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Les éoliennes sont-elles vraiment dangereuses pour les oiseaux ?

Lors d’une étude financée par un grand nom des énergies renouvelables, aucun oiseau ne s’est heurté à une éolienne pendant une période de deux ans.

Sur le papier, l’idée d’exploiter la puissance du vent pour produire de grandes quantités d’énergie décarbonée est évidemment assez séduisante. Mais les éoliennes sont pourtant loin de faire l’unanimité chez les décideurs politiques. Lors de la dernière élection présidentielle, Marine Le Pen les a par exemple qualifiées d’« horreurs qui coûtent une fortune ». Mais paradoxalement, elles rencontrent aussi une ferme opposition de certains activistes environnementaux.

Ces derniers affirment que les éoliennes auraient tendance à décimer les populations d’oiseaux. Et il est incontestable que certains animaux ont déjà perdu la vie à proximité de ces structures. Le souci, c’est que le phénomène n’a pas toujours été étudié de façon rigoureuse. La plupart des études se basent sur des arguments strictement idéologiques ou sur des modélisations parfois assez hasardeuses. Il est donc  difficile d’estimer la vraie ampleur du phénomène. Mais cela pourrait changer grâce à une équipe de chercheurs financée par Vattenfall, le géant suédois des énergies renouvelables. Leurs derniers travaux suggèrent que les oiseaux pourraient être très doués pour esquiver ces turbines.

Du machine learning pour surveiller les oiseaux

Pour parvenir à cette conclusion, Vattenfall a investi 3 millions d’euros dans une technologie novatrice. Elle repose en premier lieu sur des capteurs radars qui permettent de suivre précisément la position des oiseaux à plusieurs centaines de mètres à la ronde.

Ces radars activent également un ensemble de caméras. Elles servent à alimenter un programme de vision par ordinateur basé sur l’IA. Dès qu’un volatile s’approche, le système commence par déterminer à quelle espèce il appartient avant de capturer des images de son passage.

Le système génère ensuite des représentations 3D très détaillées des trajectoires des oiseaux. Il s’agit d’une ressource très intéressante pour les chercheurs, car cela leur permet d’analyser statistiquement comment les animaux réagissent à la présence des éoliennes.

« On sait exactement où sont les oiseaux dans l’espace, et on peut décrire leur comportement à proximité des éoliennes en fonction de la distance, des turbulences qu’elles génèrent, des conditions météo… », explique Henrik Skov, directeur du projet, dans un communiqué. « Ce genre d’étude détaillée n’a jamais été mené auparavant. »

Zéro collisions en deux ans au large de l’Écosse

Une fois le système mature, les chercheurs ont installé un prototype à l’European Offshore Wind Deployment Centre à Aberdeen, en Écosse. C’est une installation expérimentale dont l’objectif est d’étudier les enjeux de la production d’énergie éolienne à grande échelle. Il s’agit à la fois de faire progresser la technique, mais aussi de vérifier l’impact d’une ferme éolienne de ce genre sur l’écosystème local.

Les chercheurs ont ainsi pu collecter une quantité de données assez significative. Et lorsque se sont penchés sur les résultats, ils ont été assez surpris ; sur plus de 10 000 passages d’oiseaux enregistrés sur une période de deux ans, le nombre de collisions avec les éoliennes était égal à… un zéro pointé ! Pas un seul d’entre eux ne s’est heurté aux pales des turbines sur toute la durée de l’étude.

un goéland argenté en vol
Le goéland argenté faisait partie des 4 espèces surveillées lors de cette étude. © Rob Pumphrey – Unsplash

En analysant les trajectoires de vol, les chercheurs ont mis en évidence quelques tendances intéressantes. Par exemple, ils n’ont observé aucune modification de trajectoire brutale à la dernière seconde. Cela suggère que les oiseaux de mer ont repéré les éoliennes avec beaucoup d’avance, et qu’ils n’ont donc pas été surpris par leur présence.

Ils ont ainsi pu adapter leur approche pour passer à côté des pylônes, à une distance confortable des pales. Dans l’archimajorité des cas, les oiseaux observés sont restés à plusieurs dizaines de mètres des rotors. En moyenne, ils sont restés à une distance de 150 à 70 mètres. Et les rares animaux qui s’en sont approchés à moins de 10 mètres n’ont eu aucun mal à tourner de 90° pour les éviter.

Des limites considérables

Ces conclusions s’opposent donc au discours des activistes qui affirment que les populations d’oiseaux seraient directement menacées par le déploiement des fermes éoliennes, en particulier au large. Et ce résultat pourrait avoir des implications considérables. En effet, le risque de collision occupe une place importante dans le processus d’attribution des permis pour l’éolien offshore. S’il a été surestimé, cela signifie qu’on pourrait éventuellement en installer beaucoup plus sans conséquence pour les populations d’oiseaux. Ce qui n’est pas négligeable dans le contexte énergétique actuel.

Mais il faut rester prudent sur l’interprétation et garder certaines limites en tête. La première, c’est que cette étude ne s’applique qu’à un écosystème particulier. Rien ne dit que les oiseaux sont aussi doués pour éviter les éoliennes dans d’autres environnements. De plus, la côte écossaise est dominée par quatre espèces bien précises (goéland argenté, goéland marin, mouettes tridactyles et fous de Bassan). Or, ces oiseaux-là pourraient aussi être des exceptions.

La dernière limite, et pas des moindres, c’est l’identité de l’acteur qui a financé ces travaux. Car les énergies renouvelables, ce n’est pas seulement une question d’écologie. C’est aussi un marché porteur. Et en tant que pointure du secteur, Vattenfall a évidemment un intérêt financier à pouvoir installer davantage de centrales éoliennes. Il faut donc tenir compte du fait que ces résultats font partie intégrante d’un effort de lobbying.

Une technologie prometteuse

Mais les chercheurs sont conscients de ces limites, et dans l’absolu, la méthodologie semble tout de même très solide. Désormais, tout l’enjeu va être de mener de nouvelles études de ce genre sur d’autres espèces et dans d’autres régions. Et le nouveau système de détection présenté dans ces travaux sera un outil très intéressant pour y parvenir.

des éoliennes offshore
© Nicholas Doherty – Unsplash

Si d’autres chercheurs arrivent aux mêmes conclusions dans d’autres niches écologiques, à terme, il serait éventuellement possible de multiplier le nombre de centrales éoliennes sans décimer les populations d’oiseaux. Et n’en déplaise à Marine Le Pen, il s’agit d’une perspective très enthousiasmante. Certes, les critiques habituelles (intermittence des énergies renouvelables, entretien coûteux…) sont toujours valables. Mais certains exemples concrets montrent déjà que l’éolien pourrait jouer un rôle important à l’avenir.

La Chine, par exemple, ne cesse d’installer des turbines géantes depuis quelques années. Et elle récolte déjà les fruits de cette initiative. Mais l’exemple le plus marquant reste justement celui de l’Écosse. Le pays du haggis et des cornemuses a presque atteint son objectif de 100 % d’énergie renouvelable (voir notre article). Et l’éolien joue un rôle déterminant dans cette transition.

À titre de comparaison, selon EDF, la France ne produisait que 6,3 % de son électricité grâce au vent en 2019. Le modèle est très différent, et autant le dire tout de suite, ce n’est pas demain la veille que nous allons pourrons tranquillement remplacer nos centrales nucléaires par des éoliennes. Mais il sera tout de même très intéressant d’observer les éventuelles retombées de ces travaux.

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4 commentaires
  1. L’agnotologie fait des ravages ! Les éoliennes tuent des millions d’oiseaux dans le monde et des milliards d’insectes !

  2. des millions rien que ca….les insectes ne sont pas en voie de disparition à la différence des oiseaux (les vrais et ceux de mauvaise augure)

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