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ExoMars : le gotha de l’aérospatiale reçoit 552 millions pour relancer la mission

Ce programme européen extrêmement ambitieux avait été temporairement sacrifié sur l’autel de la guerre en Ukraine; il va désormais se remettre en ordre de marche grâce à l’intervention d’une équipe de choc constituée de cadors de l’aérospatiale européenne.

L’Agence Spatiale Européenne (ESA) vient d’accorder un contrat à un groupe de pointures de l’aérospatiale pour ressusciter la mission ExoMars. Ce groupe mené par Thales Alenia Space bénéficiera d’une enveloppe de 522 millions d’euros pour relancer le déploiement d’un rover qui avait été temporairement sacrifié sur l’autel de la guerre en Ukraine il y a deux ans de cela.

Cette mission qui faisait la fierté du camp européen a commencé en 2016 avec la mise en orbite du Trace Gas Orbiter, une sonde conçue pour étudier la composition de l’atmosphère martienne. Le second volet est encore plus excitant, puisqu’il prévoit de déployer le tout premier rover martien de l’histoire du Vieux continent, rien que ça ! Cet engin a été baptisé Rosalind Franklin, en hommage à une illustre chimiste britannique dont les travaux ont été essentiels pour comprendre la structure de l’ADN et de l’ARN — des éléments fondamentaux de la vie telle qu’on la connaît.

Un programme paralysé par la guerre

À l’origine, l’objectif était de l’envoyer rejoindre son collègue américain Perseverance pour rechercher des traces de vie passée sur Mars en septembre 2022… mais Vladimir Poutine est venu dynamiter ce calendrier en même temps que les frontières de l’Ukraine lorsqu’il a pris la décision de lancer son « opération spéciale de trois jours » contre son voisin.

En effet, ce projet était le fruit d’une collaboration étroite entre l’ESA et Roscosmos, l’agence spatiale russe. Or, les relations entre les deux institutions se sont passablement refroidies avec l’explosion de la guerre. Résultat : l’ESA a fini par exclure unilatéralement Roscosmos du programme, malgré sa contribution déjà importante. De quoi faire fulminer Dmitryi Rogozine, le sulfureux chef de l’agence russe qui a finalement été limogé par Poutine quelques jours après ce revers.

Mais quoi que l’on pense de cette décision intrinsèquement politique, il est incontestable qu’elle a eu des conséquences importantes sur ce grand programme. Le rover devait déjà collecter de la roche cramoisie sur Mars depuis quelque temps; à la place, il prend la poussière dans une unité de stockage de l’ESA.

En effet, c’est le contingent russe qui devait fournir les lanceurs et l’atterrisseur nécessaires pour déployer l’engin. Le manque à gagner scientifique est donc considérable. Une situation d’autant plus frustrante que pendant ce temps, son homologue américain Perseverance s’en donne à cœur joie sur la planète voisine en enchaînant les trouvailles saisissantes.

Plusieurs pointures européennes pour rectifier le tir

Le nouveau contrat va enfin permettre de sortir le programme de son hibernation forcée. Grâce à cette équipe de choc, composée du gotha de l’aérospatiale européenne, la mission devrait enfin repartir sur la bonne voie. L’autre bonne nouvelle, c’est que selon Daniel Neuenschwander, directeur de l’exploration à l’ESA, il n’y aura pas besoin d’apporter la moindre modification au rover en lui-même. Le consortium va se charger de lui construire un écrin sur mesure.

Thales Alenia Space
La coentreprise franco-italienne Thales Alenia Space va mener l’équipe chargée de relancer le programme ExoMars. © Thales Alenia Space

Thales Alenia Space va piloter la conception d’une plateforme d’atterrissage pour remplacer le matériel russe. En parallèle, Airbus Defence and Space, qui a déjà beaucoup contribué au programme en construisant le rover, va fournir les systèmes de propulsion pour cette plateforme. Enfin, ArianeGroup va se charger du bouclier thermique du module de transport qui a été attribué à l’entreprise allemande OHB.

En outre, la NASA va également donner un coup de pouce à son partenaire européen. Elle fournira deux éléments clés de la mission, à commencer par les rétropropulseurs qui permettront à tout ce matériel de se poser en douceur sur Mars. En parallèle, elle apportera aussi les RHU (Radioisotope Heating Unit), des systèmes de chauffage qui vont recycler la chaleur produite par le réacteur au plutonium du rover pour le garder au chaud pendant l’impitoyable hiver martien.

Quid du lancement ?

Reste encore une question cruciale : qui va se charger du lancement ? Instinctivement, on pense évidemment vers Ariane 6, le futur fleuron européen dont le vol inaugural est attendu très prochainement. Mais, l’ESA semble déjà avoir tiré un trait sur cette idée. Apparemment, elle envisage plutôt de faire appel à un prestataire américain pour des raisons qui n’ont pas été spécifiées. « Il y a des candidats naturels qui disposent déjà de lanceurs opérationnels capables de décoller depuis le sol américain », a déclaré Neuenschwander lors d’une conférence citée par SpaceNews.

Reste encore à savoir lesquels. Forcément, tous les regards se tournent vers SpaceX, et notamment vers sa fusée Falcon Heavy qui a déjà fait ses preuves et dispose d’une capacité de charge utile suffisante pour lancer le rover et son atterrisseur.Le cas échéant, il s’agirait d’un autre programme européen majeur lancé par l’Oncle Sam, comme le télescope chasseur de matière noire Euclid.

Mais d’autres possibilités existent, comme le Vulcan Centaur flambant neuf d’United Launch Alliance, un autre taulier de l’écosystème américain. On peut notamment citer New Glenn, le lanceur de Blue Origin qui pourrait suivre dans la foulée, après des années de galère technique.

Quoi qu’il en soit, le programme ExoMars reprend enfin des couleurs, et c’est une excellente nouvelle pour la légitimité scientifique de l’Europe. Il ne reste plus qu’à suivre l’avancement du programme en espérant que tout ce beau monde parviendra à boucler ce cahier des charges avant fin 2028, la date prévisionnelle du lancement à l’heure actuelle.

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