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Comme l’humain, des microbes martiens auraient saboté leur propre climat

L’humanité n’est pas la seule

Cela fait des décennies que l’humanité cherche à savoir si d’autres planètes que la Terre auraient pu accueillir des formes de vie. Mais malgré des milliers d’études et plusieurs engins spécifiquement conçus pour mener l’enquête, comme Perseverance, les planétologues n’ont toujours pas trouvé de preuve irréfutable qui permettrait de trancher définitivement. Mais cela n’empêche pas les spécialistes de spéculer.

La plupart de ces scénarios se basent sur ce que l’on sait de l’apparition de la vie sur Terre. Il existe des tas d’hypothèses sur les circonstances et la chronologie de ce développement. Même s’il n’y a pas de véritable consensus, le scénario le plus populaire stipule que les premiers êtres vivants seraient nés il y a environ 3,7 milliards d’années, dans les vastes océans primordiaux qui recouvraient la Terre à l’époque.

Deux voisines aux parcours très différents

Mars, de son côté, avait aussi des océans pendant une partie de son histoire. Il a déjà été prouvé que la planète rouge était recouverte par de vastes étendues d’eau liquide il y a environ 4 milliards d’années, et jusqu’à environ 2 milliards d’années avant notre ère. C’est l’un des principaux éléments qui suggèrent que Mars aurait aussi pu héberger des êtres vivants, au même titre que notre berceau.

© NASA

En partant du principe que la vie a bien existé sur la Planète rouge, les deux populations ont suivi des trajectoires très différentes. Sur Mars, cette vie aurait pu s’éteindre rapidement. Cela expliquerait au moins pourquoi nous n’en ayons toujours pas trouvé la moindre preuve définitive. Sur Terre, en revanche, les premiers êtres vivants ont proliféré; des formes de plus en plus complexes, sont apparues, guidées par les lois de l’évolution et la sélection naturelle.

Comment expliquer une telle divergence ? Une équipe d’astrobiologistes vient de publier des travaux fascinants sur la question ; ils estiment que si Mars avait hébergé une population de microbes comparables à celle de la Terre primitive, elle aurait pu générer un changement climatique à grande échelle qui lui aurait rendu la vie très difficile.

Une histoire de climat

Pour parvenir à cette conclusion, ils se sont appuyés sur une modélisation informatique à très grande échelle. L’objectif était de simuler l’évolution d’une population de microbes comparables à ceux qui peuplaient la Terre primitive, mais dans l’atmosphère qui entourait Mars il y a plusieurs milliards d’années. Et cette simulation a mis en évidence un nouveau scénario; il pourrait expliquer pourquoi nous n’avons toujours pas trouvé la preuve tant attendue.

Les microbes terriens ancestraux sur lesquels se base cette simulation ont la particularité de produire du méthane en consommant de l’hydrogène. C’est un gaz important dans le métabolisme de nombreuses espèces, mais, aujourd’hui, on en parle surtout à cause de son statut de gaz à effet de serre.

Il est avéré que ces émanations de méthane ont joué un rôle déterminant dans l’histoire de la vie sur la Planète bleue ; elles ont contribué à réchauffer l’atmosphère, ouvrant ainsi la voie à l’explosion de la biodiversité qu’on peut constater aujourd’hui. Mais dans le cas de notre voisine, ce régime aurait eu l’effet inverse.

© Boris Sauterey / Regis Ferrière – Institut de Biologie de l’École Normale Supérieure

À cette époque, contrairement à la Terre, l’atmosphère de Mars contenait de grandes quantités de dioxyde de carbone. Or, lorsque ce gaz interagit avec l’hydrogène, il génère un effet d’absorption induite par la collision (voir cette page pour plus de détails) qui a tendance à réchauffer l’atmosphère. Cet effet sur la température est considérable, et même supérieur à celui du méthane.

Même si cela semble contre-intuitif, en remplaçant l’hydrogène par du méthane sur Mars, ces microbes auraient donc réduit le réchauffement de son atmosphère jusqu’à ce qu’elle se mette à refroidir. Des nouvelles conditions tout sauf idéales pour les micro-organismes à l’origine de ce changement. Ils auraient donc été forcés de chercher un refuge sous la surface. Le refroidissement progressif les aurait ensuite poussés à s’y enfoncer de plus en plus profondément pour survivre.

Une nouvelle piste de recherche prometteuse

C’est un scénario très intéressant, car il offre de nouvelles pistes de recherche concrètes ; pour maximiser les chances de trouver d’éventuelles traces de vie, il faudrait se concentrer sur les zones qui sont à la fois plus chaudes et plus profondes que la moyenne.

Boris Sauterey, auteur principal de l’étude interviewé par Space.com, explique que son équipe a identifié trois emplacements prometteurs, dont un particulièrement intéressant ; il s’agit en effet du cratère de Jezero. Ce nom vous rappelle quelque chose ?  C’est normal : Perseverance, le rover de la NASA, explore cette zone en ce moment même à la recherche de biosignatures.

Perseverance en train de forer la surface pour collecter un échantillon. © NASA/JPL-Caltech

Dans cette même interview, il suggère même que certains de ces microbes auraient pu migrer suffisamment loin pour survivre. Ils auraient alors évolueé pour s’adapter à ce nouvel environnement. De précédentes études ont montré que certains processus géologiques de Mars peuvent produire l’hydrogène et le dioxyde de carbone nécessaire à la survie de ces microbes.

Concrètement, cela signifie que Mars pourrait encore receler des « oasis d’habitabilité », avec des micro-organismes encore bien vivants à l’intérieur. Il ne reste donc qu’à passer les zones les plus prometteuses au peigne fin; avec un peu de chance, un rover finira par tomber sur le Graal des astrobiologistes.

Une piqûre de rappel pour l’humanité ?

Il y a aussi une autre lecture encore plus intéressante de ces travaux. Cette étude relance en effet une vieille interrogation à mi-chemin entre la science et la philosophie; la vie serait elle autodestructrice par nature ? La question mérite d’être posée. Car cela ne vous aura pas échappé, il existe un parallèle évident entre ces travaux et le cataclysme climatique qui attend notre espèce au tournant.

Les lois de la thermodynamique suggèrent que oui ; mais en pratique, il sera difficile de répondre à cette question. Jusqu’à preuve du contraire, la Terre restera un cas unique en son genre. Et paradoxalement, en attendant d’avoir d’autres exemples, c’est peut-être notre espèce qui déterminera elle-même la réponse en survivant — ou pas — au changement climatique qu’elle a elle-même déclenché. La boucle est bouclée.

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