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Les toiles de Léonard de Vinci cachent un drôle d’ingrédient secret

Le père de la Joconde et de nombreux autres Vieux Maîtres pourraient avoir utilisé du jaune d’œuf pour aider leurs chefs-d’œuvre à supporter l’impitoyable assaut du temps.

Les œuvres des Vieux Maîtres, ces illustres peintres européens ayant vécu entre le début du XVe et la fin du XVIIIe siècle, jouissent d’un statut très particulier. À cause de leur place importante dans le patrimoine culturel européen, certaines d’entre elles ont été scrutées et scrutées sous tous les angles par des scientifiques de tous horizons.

Plusieurs de ces analyses ont révélé la présence de faibles quantités de protéines dans les peintures utilisées par De Vinci, Botticelli, Rembrandt et consorts. Jusqu’à présent, les spécialistes ont presque toujours considéré qu’il s’agissait d’une simple contamination. Mais aucune étude n’avait jamais exploré cette question en profondeur. Une équipe internationale composée de chercheurs français, allemands et italiens a voulu changer cet état de fait ; ils proposent une nouvelle interprétation qui pourrait représenter une avancée significative en histoire de l’art.

La peinture à l’huile, c’est bien difficile…

Leur papier, publié dans la prestigieuse revue Nature Communications, suggère que la présence de ces protéines était tout à fait intentionnelle ; elle serait due à l’ajout d’une infime quantité de jaune d’œuf, dans l’objectif de modifier les propriétés chimiques de la peinture à l’huile.

À l’époque, la peinture ne sortait pas d’un tube acheté en grande surface ou en magasin spécialisé. C’était le fruit d’un processus entièrement artisanal qui consiste à mélanger des pigments colorés avec un liant.

De très nombreux Vieux Maîtres travaillaient avec de la peinture à l’huile, où ces pigments sont liés grâce à… une huile – quelle surprise. Cette technique présente des avantages évidents; ce n’est pas seulement pour la rime qu’une célèbre chansonnette popularisée par Bobby Lapointe affirme que c’est “bien plus beau que la peinture à l’eau“.

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En plus de proposer des couleurs remarquablement intenses, ce matériau a aussi tendance à sécher lentement. Un point tout sauf négligeable, car cela a permis aux plus grands virtuoses du pinceau d’effectuer les innombrables retouches qui ont donné un supplément d’âme à leurs chefs d’œuvres multicentenaires.

La peinture à l’huile était donc un matériau parfait pour permettre aux maîtres de laisser leur génie s’exprimer. Mais elle n’est pas non plus dénuée d’inconvénients. Son problème le plus important, c’est la préservation. En effet, la peinture à l’huile a tendance à s’assombrir et à jaunir lorsqu’elle reste exposée à la lumière pendant une durée prolongée. On parle alors d’oxydation, et c’est tout sauf idéal pour un peintre qui souhaiterait cimenter son héritage pendant des siècles.

Pas de toile de maître sans casser des œufs

Pour contourner ce problème et obtenir une peinture à la fois vive et stable, les Vieux Maîtres ont expérimenté avec des tas de recettes différentes en utilisant ce qu’ils avaient sous la main. Or, avant la démocratisation de la peinture à l’huile, de nombreux artistes utilisaient la tempera. C’est une technique connue depuis l’Égypte antique qui consiste à utiliser le jaune d’œuf comme liant.

Les deux techniques ont longtemps co-existé dans les ateliers des Vieux Maîtres, et c’est probablement comme ça que le jaune d’œuf s’est initialement retrouvé dans la peinture à l’huile.

un oeuf
© Jasmin Egger – Unsplash

Pour appuyer leur hypothèse, les chercheurs de l’équipe d’Ophélie Ranquet se sont penchés sur l’impact du jaune d’œuf sur la peinture à l’huile au niveau chimique. Ils ont donc recréé de la peinture d’époque en utilisant de l’eau distillée, des pigments et de l’huile de lin avant d’y ajouter cet ingrédient secret.

En analysant le résultat, les chercheurs ont constaté que la peinture s’oxydait beaucoup moins vite dans ces conditions, exactement comme ils s’y attendaient. De plus, cela évite aussi l’apparition de rides disgracieuses à la surface de la peinture, un autre souci qui a causé bien des maux de têtes aux artistes de l’époque. L’équipe explique que ce sont les antioxydants présents dans le jaune d’œuf qui sont à l’origine de ce phénomène.

 

Au-delà de cette observation prévisible, ils ont aussi trouvé d’autres avantages inattendus à l’addition de jaune d’œuf, notamment au niveau de la texture. En effet, certains pigments sont particulièrement délicats et sensibles aux conditions environnementales, comme l’humidité. Le fait d’ajouter du jaune d’œuf forme une couche de protéine protectrice autour du pigment. Cela permet à la peinture de garder sa consistance, permettant ainsi à l’artiste de l’appliquer avec une grande précision.

Un nouvel angle d’attaque pour étudier des œuvre historiques

Ces éléments ne permettent pas de prouver de manière définitive que les Vieux Maîtres ont ajouté délibérément du jaune d’œuf à leur peinture. Par contre, toutes ces propriétés si désirables pour les peintres rendent cette hypothèse très convaincante.

Leurs collègues se montrent en tout cas très enthousiastes. Selon Maria Perla Colombini, chercheuse en chimie analytique à l’Université de Pise, ces travaux pourraient fournir de nouveaux détails fascinants sur l’histoire de certains tableaux célèbres. « C’est un papier excitant qui dévoile un nouveau scénario pour comprendre les vieilles techniques de peinture », explique-t-elle dans une interview à CNN. « Ce n’est pas une simple identification de matériaux », insiste-t-elle.

La Lamentation du Christ de Botticelli, une des toiles où la peinture à l’huile contenait des traces de protéines. ©  Bavarian State Painting Collections, Munich

« Les chercheurs expliquent comment les Vieux Maîtres ont pu produire des effets à ce point sensationnels en utilisant les quelques matériaux naturels à leur disposition. Ils essaient de découvrir les secrets de vieilles recettes dont nous n’avons aucune trace écrite, ou presque. Ça contribue notamment à une meilleure conservation des œuvres, mais aussi à une meilleure compréhension de l’histoire de l’art en général », conclut-elle avec enthousiasme.

Cette observation pourrait aussi faire émerger de nouvelles questions sur le lien entre la technique et la nature profonde de l’expression artistique, que certains appréhendent justement comme un problème… de la poule et de l’œuf. La boucle est bouclée !

Le texte de l’étude est disponible ici.

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2 commentaires
  1. Et quelle étude. N’importe qui ayant fait un an d’histoire de l’art était déjà au courant…

  2. @les genies : ben non n importe qui ayant fait un an d histoire de l art savait qu on **supposait** que l oeuf etait utilisé. Aucune démonstration correcte ni explication de ce fait n a été mentionné… ou alors faudra me montrer le livre d art de géni qui prouvait cs dires…
    c est une énorme différence entre supposer et prouver (voir le nombre colossal d erreur dans les suppositions sur l’art).

    Donc non ceux qui lisent vraiment des ouvrages sur l art savent que lon ne SAIT pas que le jaune est utilise mais qu on le SUPPOSE historiquement (dans le cas de peinture a l huile bien sur)…

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