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Le premier prototype de ferme solaire spatiale va être testé en orbite

En cas de succès, ce concept pourrait représenter un immense changement de paradigme dans le secteur de l’énergie – mais la route est encore longue.

Des chercheurs de Caltech, la prestigieuse université américaine qui fait notamment partie des partenaires historiques de la NASA, vont bientôt réaliser l’un de leurs projets les plus ambitieux : dans un communiqué repéré par Interesting Engineering, ils ont annoncé le déploiement prochain du tout premier prototype de ferme solaire orbitale.

C’est un concept qui cherche à collecter l’énergie solaire directement dans l’espace avant de la rapatrier sur terre sous la forme d’un rayonnement électromagnétique, le tout sans une once de gaz à effet de serre.

C’est une idée déjà assez ancienne qui repose sur des bases pragmatiques. En effet, le fait de récolter l’énergie solaire directement dans l’espace comporterait plusieurs avantages. Par exemple, une ferme solaire orbitale à l’échelle de la planète pourrait fonctionner 24 heures sur 24, à condition d’avoir de nombreux panneaux implantés tout autour de la planète sur une orbite géosynchrone. Leur production serait aussi plus importante que sur Terre, puisque les rayons du Soleil n’auraient pas besoin de traverser l’atmosphère.Autant dire que sur le papier, le concept semble plus qu’intéressant ; de l’énergie propre disponible en quantité virtuellement illimitée, qui dit mieux ?

Un concept très ambitieux

Mais aussi prometteur soit-il, le concept a déjà une histoire assez chaotique ; au fil du temps, cette technologie est revenue plusieurs fois à la mode avant d’être abandonnée à nouveau, faute de progrès significatifs. Techniquement parlant, il s’agit d’un projet formidablement complexe. Si complexe, en fait, qu’il aurait probablement été abandonné depuis belle lurette s’il n’était pas justifié par l’urgence climatique.

En effet, le réchauffement ne fait plus que toquer à la porte ; il l’attaque désormais avec la violence d’un Jack Nicholson fou furieux dans Shining, ce qui pousse l’humanité à explorer de nouvelles sources d’énergie alternatives. Depuis quelques années, les ingénieurs ont donc démarré un nouveau cycle : le photovoltaïque spatial est de nouveau à la mode.

C’est dans ce contexte qu’en juin dernier, la NASA a annoncé qu’elle allait mener une étude pour tenter de déterminer si, oui ou non, ce système pourrait être viable (voir notre article ci-dessus). Pour cela, il faut d’abord s’assurer que les bases technologiques sont bien en place, puis qu’il sera possible de l’implémenter suffisamment vite pour répondre à nos objectifs climatiques. Et c’est précisément ce que va tenter de faire l’équipe de Caltech.

Un premier prototype lancé en décembre

Les ingénieurs californiens font partie des rares qui n’ont jamais vraiment cessé de travailler sur cette question. L’institution héberge trois équipes distinctes qui étudient différents aspects du problème dans le cadre du programme Space Solar Power Project.La première cherche à développer des cellules photovoltaïques à la fois ultralégères, résistantes, et surtout 50 à 100 fois plus efficaces que les panneaux solaires qui permettent aux satellites modernes de se sustenter.

Les professeurs Sergio Pellegrino, Harry atwater et Aji Hajimri, qui dirigent les trois équipes du Space Solar Power Project. © Caltech

La seconde équipe est chargée d’assembler le tout dans une structure légère, pliante et modulaire qui, dans l’idéal, permettra de construire d’immenses fermes solaires extensibles directement en orbite. La troisième a hérité de l’élément le plus complexe et contentieux ; elle développe le système qui permettra de convertir l’énergie solaire en ondes radio pour la rapatrier sur Terre en visant un récepteur.

Les trois groupes ont fait de beaux progrès au fil du temps ; petit à petit, après des années d’efforts et des dizaines de brevets, ils en sont désormais à un stade où ils comptent envoyer un prototype en orbite pour tester leur technologie en conditions réelles. C’est ce qu’ils vont tâcher de faire en décembre 2022; ils pourront ainsi tenter de répondre aux nombreuses questions qui subsistent encore par rapport à ce concept ô combien ambitieux.

Le concept est-il viable ?

Le premier défi sera strictement technologique ; pour espérer aller plus loin, il faudra déjà que ce prototype de montre suffisamment fiable et performant pour produire une quantité d’énergie intéressante et la rapatrier sur Terre.

Il faudra ensuite discuter de la pertinence du projet. Cette question comporte deux versants. Le premier est écologique ; en effet, de nombreux spécialistes estiment que le fait de rapatrier de telles quantités d’énergies sous forme d’ondes radio pourrait avoir un impact considérable sur la faune et la flore à proximité, voire même sur l’atmosphère elle-même.

D’autres n’y voient pas d’inconvénients, mais considèrent qu’il s’agit d’un projet inutilement compliqué. Les adeptes de ce positionnement affirment que si nous voulons vraiment lutter contre le réchauffement climatique, il serait plus intéressant de se concentrer sur d’autres approches plus raisonnables basées sur des technologies déjà maîtrisées.

Et même si le projet survit à tous ces obstacles, il en restera un dernier de taille : la viabilité économique du projet. Car même si le projet finit par voir le jour, il faudra aussi qu’il puisse produire de l’électricité à un tarif raisonnable — et ce n’est pas gagné.

Un tel projet nécessiterait la mise en place d’une toute nouvelle chaîne infrastructure extrêmement onéreuse pour récupérer, puis utiliser toute cette énergie. Et il ne s’agit que de la partie au sol ; il faut aussi tenir compte du prix exorbitant d’une telle centrale orbitale.

En plus du coût des matériaux rares, il faut aussi ajouter celui des très nombreux lancements qui seront nécessaires pour déployer le matériel. À titre indicatif, un lancement d’une fusée Falcon 9 de SpaceX coûte généralement une grosse soixantaine de millions de dollars. Des dépenses qui se répercuteraient fatalement sur le prix du kilowatt-heure. Il faudra également tenir compte de l’impact environnemental de ces lancements au moment d’estimer le bénéfice écologique net de l’opération.

Il sera donc très intéressant de suivre l’aventure de ce prototype à partir de décembre prochain. Les informations que les ingénieurs en tireront seront fondamentales pour juger la viabilité à long terme de ce concept. Si tout marche comme prévu par miracle, l’humanité disposera d’une formidable source d’énergie verte, avec tout ce que cela implique pour nos objectifs climatiques. Et dans le cas contraire… Il faudra probablement faire le deuil de cette technologie, du moins jusqu’à ce qu’elle revienne à la mode une nouvelle fois.

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6 commentaires
  1. Je vois pas comment les panneaux pourront fonctionner H24 dans l’espace, certes il n’y a pas de nuage, … Mais autant que je sache en orbite géostationnaire, il y aura toujours une phase de nuit où le soleil ne sera plus visible, donc ca ne fonctionnera jamais H24.

    1. Bonjour @wedge et @Bll

      Je mets à jour mon commentaire précédent qui comportait une coquille; après vérification, ces satellites seront bien disposés sur une orbite géosynchrone, et non pas héliosynchrone. Comme wedge l’a très justement souligné, chaque structure individuelle ne sera pas capable de produire de l’électricité en permanence; la production 24/7 dont parlent les chercheurs concerne le réseau dans sa globalité. Une fois qu’il sera suffisamment développé pour avoir des unités de production réparties sur toute l’orbite, il sera techniquement possible de produire de l’énergie en permanence – mais avec une partie du réseau qui sera effectivement à l’arrêt.

      Bien cordialement et en vous remerciant de votre lecture,
      Antoine Gautherie

  2. Un satellite géostationnaire ne passe dans l’ombre de la terre que pendant quelques semaines, 2 fois par ans, aux équinoxes de printemps et d’automne (ce serait toutes les nuits si l’équateur était aligné avec le plan de rotation de la terre autour du soleil, mais ce n’est pas le cas). Et même durant ces périodes, le passage dans l’ombre ne représente que 70 minutes par jour maximum.

  3. “C’est un concept qui cherche à collecter l’énergie solaire directement dans l’espace avant de la rapatrier sur terre sous la forme d’un rayonnement électromagnétique, le tout sans une once de gaz à effet de serre.”…Le question énergétique touche l’ensemble du cycle de vie…fabriquer un tel dispositif et l’envoyer dans l’espace est loin de se faire sans dégagement de gaz à effet de serre…petit analyse critique à intégrer dans les articles de ce type il me semble…

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