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[Critique] Bienvenue à Suburbicon

Trois ans après un Monument Men peu convaincant, George Clooney repasse derrière la caméra pour égratigner la vision magnifiée de l’Amérique des années 50. Un plaidoyer…

Trois ans après un Monument Men peu convaincant, George Clooney repasse derrière la caméra pour égratigner la vision magnifiée de l’Amérique des années 50. Un plaidoyer convaincant ?

L’amitié entre George Clooney et les frères Coen est ancienne. Et pour cause, l’acteur a joué dans quatre de leurs long-métrages. Il n’est donc pas étonnant de les voir à l’œuvre sur le scénario de Bienvenue à Suburbicon. Leur gout prononcé pour l’absurde trouve une nouvelle fois écho dans cette histoire rocambolesque, qui se veut également une parabole des troubles sociaux de l’Amérique.

Suburbicon est une petite ville tranquille et résidentielle, qui a su attirer de nombreuses familles blanches grâce à ses magasins et ses pelouses parfaites. Une certaine idée du rêve américain, que partagent Gardner (Matt Damon), sa femme, sa belle-sœur jumelle (toutes deux incarnées par Julianne Moore) et leur jeune fils. Mais alors que la première famille afro-américaine s’installe en ville, l’inquiétude gagne une bonne partie des habitants du quartier. En manque d’argent, Gardner met de son côté au point un plan rocambolesque pour sauver les apparences.

Aux premiers abords, il semble bien difficile de différencier le long-métrage de Clooney d’un nouveau film des Coen. La forme est similaire, et fait hommage à une période encore vécue comme glorieuse par une partie de l’Amérique. Image légèrement jaunie, couleurs pastel… La photographie de Robert Elswit s’inspire du style propagandiste de la publicité pour recréer une parfaite carte postale de l’époque. Comme souvent avec le duo, la mise en scène précède le propos et laisse entendre que le vernis de cette société parfaite ne va pas tarder à s’écailler.

Assez rapidement, Clooney se met en tête de raconter deux histoires distinctes, censées raisonner comme une allégorie des tensions ethniques qui déchirent toujours le pays. La principale concerne le personnage de Damon, un homme bien plus véreux qu’il n’en a l’air. En conflit avec des prêteurs sur gage aux méthodes expéditives, ce dernier se lance dans une périlleuse arnaque à l’assurance. L’occasion d’égratigner l’image de l’honnête classe moyenne blanche des Etats du nord, historiquement confrontée aux rednecks forcement racistes du sud.

Cette relecture « pavillonnaire » de Fargo combine lâcheté et bêtise, et porte clairement la marque de fabrique des Coen. Si l’ensemble est un peu trop prévisible, ce plan simple se transforme rapidement en un jeu de massacre assez plaisant à suivre. Matt Damon convainc en banlieusard dépassé par les événements, tandis que Julianne Moore accompagne le tragi-comique de la situation avec une certaine élégance. Mention spéciale à Oscar Isaac, un enquêteur d’assurance malicieux qui nous gratifie d’une des meilleures scènes du film.

La seconde se focalise sur l’emménagement mouvementée d’une famille afro-américaine, qui voit une partie de la communauté protester violemment et sans raison contre leur arrivée. Basée sur un fait divers réel survenu à Levitton (Pennsylvanie), cette histoire de racisme, révoltante en l’état, ne sert ici que de faire valoir.

En utilisant un exemple fort, Clooney joue plus les pères la morale qu’autre chose. Derrière son apparente volonté de déconstruire la bien pensance de l’Amérique yankee, le réalisateur se sert de ce fait divers pour insuffler une fausse profondeur à son film.

La présence du couple à l’écran est tout simplement anecdotique. Reléguée au dernier plan, leur histoire n’interfère jamais avec les rebondissements de la trame principale. Tant et si bien qu’on finit par les oublier. Un comble quand on comprend ce que leur présence était censée dénoncer.

Le traitement grave de l’évènement dénote d’ailleurs avec le reste du film, qui évolue sur un ton délirant. Ce dédoublement du récit créé un faux rythme qui ralentit même l’intrigue de base. Faire rire tout en nous tapant sur les doigts n’avait rien de facile. Clooney ne réussit qu’à moitié.

Bienvenue à Suburbicon tente un numéro d’équilibriste plus compliqué qu’il n’y parait. Adoubé par les frères Coen dont on reconnaîtra (avec plaisir) le style absurde, le film dénonce en filigrane l’Amérique blanche des Etats du Nord, souvent épargnée par les critiques sur son passé. Hélas, la leçon de Clooney tourne vite court tant il s’intéresse peu aux principaux concernés. Reste une comédie grinçante et plutôt bien interprétée sur des gens un peu trop propres pour être honnêtes.

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