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Une nouvelle carte du cortex ajoute une couche de complexité au cerveau

L’Homonculus de Penfield tel qu’on le connaît vit peut-être ses derniers instants.

Ils ne le savaient pas encore, mais en 1950, le chirurgien Wilder Penfield et ses collègues ont donné vie à un concept qui allait devenir un immense classique des neurosciences : l’Homonculus, ou homoncule en français.

À l’origine, il s’agissait simplement de deux schémas. L’objectif de Penfield était de montrer à quelle partie du corps correspond chaque section du cortex moteur — la partie du cerveau qui gère les mouvements — et du cortex somato-sensoriel — celle qui traite les informations liées aux cinq sens.

Ces travaux très importants ont contribué à comprendre l’architecture de cet organe, avec différentes structures nerveuses qui sont associées à des fonctions bien précises. Penfield et ses collègues ont été les premiers à montrer de cette façon la différence entre les composantes motrices et sensorielles du système nerveux.

Plus tard, d’autres représentations sont apparues sous la forme de maquettes. Elles prennent l’apparence d’un petit humanoïde difforme qui semble tout droit sorti d’une expérience bio-ingénierie ayant mal tourné. Sur ces modèles, la taille de chaque membre est proportionnelle à l’importance de la zone motrice ou sensorielle correspondante du cerveau. Par exemple, si les mains de ces homoncules sont à ce point disproportionnées, c’est parce qu’elles occupent une place très importante au niveau du cortex.

Mais il va peut-être falloir reconstruire l’homoncule de la tête au pied — voire s’en débarrasser complètement. C’est en tout cas ce qui ressort d’une étude récemment publiée dans Nature. L’équipe de Nico Dosenbach, à l’Université de Washington, vient de montrer que l’architecture du cortex moteur est nettement plus alambiquée que prévu.

Un « système secret de régions cérébrales »

Pour arriver à cette conclusion, l’équipe a utilisé l’IRM fonctionnelle. C’est une variante de cet examen courant qui mesure les changements du flux sanguin dans le cerveau en fonction de l’activité neurologique.

Cela leur a permis de vérifier que certains aspects de l’homoncule étaient effectivement valides. Par exemple, ils ont confirmé que ce sont des régions bien distinctes du cerveau qui contrôlent les pieds, les mains, ou les muscles du visage.

Le schéma original de l'homonculus de Penfield et la nouvelle version
Le schéma original de Penfield (à gauche) et une ébauche de la nouvelle version proposée par les chercheurs (à droite). © Penfield / Dosenbach et al.

Mais ils ont aussi identifié trois zones neurologiques qui recouvrent plusieurs de ces régions à la fois. Ces zones sont fortement connectées entre elles, mais pas seulement. Elles sont aussi reliées à d’autres parties du cerveau. L’équipe cite par exemple celles qui gèrent la prise de décision. Ils mentionnent aussi la régulation de certaines fonctions biologiques, comme la pression sanguine ou la réponse à la douleur. Cela confirme que la représentation classique de l’Homonculus est assez caricaturale. Elle fait abstraction de certains mécanismes neurologiques très importants.

« Nous n’avions aucune idée que ce système secret de régions cérébrales existait avant l’arrivée de l’IRM fonctionnelle », explique Michael Fox, neurologiste interviewé par Nature. « Nous pensions tout savoir de cette région, mais son organisation est beaucoup plus complexe qu’on ne le pensait », explique sa collègue Angela Sirigu dans le même article.

Ils ont aussi soumis des enfants d’âges variés à ce même examen. Cela a permis d’observer que ces zones n’étaient pas encore présentes chez les nouveau-nés. Elles l’étaient cependant chez des enfants entre 1 et 9 ans. Selon Dosenbach, cela renforce la théorie que ces réseaux permettent de coordonner des actions complexes, puisque les nourrissons ne sont pas encore capables de contrôler leurs mouvements avec précision.

Vers de nouvelles pistes thérapeutiques

Ces travaux pourraient avoir des retombées assez importantes. Notamment pour les personnes qui souffrent de problèmes moteurs, par exemple suite à un AVC. Dylan Edwards, un spécialiste de la neuro-réhabilitation interviewé par Nature, suggère que la découverte de cette nouvelle architecture cachée pourrait permettre de « développer de nouvelles thérapies sur mesure en fonction de certains motifs ou déficiences spécifiques ».

On peut aussi imaginer que ces travaux pourraient jouer un rôle dans le développement des interfaces cerveau-machine de nouvelle génération.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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Source : Nature

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