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L’incendie de Notre-Dame révèle une nouvelle innovation architecturale majeure

Notre-Dame de Paris est désormais la “première Dame de Fer” identifiée parmi les cathédrales gothiques, selon les archéologues,

L’incendie de Notre-Dame aura été un événement aussi spectaculaire que déchirant. Mais la catastrophe a aussi mis au jour des éléments fascinants sur lesquels personne n’avait posé les yeux depuis des siècles. De quoi mettre un peu de baume au cœur des amoureux du patrimoine. Et nous en avons encore eu un très bel exemple la semaine dernière. Une équipe menée par Maxime L’Héritier, archéologue au CNRS affilié à l’Université Paris 8, a découvert une série d’agrafes métalliques à l’importance historique significative.

Comme leur nom l’indique, ces éléments sont des pièces de fer coudées aux deux extrémités. Comme les agrafes de bureau standard, elles servent à joindre deux pièces entre elles, sauf qu’il ne s’agit ici pas de papier. Il s’agit de grosses agrafes de maçonnerie, qui sont utilisées pour joindre des blocs de pierre massifs.

En effet, à l’époque, le béton armé n’existait pas encore. Ces agrafes étaient donc disposées à des endroits stratégiques de l’édifice pour renforcer les plus grandes structures. « Cette grille métallique, installée lors des premières phases de la construction, devrait être interprétée comme un renforcement innovant des nervures qui s’élèvent jusqu’à 11 mètres de haut, et qui devaient tenir debout sans le moindre support interne », expliquent les archéologues dans un papier de recherche publié la semaine dernière.

Une vieille technique au service d’une révolution architecturale

« Là où les autres bâtiments utilisent des renforts en bois et en cordes tendus entre les arches… les premiers maîtres-constructeurs de Notre-Dame de Paris ont fait le choix audacieux d’utiliser un système plus durable qui pourrait aussi être camouflé plus facilement », écrivent les archéologues.

Une agrafe métallique de Notre-Dame de Paris
© L’Héritier et al.

Certes, il ne s’agit pas d’une innovation complète. Des agrafes de ce genre étaient déjà utilisées lors de périodes plus anciennes. On en trouve par exemple un certain nombre dans le célèbre Colisée, bâti plus d’un millénaire auparavant par l’empereur romain Vespasien. En revanche, dans le cas des cathédrales, c’est une autre histoire. Ici, il ne s’agit pas seulement de ficeler de gros blocs de pierre ; il faut soigneusement lier chaque pièce d’un immense puzzle de presque 70 mètres de haut, plein de nervures et d’arches complexes.

Les spécialistes considéraient donc que l’utilisation de ces agrafes était relativement moderne dans ce contexte. Ils pensaient qu’elles étaient arrivées dans ces édifices tout à la fin du XIIe siècle. Jusqu’à présent, les premiers exemples identifiés étaient les cathédrales de Bourges et de Soissons. Mais après avoir daté celles de Notre-Dame, ils ont été forcés de changer d’avis.

En effet, certaines des attaches métalliques retrouvées aux quatre coins de l’édifice parisien remonteraient à 1160. Soit plusieurs décennies avant les deux exemples ci-dessus ! La plus grande cathédrale de l’époque était donc aussi un bijou d’ingénierie à la pointe de la technologie de l’époque. « Notre-Dame est désormais indiscutablement la toute première cathédrale gothique connue où du fer a été massivement utilisé en tant que matériau de construction pour lier des pierres », insistent les chercheurs dans leur papier.

Une fenêtre sur l’artisanat de l’époque

L’autre élément fascinant, c’est que ces agrafes ont aussi trahi des changements jusque dans l’organigramme de l’équipe de construction. En effet, les agrafes de la nef étaient très différentes de celles qui ont été utilisées au sol. Les experts ont attribué cette différence à l’arrivée d’un second architecte. Il serait arrivé entre 1170 et 1190 d’après des documents historiques.

Ce dernier a très probablement imité la technique de son talentueux prédécesseur. Il l’a ensuite transmise lui-même à une nouvelle génération d’architectes. « La continuité de la technique, du niveau le plus bas au plus élevé, et probablement sous la houlette d’au moins trois maîtres d’œuvre différents sur une période de 50 ans, est frappante », indiquent les archéologues. D’autant plus que cet exemple a inspiré de nombreux autres bâtisseurs par la suite.

Le dernier élément intéressant provient de l’analyse chimique des agrafes. Elles ont révélé que le fer qui a servi à les fabriquer provenait de sources diverses. De plus, différents fragments étaient régulièrement soudés entre eux. Selon les chercheurs, il s’agit d’un nouvel élément qui suggère que le recyclage du fer a connu un énorme boom au 12e siècle.

La structure métallique des agrafes de Notre-Dame de Paris
© L’Héritier et al.

D’après ScienceAlert, il existe en effet des documents qui prouvent qu’une taxe importante pesait sur l’import de fer. Le recyclage du matériel aurait donc été une façon pour les artisans d’amortir le coût de ce chantier pharaonique.

Ce n’est pas la première fois que la structure ravagée de Notre-Dame révèle des éléments archéologiques très intéressants. Auparavant, les chercheurs avaient aussi identifié deux sarcophages à la valeur historique « inestimable » (voir notre article). On peut donc s’attendre à ce que de nouveaux morceaux d’histoire soient mis au jour avant la fin du chantier, prévue en fin 2024.

Le papier de recherche est disponible ici.

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