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DeepMind a appris à une IA à contrôler la fusion nucléaire

Après avoir révolutionné les échecs, le jeu de Go, la programmation ou encore la biologie, ces véritables sorciers de l’IA s’attaquent désormais à la fusion nucléaire.

L’un des grands obstacles qui nous empêchent encore de progresser rapidement sur la question de la fusion nucléaire, c’est le contrôle de la réaction. Car si la théorie scientifique sous-jacente est aujourd’hui parfaitement maîtrisée, c’est encore très loin d’être le cas en pratique; nous avons bien eu vent de progrès significatifs en Chine et en Angleterre, mais il reste encore beaucoup de travail avant de pouvoir espérer domestiquer cette réaction. Mais des récents travaux pourraient bien changer la donne avec une approche très différente : demander à une intelligence artificielle de le faire à notre place !

Cette idée nous vient directement des sorciers de chez DeepMind, la firme spécialisée dans l’IA fondée par le génial Demis Hassabis. Ces dernières années, cette cousine de Google (DeepMind dépend d’Alphabet, la maison-mère de Google) a monté plusieurs laboratoires qui présentaient tous un point commun : ils cherchent à mettre la recherche fondamentale en intelligence artificielle au service de la résolution de problèmes concrets.

La firme a commencé par s’illustrer dans le cadre de jeux, avec des programmes comme AlphaStar, AlphaChess ou AlphaGo qui ont aujourd’hui atteint un niveau indiscutablement surhumain. Progressivement, DeepMind s’est aussi mis à explorer l’intérêt de l’IA dans des disciplines certes moins ludiques pour le grand public, mais révolutionnaires sur le plan scientifique.

Ses équipes ont ainsi produit plusieurs travaux extrêmement impressionnants et tout aussi solides au cours des dernières années. En à peine quelques années, ses chercheurs se sont par exemple attaqués à la théorie générale de la recherche de solutions, ont lancé des travaux qui pourraient redéfinir l’informatique et la programmation en général, et ont proposé un système qui a entièrement révolutionné la biologie structurelle – rien que ça. Mais ils n’en ont pas fini, loin de là. Désormais, ces véritables magiciens de l’algorithmique ont les yeux rivés sur un objectif de longue date de notre civilisation : la fusion nucléaire.

Le tokamak du JET est une autre plateforme expérimentale très utile pour valider les axes de développement sélectionnés pour ITER. © Christopher Roux (CEA-IRFM)/EUROfusion

Le plasma, un allié salvateur mais capricieux

Très sommairement, il s’agit plus ou moins de cuisiner un soleil miniature dans la cocote minute la plus chère de l’Histoire. Le défi technique est immense; après tout, cela implique de confiner un plasma chauffé à une température démoniaque, bien au-delà du seuil symbolique des 100 millions de degrés Celsius. Le problème, c’est que la science d’aujourd’hui ne dispose d’aucun matériau susceptible d’encaisser une telle fournaise.

Pour pallier ce problème de taille, ITER et les autres tokamaks se basent sur une idée extrêmement ingénieuse formulée dans les années 50. Si aucun matériau ne peut supporter cette température, il suffit… de ne pas utiliser de matériau physique du tout ! Ou plus précisément, de s’assurer qu’il ne soit jamais, sous aucun prétexte, en contact avec le plasma.

Pour y parvenir, les chercheurs utilisent d’énormes éléctro-aimants afin de produire un champ magnétique très puissant, capable de confiner le plasma à bonne distance des parois du réacteur. Simple en théorie, mais beaucoup plus facile à dire qu’à faire. En effet, les paramètres de ce champ magnétique doivent être contrôlé avec une grande finesse pour optimiser le confinement du plasma, et donc les performances du réacteur.

Simuler pour mieux expérimenter

C’est une contrainte qui ralentit considérablement le développement des tokamaks. Car à chaque fois que les chercheurs veulent optimiser la configuration des bobines, ils se retrouvent face à un défi d’ingénierie très sérieux. Il faut modéliser correctement cette nouvelle confirmation, puis réassembler les électro-aimants de plusieurs tonnes et tous les autres éléments associés. Un processus généralement long, et sans la moindre garantie de résultat.

C’est là qu’intervient DeepMind, qui espère bien se servir de l’IA pour résoudre ce problème très concret. En effet, c’est un cas de figure qui convient particulièrement bien aux capacités de cette technologie; elle est capable de jongler avec une multitude de paramètres extrêmement fins avec aisance, et donc de parvenir assez rapidement à des conclusion auraient demandé des années de travail aux chercheurs. DeepMind a donc développé un système capable de moduler l’action des bobines afin de manipuler le plasma à l’intérieur de la chambre en temps réel, d’abord dans une simulation, puis dans un vrai réacteur. Cette flexibilité permet alors d’optimiser la stabilité et le rendement de la réaction.

© DeepMind

Une IA schizophrène au service de la science

Pour y parvenir, les chercheurs doivent mesurer près d’une centaine de paramètres différents environ dix-mille fois par seconde. Un rythme aussi infernal que la température du réacteur, et bien supérieur à tous les systèmes produits par la firme jusqu’alors. Cela a forcé DeepMind à changer d’approche. La particularité de ce système, c’est qu’il est composé non pas d’un, mais de deux sous-réseaux de neurones virtuels.

Ceux-ci interagissent, mais fonctionnent néanmoins de façon indépendante. Nous avons donc une sorte d’IA schizophrène avec d’un côté un réseau dit “critique” relativement standard apprend au fil des itérations, et de l’autre un second réseau dit “acteur” qui synthétise les conclusions du premier afin d’agir directement sur le réacteur.

Ce système a été entraîné sur le TCV, le tokamak du Swiss Plasma Center. C’est une machine un peu particulière puisqu’elle dispose d’une configuration variable qui permet aux chercheurs d’ajuster les paramètres de la chambre entre deux expériences. Ils espèrent ainsi identifier la configuration optimale qui sera ensuite réutilisée dans le cadre d’ ITER et consorts au moment d’apporter la preuve de concept tant attendue.

D’autres progrès rapides et concrets à prévoir

Au terme de cet entraînement sur des configurations diverses et variées, l’IA de DeepMind s’est effectivement montrée capable de prévoir les manipulations du champ magnétique nécessaires pour aboutir à différentes configurations du plasma. Et la bonne nouvelle, c’est que ces résultats ont pu être vérifiés en pratique; lors des tests en conditions réelles sur le TCV, les chercheurs ont pu obtenir des configurations du plasma extrêmement proches des simulations.

Cela ne signifie pas que nous aurons accès à la fusion commerciale dans un futur proche. En revanche, c’est tout de même un résultat qualifié “significatif” et “très positif” par des spécialistes. Ces travaux ont prouvé que la nouvelle IA de DeepMind était un allié fiable et très compétent pour explorer la dynamique du réacteur, ce qui permettra d’accélérer considérablement la recherche et le développement des autres preuves de concept. C’est typiquement le genre de technologie qui permettra d’améliorer les performances d’engins comme le JET, un autre tokamak expérimental au service d’ITER qui a récemment battu un record de production d’énergie.

Certes, il faudra encore s’assurer que ces conclusions propres au TCV s’appliquent également aux autres tokamaks. Mais ce système est indiscutablement un outil de recherche très prometteur qui pourrait tout à fait se démocratiser dans les années à venir. Il y a donc de quoi être enthousiaste à l’approche du premier plasma d’ITER, prévu autour de 2025.

Le papier de recherche est disponible ici.

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Source : Phys.org

3 commentaires
  1. Bonjour

    Juste un Merci pour cet article très intéressant.
    C’est agréable de lire ce genre d’information sur un site comme le JDG.
    Je ne peux qu’encourager cela.
    D’où le fait que je laisse un commentaire… Juste pour remercier l’auteur.

    Cordialement

  2. C’est article de vulgarisation scientifique est excellent.
    Il devrait être diffusé au plus grand nombre et aussi via les réseaux sociaux pour suçciter des vocations et transformer le défaitisme et les Fake News énergétiques en un formidable espoir pour les jeunes générations…..

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