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[5 questions à] Charlie Brooker, créateur de Black Mirror

La troisième saison de Black Mirror débarque aujourd’hui sur Netflix. À cette occasion, nous sommes partis à la rencontre de Charlie Brooker, créateur et showrunner de la série anthologique. Rendez-vous est pris à Londres où nous avons pu lui poser quelques questions sur cette nouvelle saison, riche de 6 épisodes (contre 3 précédemment). L’occasion d’évoquer les nouvelles technologies mais aussi le développement de l’intelligence artificielle.

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Quels ont été les maîtres mots pour cette nouvelle saison de Black Mirror ?

Charlie Brooker : Hmmm… L’achever ! Après, je n’avais pas de plan d’ensemble pour aborder cette nouvelle saison. Je savais que nous allions travailler sur quelque chose d’une plus grande ampleur, nécessitant d’être légèrement plus global et un petit peu plus ambitieux.

Nous voulions plus de diversité, de variété de tons pour cette saison, car nous allions faire 6 épisodes et non plus 3. Et nous devions le faire vite. Pour cela, une partie du processus a consisté à se dire : « Ok, imaginons que nous devons réaliser différents genres de film ». Nous avons donc une histoire sur le passage à l’âge adulte, une romance, une intrigue policière, un film d’horreur, etc.

Quelles actualités ou événements récents vous ont inspiré pour cette nouvelle saison de Black Mirror ?

C’est intéressant ! Nous n’avons pas pensé de cette manière. Les histoires ne viennent pas de l’actualité, même si elles finissent par relater des choses qui se sont produites.

D’une manière générale, je n’ai pas regardé les news en pensant : « hmmm, quel va être le prochain épisode à succès de Black Mirror ». Et puis, le temps d’écrire, tourner puis (post)produire un épisode, d’autres événements peuvent se produire dans le monde (rires). C’est terrible !

Donc ça nécessite d’avoir plus de recul, d’être plus vague par rapport à l’influence que le monde réel peut avoir. Ceci étant dit, Hated in the nation (l’épisode 6, NDLR) est une intrigue policière inspirée par ce qu’on peut lire concernant les polémiques Twitter et toute la haine qui est déversée en ligne.

Donc l’actualité nourrit le scénario, mais nous ne voulions pas faire quelque chose sur la crise des réfugiés, ou quelque chose comme ça.

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En tant que journaliste, que pensez-vous du lien entre les médias et les réseaux sociaux et plus généralement les nouvelles technologies ?

Je ne sais pas, c’est bizarre ce qui se passe en ce moment. Nous sommes de plus en plus dans un monde où vous pouvez suivre des gens, avoir vos propres abonnés, vos informations sont générées et hiérarchisées pour vous par un algorithme. On vous présente donc plus de contenus susceptibles de vous plaire.
Finalement, cela donne l’impression, vraie ou fausse, que les gens sont divisés, chacun dans leur bulle, retranchés dans un coin ou dans l’autre, à se crier dessus.
Quelques années auparavant, tout le monde se plaignait que tout était mélangé, avec les politiciens au milieu, et que tout était uniforme. Et maintenant, soit c’est brillant soit c’est de la merde.

Les gens deviennent démagogues. Il n’y a plus de nuance, les gens ont des avis tranchés. Tout le monde est dans son camp en train de crier sur les autres. Je pense que c’est en partie une conséquence de cet écosystème qui éclot. Ce qui se passera après, je ne sais pas, j’aimerais le savoir.

Quel est votre sentiment sur les nouvelles technologies et plus spécifiquement le développement de l’intelligence artificielle. Êtes-vous inquiet comme Elon Musk ou Stephen Hawking ou enthousiasme, simplement intéressé… ?

Je suis inquiet, je pense que j’ai probablement lu le même article. C’est un peu préoccupant, en y réfléchissant… Après avoir lu ça tu te dis : « OK, ce n’est pas tellement le fait d’inventer un ordinateur qui puisse se retourner contre toi et l’humanité en disant ‘Attendez, l’espèce humaine est pourrie, je vais vous tuer’, mais plutôt que nous ne serions même pas capables de comprendre ce qu’il « pensait ». Et la vitesse à laquelle cela pourrait se produire.

Une fois que tu as fabriqué un ordinateur, une sorte de logiciel qui est capable de créer un autre logiciel encore plus intelligent que lui, le temps d’aller chercher une tasse de thé, tu reviens et soudainement tu partages la planète avec quelque chose dotée d’une intelligence infiniment supérieure à la nôtre. D’après ce que j’ai lu, je pense que nous serions l’équivalent d’une fourmi tentant de comprendre un lave-vaisselle. Nous ne pourrions même pas comprendre ce qui se passe. Et cet aspect est quelque peu terrifiant et clairement inévitable. Alors oui, je suis très inquiet à ce sujet (rires). Parce que cela pourrait être la fin pour nous, dans quoi, 20 ans ? (rires).

Si vous deviez écrire un épisode entier sur la société française, une satire, quel serait son titre et que voudriez-vous mettre en avant ?

Oh !! Je ne prétendrais jamais connaitre suffisamment la société française. Je suis déjà venu en France, j’habite près de la France, parce que je suis britannique. J’aime la France !

Vraiment ?

Oui, qu’est-ce qu’on ne pourrait pas aimer à propos de la France ? Il fait plus beau qu’en Grande-Bretagne et les gens sont encore plus grincheux, donc c’est comme la Grande-Bretagne en mieux, c’est plus anglais que l’Angleterre (rires). La France est moins oppressante que la Grande-Bretagne ou peut-être que je ne la connais pas assez.

Tout ce qui touche à la France est toujours intéressant et exotique pour moi, chaque fois que j’y suis. Je n’y suis pas resté suffisamment longtemps pour trouver cela ennuyant ou déprimant. Mais j’aurais peut-être dû, je ne sais pas (rires).

La saison 3 de Black Mirror est disponible uniquement sur Netflix depuis le 21 octobre 2016.

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