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Hubble continue de se faire photobomber, et c’est de pire en pire

Les chercheurs tirent la sonnette d’alarme par rapport à la pollution visuelle générée par certains satellites modernes.

Une équipe internationale de chercheurs a tenu à attirer une nouvelle fois l’attention sur un problème relativement récent qui commence à échapper à tout contrôle : la pollution visuelle générée par certains satellites modernes, qui  “photobombent” régulièrement les observations de télescopes de pointe.

Le souci, c’est que les satellites artificiels sont généralement construits à partir de métaux comme l’aluminium ou le titane, qui réfléchissent la lumière incidente. De plus, la plupart d’entre eux émettent des signaux sous la forme d’ondes électromagnétiques relativement intenses.

Lorsqu’ils passent dans le champ de vision d’un télescope dans certaines conditions, ils peuvent donc apparaître comme un point brillant susceptible de masquer d’autres éléments intéressants. De plus, la plupart de ces observatoires fonctionnent avec des temps d’exposition assez longs. Les satellites laissent alors de grosses traînées sur les images capturées, ce qui diminue considérablement la qualité de l’observation.

Il y a encore quelques années, les cas problématiques étaient relativement peu nombreux. Les opérateurs des télescopes pouvaient donc se permettre d’en faire abstraction. Mais aujourd’hui, de nouveaux satellites sont mis en orbite chaque jour, et les capteurs des télescopes continuent de devenir de plus en plus sensibles.

Le problème commence donc à prendre des proportions vraiment préoccupantes pour les professionnels. Et c’est cet état de fait que les chercheurs ont souhaité documenter avec un rapport très documenté paru dans la prestigieuse revue Nature Astronomy.

Hubble a de plus en plus de mal à y voir clair

Pour donner plus de poids à leurs revendications, ils ont dû trouver un exemple particulièrement parlant. Ils ont jeté leur dévolu sur Hubble, le vénérable télescope qui régale les astronomes depuis plus de trente ans. C’est un sujet très pertinent dans ce contexte à cause des paramètres de son orbite.

En effet, il est positionné plus bas qu’une grande partie des satellites de l’orbite basse. Il navigue à environ 530 km du niveau de la mer, contre environ 2000 km d’altitude pour les satellites terrestres les plus éloignés. Cela signifie qu’il est emprisonné dans une “bulle” d’objets qui peuvent s’inviter dans son champ de vision à tout moment.

Des trainées de satellites polluent les observations d'Hubble
© NASA / ESA / STScI / Hubble

Pour illustrer l’ampleur du problème, les chercheurs ont fait appel à plus de 11 000 astronomes amateurs, tous contributeurs du Hubble Asteroid Project. Ils leur ont proposé de passer en revue des tas d’images capturées sur les 20 dernières années. L’objectif : noter celles qui étaient entachées par des traînées de satellites. Ils ont ensuite procédé à une analyse statistique à l’aide d’outils basés sur le machine learning.

Au terme du processus, il est apparu qu’environ 2,7 % des images d’Hubble étaient ainsi photobombées par des satellites. Et surtout, ils ont déterminé que cette probabilité avait presque doublé entre 2009 et 2020. Une tendance qui n’augure rien de bon.

Une dynamique qui ne va pas ralentir

Le souci, c’est que nous traversons en ce moment une période d’explosion de l’aérospatiale privée. De plus en plus d’entreprises mettent des satellites en orbite, parfois en grandes quantités. C’est notamment le cas de OneWeb et de SpaceX avec sa constellation Starlink. À elle seule, la firme d’Elon Musk a déjà déployé un nombre colossal de satellites.

Pour l’illustrer, on peut se baser sur le dernier recensement de l’UNOOSA. Il s’agit du bureau des Nations Unies qui gère les questions en lien avec l’espace. D’après l’institution, il y a actuellement plus de 8200 satellites artificiels en orbite autour de la Terre, dont environ 4200 en activité. Or, la firme d’Elon Musk a déjà lancé plus de 3500 Starlink… ce qui représenterait donc plus de 40 % des engins en orbite terrestre basse !

Et si ce chiffre semble déjà ahurissant, ce n’est encore qu’un apéritif par rapport à ce que SpaceX nous réserve. Au total, la firme prévoit de déployer plus de 12 000 satellites. Elle a même sollicité les autorisations nécessaires pour une possible extension à 42 000 engins d’ici quelques années !

Certes, elle a déjà annoncé qu’elle comptait prendre des mesures pour limiter l’impact de la constellation sur les télescopes. Mais cela ne suffira certainement pas à rassurer les astronomes. D’ici quelques années, il est tout à fait possible que la majorité des observations soient polluées par des satellites.

C’est un problème de taille, car le temps d’observation des télescopes de pointe est une ressource extrêmement précieuse pour la communauté scientifique. Si les astronomes doivent batailler pour trouver une fenêtre d’observation, cela ralentira considérablement la recherche fondamentale. Sans parler de l’impact sur les chercheurs. Ces derniers devront passer un temps considérable à faire le tri pour trouver quelques images exploitables.

Mais en parallèle, les enjeux économiques restent colossaux. Cette perspective ne suffira certainement pas à dissuader SpaceX et consorts de déployer de nouveaux engins en quantité industrielle. L’aérospatiale privée est désormais un train lancé à vive allure, et il serait illusoire d’espérer l’arrêter. Et les auteurs du rapport en sont bien conscients.

Pas de solution miracle

À court de solutions, ils suggèrent donc qu’il ne faudrait plus jamais déployer un télescope en orbite terrestre basse. Selon eux, il faudra systématiquement privilégier des emplacements beaucoup plus éloignés, comme le point de Lagrange où évolue en ce moment le James Webb…

Une vue d'artiste d'un nuage de débris autour de la Terre
Une vue d’artiste d’un nuage de débris autour de la Terre. © ESA/ID&Sense/ONiRiXEL

… à supposer que ce soit possible. Car avec cette prolifération des satellites, on voit aussi apparaître le spectre du syndrome de Kessler. Il s’agit d’une énorme réaction en chaîne qui pourrait survenir si deux objets entraient en collision dans une orbite saturée. Les débris pourraient alors venir pulvériser d’autres engins, dont les fragments seraient à leur tour catapultés à grande vitesse, et ainsi de suite.

On se retrouverait alors dans une situation potentiellement catastrophique. Ces débris pourraient tout simplement nous empêcher d’accéder à l’espace. De plus, ils menaceraient directement des infrastructures critiques comme le système GPS. Il va donc falloir croiser les doigts pour que les régulateurs prennent les devants, comme la NASA l’a encore réclamé récemment (voir notre article).

Le texte de l’étude est disponible ici.

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4 commentaires
  1. @Herbez Oui à part que récupérer un détritut qui fonce à 30000km/h, c’est plus compliqué que de ramasser les poubelles du quartier 😉

  2. Je me demande à quel point ces constellations de satellites perturbent les interféromètres.
    Même si perdre les téléscopes terrestre est dommage, ceux ci sont de toute façon dépassés, idem pour Hubble qui a bien mérité de prendre sa retraite.

    Par contre les installations terrestres ont encore un avantage sur l’espace c’est qu’on peut facilement y construire de grands réseaux d’antennes, et contrairement aux anciennes génération de téléscopes ceux ci sont irremplaçables.

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