cela signifie qu’en plus de celle qui est utilisée pour chauffer le plasma et refroidir l’enclave, toute l’énergie éventuellement produite par la réaction est aussi sacrifiée sur l’autel de l’expérimentation.

Autant dire que même si ces progrès sont impressionnants, il va falloir faire preuve de patience. Certes, la physique sous-jacente commence à être bien maîtrisé. Mais ce sont désormais d’immenses défis d’ingénierie qui attendent les spécialistes au tournant.

Les températures et les durées de confinement visées ne seront probablement pas atteintes avant plusieurs années d’itération sur ces tokamaks expérimentaux. JET, KSTAR et consorts continueront donc d’être des acteurs indispensables de la recherche sur la fusion nucléaire pendant de longues années.

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11 commentaires
  1. C’est bien, même très bien
    Mais comment vat ‘on utiliser cette énorme Energie pour produire de l’électricité?
    Il n’y a pas une énorme gaspillage en route? Le Hélium ne peut pas être retransformé en H2 ou D2 ou T2

  2. Ben j’y connais rien mais ça parait pas beaucoup par rapport aux milliards de degré atteint accidentellement par la Z Machine y a des années ???

  3. les vendeurs de rêve ont de l’avenir ! au moyen âge il y avait les alchimiste et aujourd’hui il y a les ingénieurs en fusion nucléaire. En attendant ça doit coûter un pognon de dingue aux contribuables pour qu’ils fassent mumuse avec leurs grosses machines

  4. Pour moi on joue très gros avec quelque-chose qui nous dépasse encore plus que nos centrales actuelles qui sont déjà un gros problème en suspend… Je trouve aberrant qu’au nom de la recherche on est le droit de mettre la planète en danger. J’aime la science mais franchement aujourd’hui tout ça fait bien peur… Tout ça pour faire quoi alimenter un monde numérique ? Oui c’est un exploit, mais c’est pas pour moi…

  5. Dans le cas de la Z Machine, la réaction ne dure que quelques nanosecondes, là on parle de secondes, et même de minutes dans le cas du tokamak chinois qui a tenu 17 minutes avec une température de 70 millions de degré. C’est n’est pas comparable.

  6. @yann, la fusion nucléaire est totalement sans danger contrairement à la fission. La réaction s’arrêtant d’elle-même et ne produisant pas de radiations. En clair, le jour où la fusion est maîtrisée, ce sera la fin des énergies fossiles ! Souhaitons justement que nos scientifiques parviennent le plus vite possible à trouver des solutions pour rendre viable cette énergie.

  7. Bonjour;
    Je crains la chaleur,mais à plusieurs millions de degrés, protège t’on le soleil.? Quoi qu’il en soit cette invention,si miniaturerisee servira à lutter contre les maladies de la peau. Et de créer un réseau d’énergie valable.
    Ou de prévoir des événements climatiques. Et d’atteindre des planètes très lointaines en fusée.
    Ou de dissuader Putine de faire fondre les glaces sur les plages.

  8. @monsieurmachin ahah non au moyen âge il y avait les alchimistes, aujourd’hui il y a l’homéopathie, les magnétiseurs et leur clique de médecines alternatives. Comparons ce qui est vraiment comparable. La fusion n’a rien de mystique, on comprend aujourd’hui très bien les mécanismes qui sont derrière, c’est juste extrêmement compliqué à mettre en pratique.

  9. Mais comment voulez-vous que les investisseurs (financiers… 😡), laissent une énergie (qui devrait être gratuite), au profit des peuples de tous pays ??… Lorsque l’on voit les rapaces de la planète qui gagnent leur mises multipliées par (au moins) 10 fois … 🤔🙄…

  10. Les réacteurs à fusion son théorie beaucoup moins dangereux que les réacteurs actuel à fission.
    Il faut une énorme quantité d’énergie électrique pour réussir à obtenir un plasma suffisamment chaud. A ce moment, la réaction de fusion génère plus d’énergie qu’elle n’en consomme (donc production d’électricité). Mais dès qu’on arrête d’alimenter le réacteur en électricité bah la réaction s’arrête naturellement, pas de risque d’emballement incontrôlé.
    Ce qui est à l’opposé des réacteurs à fission nucléaire qui doivent constamment être contrôlé et refroidi sinon ça donne un Tchernobyl

  11. Avez-vous entendu parler de la théorie MEGA – Modèle d’Espace Granulaire Animé ? Cette théorie trouverait sa place en amont de la Relativité et de la Mécanique quantique et semble prétendre pouvoir les unifier. Et elle est, curieusement, assez simple.
    Elle explique la gravitation, et conteste l’existence de la matière noire.
    Elle justifie le spectre du rayonnement cosmique sur la base d’une interprétation de la loi de Planck ne faisant pas appel aux probabilités.
    Elle propose une interprétation nouvelle de E=mc².
    Tout ce qui y est dit serait vérifiable. Site : http://www.KbJ-Modele.fr

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