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Télémédecine : on a testé la cabine de téléconsultation clinique H4D

À mi-chemin entre le module spatial et le photomaton, la cabine de télémédecine clinique H4D espère mettre fin à la désertification médicale, mais aussi faciliter la prise en charge des urbains.

Presque inconnue du grand public avant la pandémie, la téléconsultation a explosé depuis quelques années, passant de 0,04% des consultations en 2019, à près de 4,5% en 2021 (chiffres Odoxa pour ANS). Propulsée par la plateforme Doctolib, puis par quelques outsiders comme Qare ou Maiia, la pratique séduit de plus en plus, et pour cause : non seulement il est bien plus simple et rapide de prendre rendez-vous, mais en plus il est possible de consulter tout en restant chez soi. Un double avantage particulièrement séduisant en période de covid-19. Lors du premier confinement en avril 2020, le nombre de téléconsultations a ainsi dépassé les 4,5 millions de rendez-vous en un mois.

Si on peut difficilement nier le côté pratique de la téléconsultation, le constat reste cependant plus mitigé concernant la qualité du diagnostic. Privé de ses outils, et de la plupart de ses sens habituels, le médecin ne peut finalement compter que sur la caméra (pas toujours efficace) du smartphone et les ressentis de son patient. Une situation qui ne lui permet pas d’exercer dans de bonnes conditions, déplore le docteur Franck Baudino, fondateur de la start-up H4D : “Avec un téléphone, je ne peux écouter ni votre cœur ni vos poumons, je mets au défi n’importe quel médecin de soigner ne serait-ce qu’une toux chez l’adulte de cette manière”.

La médecine du futur existe déjà aujourd’hui

C’est là qu’entre en scène la Consult Station d’H4D. Moins connue que Doctolib, la start-up a pourtant elle aussi révolutionné le monde de la télémédecine. En 2006, son fondateur le Dr Franck Baudino dépose le premier brevet d’un projet aux ambitions démesurées : un cabinet médical connecté, capable d’opérer sans aucun médecin présent physiquement à son bord. Après sept ans de recherche et développement, 28 brevets et cinq ans de certifications auprès de la réglementation européenne et de la FDA (Food and Drugs Administration) américaine, la cabine obtient finalement son statut de dispositif médical de catégorie 2, un passage obligatoire pour exercer sur le vieux continent.

H4D Consult Station extérieur cabine
© H4D

Avec ses quinze capteurs et instruments de mesure, son impressionnant arsenal technique et la suite logicielle qui l’accompagne, la cabine H4D est ainsi capable de diagnostiquer et de traiter 98% des patients à l’issue d’une consultation. Un chiffre bien plus élevé que lors d’une téléconsultation classique, qui ne permet de diagnostiquer que 5% des consultations. “C’est pour cette raison qu’on fait désormais la différence entre télémédecine, et télémédecine clinique, afin que les gens comprennent bien la différence”, explique Franck Baudino.

Décentraliser le médecin, mais pas la médecine

Une fois installé sur le siège incliné de la cabine, il faut bien admettre que le petit espace se veut impressionnant. Face à nous, une caméra et un écran permettent au médecin de suivre la téléconsultation à distance. Un peu plus bas, on retrouve un emplacement destiné à accueillir la carte vitale, et à délivrer une ordonnance papier. À notre droite, un écran tactile permet de configurer l’appareil, puis de répondre à une série de questions préliminaires. De part et d’autre, 15 capteurs et instruments sont destinés à la prise de mesures.

H4D Consult Station carte vitale
© H4D

La consultation débute finalement comme n’importe quel rendez-vous physique chez le médecin : après un échange rapide sur nos habitudes de santé et la création d’un dossier patient, place à l’auscultation. Pour le stéthoscope comme pour le reste des instruments, c’est à nous de placer correctement le dispositif, sous les indications du médecin qui déclenche ensuite la mesure. Viennent ensuite l’oxygénation du sang, la prise de tension et de température, puis la pesée. Le praticien nous guide ensuite pour effectuer une autopalpation abdominale, nécessaire pour détecter certaines pathologies.

Pour les examens plus poussés, la cabine renferme également un dermatographe, qui permet de réaliser des clichés de qualité dermatologique, ainsi qu’un arsenal d’instruments destinés à évaluer la vue et l’audition, mais aussi d’éventuelles affections ORL.

H4D Consult Station coté cabine
© Amandine Jonniaux / JDG

Pour une première expérience de téléconsultation clinique, il faut bien admettre que la situation est intimidante, surtout lorsqu’il est question de manipuler soi-même les instruments. Guidé par le praticien, l’exercice se révèle pourtant plus simple qu’il n’y paraît, et finit même par devenir didactique. La partie la plus complexe de la consultation revient finalement au médecin, qui de son côté, a la tâche de nous guider tout en interprétant à distance les signaux. “Réaliser une consultation médicale à distance, ce n’est pas pareil qu’en présentiel”, détaille Franck Baudino. “En plus de former les médecins à la partie technique et logicielle, on a aussi dû développer une nouvelle branche de la médecine qu’on appelle la télésémiologie, ou étude des signes à distance”.

Sur les 272 pathologies les plus fréquemment diagnostiquées, le créateur d’H4D et son équipe, en collaboration avec le CHU et l’université d’Angers se sont ainsi attelés à la lourde mission d’extraire les symptômes visibles pour les appliquer au domaine de la téléconsultation. Un travail qui commence à porter ses fruits, avec sa publication dans certaines revues scientifiques.

À la fin de la consultation, on repart finalement avec une ordonnance papier, un suivi médical complet accessible depuis l’application (entièrement stocké sur des serveurs sécurisés Orange), mais surtout l’impression d’avoir bénéficié d’une vraie consultation médicale, bien loin de la frustration parfois engendrée par les téléconsultations classiques. De son côté, le praticien adresse systématiquement un compte-rendu détaillé au médecin traitant. Une démarche éthique, estime Franck Baudino, qui souhaite “respecter nos patients, mais aussi nos confrères”. Notons qu’en cas d’urgence, le médecin peut aussi décider de transmettre directement les coordonnées GPS de la cabine aux services de secours.

H4D screen
© H4D

Plus futuriste encore, la Consult Station est capable de fonctionner seule. Destiné à la prévention, le mode check-up permet de réaliser différentes mesures, afin de délivrer un diagnostic préliminaire. Un procédé particulièrement utile dans les services d’urgences d’un hôpital notamment : Depuis 2014, la cabine est installée à l’Hôpital privé du Vert Galant en Seine-Saint-Denis afin d’améliorer le tri et la prise en charge des patients, mais aussi réduire leur temps d’attente, et faciliter la transmission des données de santé.

La fin des déserts médicaux ?

H4D Consult Station médecin
© H4D

Implantée dans les hôpitaux, mais aussi dans certains centres de soin, dans les entreprises privées (notamment pour les visites médicales annuelles et les maladies ponctuelles), les mairies, ou directement dans les entreprises, la solution H4D ambitionne désormais de mettre fin aux déserts médicaux, aussi bien dans les campagnes isolées que dans les grandes villes, où il est de plus en plus compliqué de prendre rendez-vous avec son médecin. Seul réel frein à la démocratisation du service pourtant révolutionnaire, son modèle économique encore difficile à appliquer pour les petites entreprises privées et certaines collectivités publiques, et les questionnements éthiques liés à une installation dans certains lieux de vente, notamment les pharmacies.

Louées 2900€ par mois, les cabines H4D prévoient cependant d’être déclinées dans de nouveaux dispositifs plus abordables. Notons que ce tarif s’explique en partie par le fait que pour le moment, c’est à l’entreprise ou à la collectivité de payer la facture. Les patients de leur côté, ne sont impactés par aucune hausse de prix : les consultations sont facturées 25€ sans dépassement d’honoraires, et directement pris en charge par le tiers payant. Actuellement, aucun dispositif de paiement n’est d’ailleurs intégré aux cabines, même si Franck Baudino n’exclut pas une évolution de la prise en charge à l’avenir, conformément aux législations françaises et européennes.

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Notre avis

Si elles ne sont pas encore implantées partout, les cabines de télémédecine clinique H4D s’imposent comme des dispositifs d’utilité publique. En plus d’ambitionner la fin des déserts médicaux et la facilitation de l’accès aux soins, le projet porté par Franck Baudino et ses équipes est aussi une réelle promesse, à la fois technologique et éthique.
4 commentaires
  1. Le capitalisme nous prépare un monde bien triste, sans humain, sans contact, sans bonheur.
    Le futur ne donne absolument pas envie.

  2. Tu préfères un un monde bien triste, sans humain, sans contact, sans bonheur, ou un monde tout aussi triste sans humain, sans contact, sans bonheur, mais avec double dose de déserts médicaux en prime ? Moi c’est tout vu

  3. Bonjour.
    J’avais commencé un commentaire pour vous donner mon expérience de ce genre de visio-médecine mais il fut tellement long à tout expliquer et ce fût tellement personnel qu’à la finale j’ai tout effacé et me contente (fort de multiples expériences dans ce domaine en +2 ans et des problèmes de santé sérieux) de signifier ma fort désapprobation en ce genre de services, son incompatibilité totale avec le serment d’Hippocrate des médecins, ainsi qu’à une probable rémission des patients, qui ne sont, au aucun moment considérés comme tels mais comme des clients VPC. Contribuer à faire évoluer la médecine et le soin des patients dans ce sens ne corresponds ni à une vision humanitaire des soins ni à une vision égalitaire pour les gens qui ont contribués toute leur vie au trou de la sécu par leur travail quotidien…
    Non, décidemment, j’ai testé et,… après avoir contribué de longue, m’être bousillé la santé dans le bâtiment …, je me retrouve avec de graves problèmes de santé, soigné comme une merde ! Obligé d’aller dans le privé, de tout payer et d’être remboursé bien en déca de ce que je sors et des lustres après le règlement des frais, de me taper les déplacements à des centaines de bornes pour voir des spécialistes car “il n’y en a plus aucun proche de chez moi”…. et que la “télémédecine” montre clairement ses limites et demande forcément une consultation physique et des examens réels !

    Donc pour moi : la bobologie en téléconsultation OK ! Mais ne cédons pas à la facilité, à la mondialisation… L’expérience humaine, aussi couteuse qu’elle soit, doit prendre l’ascendant sur la facilité et l’inhumanité. Les news tech et l’IA se doivent de rester en second plan, considérons les comme des aides et non des maitres et nous resterons maîtres de nos destins !

  4. @Le Hibou
    C’est déjà trop tard Man, sans vouloir remettre le couvert avec les mêmes poncifs et litotes, on a déjà amorcé depuis la dernière décennie une nouvelle métrique radicale vers ce qu’on peut communément désigné de zombification/fanatisation envers les technos de l’information, dans un contexte économique d’hyper inflation ou d’hyper financiarisation globalisée, et non plus mondialisé.
    Soulignons que la science et surtout son bras d’extension la technologie n’est plus un outil mais une finalité, en somme l’humain au service de la machine, célèbre sillon dystopique.
    J’ai bossé comme toi dans le secteur de la construction et de l’énergie, t’as vu la mutation du bouzin depuis 2008-2010 ? L’évolution des systèmes d’info, ordinateurs, régulateurs, électronique et multiplexage dans les équipements depuis cette période, accélérant de facto la demande en énergies et MP ? Pour quels réels bénéfices pour la majorité de la masse ? C’est foutu.
    Bienvenue dans l’ère de la déshumanisation.
    @journaldugeek, petit détail : remplacez éthique par déontologique, car nous parlons d’un cadre professionnel et statutaire c.a.d avec des personnes physiques ou morales (juridique) . Et non dans une réflexion individuelle ontologique, philosophique, scientifique, même si c’est effectivement lié en amont.

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