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Le processeur quantique d’IBM bat un supercalculateur à son propre jeu

Grâce aux progrès récents sur les technologies de correction des erreurs, l’informatique quantique n’a jamais été aussi proche de passer à la vitesse supérieure.

Dans un communiqué repéré par Interesting Engineering, IBM a annoncé que son processeur quantique Eagle s’est montré plus performant qu’un supercalculateur traditionnel lors de la résolution d’un problème mathématique complexe. D’après la firme, c’est la première fois qu’un engin de cette catégorie prouve sa capacité à proposer des résultats précis et cohérents avec plus de 100 qbits, et cela représente une avancée conséquente.

Ces qbits sont les équivalents quantiques des bits de l’informatique traditionnelle ; en substance, ce sont des sous-unités logiques qui permettent de stocker l’information. La différence principale, c’est que contrairement aux bits classiques qui peuvent exister sous forme de 0 ou de 1, les qbits peuvent exister dans un état intermédiaire permis par le phénomène de superposition quantique.

Un concept qui n’a pas vraiment de sens en physique traditionnelle. Mais en stockant ainsi des informations complexes sous forme de différences subtiles dans l’état quantique de la matière, on ouvre la voie à des types d’opérations dont les ordinateurs traditionnels ne sont pas capables… à condition que tous ces qbits cohabitent paisiblement. Et c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire.

Faire collaborer les qbits, le grand défi de l’informatique quantique

Pour qu’ils puissent faire leur office, il faut les maintenir dans ce fameux état de superposition — mais ce n’est pas tout. Les différents qbits doivent aussi présenter une intrication quantique. Très sommairement, c’est un état où deux particules sont reliées par un lien inextricable et indépendant de leur distance ; si l’une des deux particules subit la moindre modification, l’autre subira précisément les mêmes effets, même si elle est positionnée à l’autre bout de l’univers.

C’est un mécanisme extrêmement délicat, car les qbits peuvent aussi interagir avec les autres systèmes quantiques à proximité. Chacune de ces interactions peut perturber le système. Lorsqu’elles surviennent, l’intrication quantique si importante dans ce cas de figure a tendance à s’écrouler ; on parle alors de décohérence.

Il est donc très difficile de maintenir deux particules dans un état intriqué. Et la complexité du problème augmente de façon exponentielle avec le nombre de qbits. Il s’agit d’une des principales limites qui freinent encore le développement de cette technologie. Si l’informatique quantique n’a pas encore dépassé l’informatique haute performance dans de nombreux domaines, c’est en grande partie à cause de ce problème de cohérence.

Mieux vaut guérir que prévenir

Et c’est à ce niveau-là que les chercheurs d’IBM viennent de frapper un grand coup. Au lieu de perdre du temps à essayer de maintenir une intrication parfaite entre les 127 qbits de leur processeur Eagle, ils ont opté pour une approche différente : accepter qu’il restera toujours des interférences, et essayer de corriger ces erreurs plutôt que de les prévenir.

Ce concept est assez à la mode chez les chercheurs en informatique quantique. En début d’année dernière, trois équipes de chercheurs ont présenté des travaux où ils ont réussi à atteindre des niveaux de précision impressionnants grâce à ces systèmes de correction (voir notre article ci-dessous). Ces travaux très exploratoires se limitaient à des tests sur des couples de deux qbits. Mais entre temps, cette approche a progressé. Les ingénieurs d’IBM ont pu l’appliquer aux 127 qbits de l’Eagle en simultané.

Ils ont ainsi pu mener une simulation extrêmement précise du comportement d’un ensemble de particules. L’objectif était de prédire les propriétés physiques d’un matériau. C’est typiquement le genre de problème qui pose de gros problèmes aux ordinateurs classique. Même les supercalculateurs les plus puissants mettent un temps considérable à effectuer tous ces calculs. Le processeur Eagle, en revanche, s’en est très bien sorti.

L’informatique quantique grand public approche

Pour analyser les résultats, les chercheurs ont collaboré avec une autre équipe de l’Université de Berkeley. Ces chercheurs ont réalisé les mêmes opérations, mais sur des supercalculateurs classiques. Au fur et à mesure que la taille de la simulation augmentait, ils ont constaté que l’Eagle continuait de proposer des résultats extrêmement précis. Les supercalculateurs, en revanche, ont fini par perdre les pédales sous le poids de cette montagne d’information. Les chercheurs en ont déduit que la correction des erreurs a permis de « surpasser les meilleurs systèmes de simulation classiques ».

« C’est la première fois qu’un système quantique modélise avec précision un système physique naturel au-delà de ce qui est possible avec les approches classiques », explique Dario Gil, vice-président et directeur d’IBM Research. « Pour nous, c’est une étape très significative pour prouver que les ordinateurs quantiques sont déjà des outils performants, capables de résoudre des problèmes très difficiles — et peut-être même impossibles — pour les systèmes traditionnels », insiste-t-il.

C’est d’autant plus impressionnant qu’Eagle n’est même pas le meilleur processeur quantique d’IBM. En novembre 2022, la firme a présenté Osprey, un nouveau modèle à… 433 qbits (voir notre article). On comprend donc pourquoi Gil considère que cela « marque le début d’une nouvelle ère ».

© IBM Quantum

Bientôt, nous pourrons enfin exploiter le potentiel fabuleux de cette technologie de façon très concrète. Et avec ce succès en poche, IBM espère bien pouvoir en faire bénéficier ses clients très rapidement. Au cours de l’année prochaine, la firme compte proposer une vraie offre cloud en bonne et due forme. Le communiqué mentionne des ordinateurs quantiques à plus de 127 qbits accessibles depuis n’importe où dans le monde.

Un premier pas très enthousiasmant. Certes, cette offre mettra probablement un certain temps avant d’arriver à maturité. Mais c’est un signe que les systèmes quantiques ne se contenteront bientôt plus d’imiter les supercalculateurs. A partir de là, il sera théoriquement possible de s’attaquer à une nouvelle classe de problèmes qui étaient fondamentalement insolubles pour les ordinateurs traditionnels. Avec tout ce que cela implique pour la recherche scientifique, et pour notre civilisation en général.

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Source : IBM

2 commentaires
  1. IBM est un géant technologique plutôt discret mais toujours à la pointe de la technologie et cela depuis bien longtemps déjà. Une entreprise solide, stable, performante avec de la R&D de très haute qualité. J’ai toujours apprécié IBM d’ailleurs j’ai encore un PC IBM (transportable), écran ambre avec un 8086 (et de mémoire son coprocesseur mathématique 8087) le tout sous DOS et qui fonctionne encore aujourd’hui !

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