Critique Apaches : entre John Wick et Peaky Blinders ? 🏹
Si vous avez jeté un œil à notre critique du Dernier voyage, son premier long, vous savez qu'on a placé Romain Quirot dans la liste des nouveaux réalisateurs français à suivre. Alors quand celui-ci délaisse la science-fiction pour le film de gangsters historique, il n'en fallait pas plus pour qu'on se jette sur ses Apaches.
Oui, on sait, notre titre est peut-être un peu fort. Mais avouez qu’une histoire de vengeance en plein Paris qui sort sur grand écran une semaine après un certain John Wick 4, le tout dans une ambiance de loi des gangs du début du XXe siècle, le double parallèle est facile. Et puis, si ça suffit à faire monter l’intérêt autour du nouveau film de Romain Quirot, alors on assume pleinement notre choix tant Apaches mérite bien un coup de projecteur.
Une entrée en matière moins académique que d’ordinaire qui colle bien à l’idée du long-métrage lui-même, récit d’une jeune femme intégrant les Apaches, un gang qui n’hésitait pas à voler et à tuer dans le Paris d’avant-guerre alors que la révolution industrielle change le visage de la Capitale. Une troupe vivant au jour le jour, l’esprit libre et la rage au ventre. Rage qui va animer notre héroïne alors qu’elle se rapproche de plus en plus de l’homme qui a tué son frère.
Colore ma vie du chaos des ennuis
Si on apprécie tant le jeune cinéma de Romain Quirot, c’est parce que malgré ses nombreuses faiblesses, c’est un cinéma qui s’accepte, ne cherchant jamais à se travestir ou à rentrer dans les cases. Au fond, c’est un cinéma anarchiste qui se retrouve ici parfaitement dans son sujet, ne présentant pas moins ses Apaches comme un gang de criminels que comme des gens réunis par ce même désir de vivre loin des règles qu’on veut leur imposer ; et qui trouvent dans la violence un moyen d’exprimer leur colère contre une société bourgeoise qui veut les museler.
Dès lors, on ne peut bouder complètement notre plaisir devant cet objet pop, coloré qui se fiche des conventions, de la valeur historique, préférant afficher ses anachronismes pour mettre en avant davantage l’idée que les actes. Mais Quirot ne fait pas pour autant des héros de ses personnages, préférant y voir une génération perdue se rebellant contre le changement. Au final, Apaches n’est pas tant un film de gangsters qu’une poésie hors du temps qui trouve toujours un écho une centaine d’années plus tard. Ici, l’important n’est pas l’atterrissage, c’est la chute.
Une note d’intention qu’on retrouve finalement tout au long du métrage tant son action, comme sa fin, y est abrupte. D’une durée de seulement une heure et demie, le film ne prend que peu le temps d’installer ses scènes. Comme s’il fallait rapidement passer à autre chose. C’est tantôt déconcertant, tantôt décevant, mais c’est toujours pertinent dans le propos général. Du moins, on l’espère.
Des Apaches restés en jachère
Parce que si on a envie de prêter cette volonté consciente à Romain Quirot d’exagérer parfois trop fortement son film pour le propre bien de celui-ci, c’est justement parce qu’Apaches ne se montre pas à la hauteur de nos espérances une fois son extrémisme audacieux mis de côté.
On passera évidemment sur un manque de budget visible tant le cinéaste n’en fait toujours pas un frein à ses projets (bien lui en prend) pour s’intéresser davantage à un certain manque d’ambition narrative. Par sa rapidité scénaristique, le film empêche que l’on s’arrête sur des détails qui auraient pourtant eu leur importance. On retrouve ainsi les lacunes du Dernier Voyage avec un récit à très fort potentiel, mais qui tombent trop facilement dans les poncifs du genre pour vraiment s’extirper de la masse dès lors l’effet de style digéré.
Ainsi, on ne parviendra pas vraiment à s’attacher à des personnages dont les portraits et les relations ne sont que brossés, handicapés par une quête de vengeance qui doit avancer. Les nombreuses ellipses tentant alors de combler les manques, mais la technique est bien trop superficielle pour qu’on tombe dans le panneau. Jamais on ne comprendra réellement le leadership indiscuté de Jésus (Niels Schneider) au-delà de son simple charisme. Jamais on ne partagera le trouble habitant Billy (Alice Isaaz), tiraillée entre sa haine et son amour.
Un défaut accentué par ce qui reste, pour l’instant, le gros point noir de la jeune carrière du réalisateur : une direction d’acteurs qui peine à faire ressortir le meilleur de son casting pourtant solide. Dans leur jeu, leurs interactions, on a constamment l’impression que tout sonne faux, obligé, comme s’il ne comprenait pas eux-mêmes les personnages qu’ils sont censés incarnés au-delà de leurs descriptions basiques.
Apaches prouve ainsi que Romain Quirot a encore une énorme marge de progression, mais qu’il reste aussi l’un des cinéastes français actuels les plus intéressants à suivre. On se donne déjà rendez-vous pour son prochain film !
Notre avis
Apaches dénote dans la production française actuelle tout simplement parce qu'il ne ressemble à aucun autre. Une différence autant positive quand elle concerne la folie créative de son auteur, que négative lorsque cette même folie s’essouffle, consciente que le chemin sera encore long avant de pouvoir jouer dans la cour des grands. Néanmoins, voilà un outsider loin d'avoir fait son dernier voyage.